LE SÉNÉGAL EST AUJOURD’HUI UN PAYS DIVISÉ
L'ancien directeur du cabinet du président Abdoul Aziz Tall jete un regard critique sur la situation politique du pays, notamment après les élections législatives du 31 juillet dernier - ENTRETIEN
Abdoul Aziz Tall est formel : «le Sénégal est aujourd’hui un pays divisé». D’où «l’urgence de restaurer le pacte républicain et la culture du dialogue», soutient l’ancien ministre Directeur de Cabinet du Président de la République, Ancien ministre auprès du président de la République chargé du suivi du Plan Sénégal Émergent, Ancien Directeur général du Bureau Organisation et Méthodes. Connu pour ses contributions sur le management, en particulier dans le domaine de l’administration publique, de même que ses analyses sur la situation politique et économique du pays, M. Tall, diplômé en Sciences politiques de l’université de Montréal et MBA de HEC, s’est prêté à nos questions de Sud Quotidien en jetant un regard critique sur la situation politique actuelle du Sénégal, notamment après les élections législatives du 31 juillet dernier.
Monsieur le ministre, en tirant les conclusions de votre analyse sur les résultats des élections locales du 23 janvier dernier, vous aviez affirmé entre autres, que « BBY pourrait s’attendre à des situations difficiles, si la tendance des locales n’était pas redressée». Aujourd’hui, les faits semblent vous avoir donné raison. Quelle lecture faites-vous de la situation politique du Sénégal au sortir du scrutin du 31 juillet ?
Lorsqu’on est témoin d’une partie de l’évolution politique du Sénégal et que l’on observe ce qui s’y passe aujourd’hui, on a toutes les raisons de s’interroger et de s’inquiéter sur l’avenir de notre pays. Loin de moi une quelconque nostalgie en convoquant le passé ou un pessimisme étreignant à cet instant précis, mais plutôt une profonde amertume qui m’habite, face au constat d’une situation politique qui se dégrade de jour en jour, au regard des discours, des postures, des actes et des méthodes des acteurs en présence.
Répondez à la question s’il vous plait
Un des moyens d’apprécier une situation, est d’avoir des éléments de comparaison, un référentiel. Qu’ils soient historiques, actuels ou géopolitique. Et c’est en partant de ce postulat que l’on constate aujourd’hui, à quel point le paysage politique sénégalais s’est progressivement détérioré.
Pouvez-vous nous parler de ce référentiel historique auquel vous faites allusion, pour apprécier la situation actuelle du pays ?
Le Sénégal a toujours été considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, en particulier en Afrique francophone. La scène politique a été certes marquée par des confrontations dont certaines ont été violentes, mais aussi par des débats axés principalement sur des visions, des programmes, des idées et sur des approches méthodologiques et opérationnelles. Les divergences entre le Président Senghor et ses adversaires politiques, notamment le professeur Cheikh Anta Diop portaient essentiellement sur leur vision de l’Afrique et du Sénégal en particulier. Leurs antagonismes portaient sur des programmes de développement, à partir de leur idéologie. Senghor parlait de négritude pour développer le Sénégal et l’Afrique, alors que Cheikh Anta Diop prônait la renaissance africaine à partir de l’héritage de l’Égypte pharaonique et la promotion des langues négro-africaines. Il traitait Senghor et ses amis d’«écrivains africains de langue étrangère» et doutait que leurs écrits soient la «base d’une culture africaine». Quant à Majmout Diop et ses compagnons, ils «vendaient» aux jeunes intellectuels de l’époque les vertus du marxisme-leninisme. La crise politique de décembre 1962 est née principalement d’une divergence d’approche entre le Président Senghor, très soucieux de conserver les relations avec l’ancienne Métropole et le Président du Conseil Mamadou Dia, c o n s i d é r é comme un nationaliste, partisan d’un développement communautaire et ayant une autre conception de l’indépendance. Le voyage qu’il effectua à Moscou pour diversifier les partenaires économiques du Sénégal, fut le point de départ d’une cabale montée pour le destituer, avec une certaine complicité des occidentaux.
Ne pensez-vous pas que la même dynamique oppositionnelle s’est poursuivie dans les rapports entre Diouf et Wade ?
Dans une certaine mesure, oui. Le Président Abdou Diouf a connu une farouche opposition de Maître Abdoulaye Wade, marquée par des moments de très vives tensions, dont certaines ont malheureusement entraîné des morts. On se souvient encore de l’assassinat d’un juge constitutionnel (Me Babacar Sèye, Ndlr) qui avait ému la communauté nationale et internationale. Abdoulaye Wade fut à plusieurs reprises emprisonné. Mais le débat entre les adversaires politiques n’en portait pas moins sur des questions de développement économique, de démocratie, d’orientation idéologique et bien d’autres sujets d’intellectuels. Abdoulaye Wade critiquait Diouf par exemple sur la question du chômage des jeunes, sur la politique étrangère, sur les questions agricoles et de l’hydraulique rurale. Diouf avait mis en place les vallées fossiles, là où Wade prônait lui, les bassins de rétention et le canal du Cayor. L’on garde encore en mémoire, entre autres, les débats houleux et de très haute facture entre Mamoudou Touré, brillant et très respectable Ministre de l’économie et des finances d’alors, ancien directeur Afrique du Fmi et Maître Abdoulaye Wade, député et économiste, qui lui portait la contradiction à l’occasion du vote du budget par l’Assemblée Nationale. C’était un vrai régal que de suivre leurs échanges.
Dans son combat politique contre son opposition peut-on relever des actes concrets d’avancées démocratiques dans la gouvernance de Diouf ?
En matière d’avancées démocratiques, Diouf aura eu le mérite de poser un acte fort en levant les restrictions imposées par Senghor sur la création de partis politiques et plus tard, en initiant un code électoral (code consensuel de 1992, Ndlr) à propos duquel il avait dit, après l’avoir reçu des mains de leurs rédacteurs, qu’il n’y «changerait pas une seule virgule». D’ailleurs, c’est avec ce même code électoral qu’il sera battu par Abdoulaye Wade en mars 2000. La passation de service entre les deux hommes se fit à l’image de celle des grandes démocraties du monde, dans une ambiance empreinte de solennité, de respect et de courtoisie. Abdoulaye Wade demanda même à Abdou Diouf de le représenter à une rencontre qui se tenait au Caire. Si intenses que pouvaient être ses divergences avec Wade, Abdou Diouf savait prendre du recul, négocier avec lui, voire l’intégrer dans un gouvernement d’union nationale de majorité présidentielle élargie.
Pourtant Abdoulaye Wade a toujours été cité parmi les précurseurs de la démocratie en Afrique. Comment expliquez-vous la fin mouvementée de son régime ?
Arrivé au pouvoir, Abdoulaye Wade a eu la malencontreuse idée de vouloir faire de son fils, son successeur à la tête de l’État et ensuite tenter de briguer un troisième mandat, alors qu’il n’en avait pas droit d’un point de vue constitutionnel, et aux yeux de la majorité de la classe politique. Cela, évidemment, lui valut la résistance d’un peuple déterminé, d’abord avec la manifestation du 23 juin devant l’Assemblée Nationale et plus tard avec sa défaite à l’élection présidentielle de 2012. Quoique amère et profondément déçu il s’en remit à la volonté populaire et accepta de remettre le pouvoir à son successeur, en l’occurrence le Président Macky Sall. Mais, le Président Wade avec qui ce dernier avait cheminé durant près de 9 ans, lui avait légué un personnel politique peu habitué aux arcanes de l’Etat. Nombreux parmi ses collaborateurs étaient issus du secteur privé, si ce n’était leur premier poste dans la fonction publique. Une certaine méfiance vis-à-vis de l’administration publique qu’il soupçonnait de rouler pour son prédécesseur, l’avait conduit à créer une véritable organisation parallèle à travers une «agenciation» incongrue et exubérante d’un service public devenu le bassin de rétention de sa clientèle politique. Toutefois, au moins trois mesures marquantes de comportement démocratique sont à mettre à l’actif du Président Abdoulaye Wade. D’abord, le fait que les marches et autres rassemblements publics étaient autorisés. Il l’avait même inscrit comme un droit constitutionnel inaliénable. Ce fut, comme disent les professionnels du droit, «une réforme consolidante». Si la manifestation du 23 juin 2011 s’est tenue devant l’Assemblée Nationale, on le doit à la conception qu’il se faisait des revendications, aussi bien politiques que syndicales d’ailleurs. Est-il besoin de rappeler que le port du brassard rouge en matière de revendications syndicales est venu de sa propre suggestion. Ensuite, il a posé un autre acte qui relève d’un réalisme politique qu’il faut saluer, à savoir sa décision de retirer le projet de loi, objet de la contestation populaire du 23 juin. Même si c’était à la demande d’autorités religieuses, comme certains l’ont soutenu, sa décision témoigne de sa capacité de reculer quand les circonstances l’exigent. Enfin, comme son prédécesseur, il s’est plié à la volonté de son opposition qui exigeait que l’organisation des élections soit confiée à une personnalité indépendante. Au pouvoir depuis 2012, une des ambitions maintes fois exprimées par le Président Macky Sall, était de restaurer l’État dans toute sa vocation républicaine. Un état qui, il faut bien en convenir, avait été fortement fragilisé par son prédécesseur. Mais, cette entreprise de retour à l’orthodoxie, il faut l’avouer, aura fait long feu. A la présence massive de non-initiés dans les affaires publiques dont il a héritée de son prédécesseur, s’est ajouté un engagement à outrance de nombreux agents de l’état dans un militantisme politique et ceci à tous les niveaux de décision du secteur public comme parapublic. La combinaison de ces deux phénomènes aura largement contribué à substituer le débat public au débat politicien, lequel s’est progressivement réduit à transformer en une tribune où le discours était largement plutôt dominé par la défense d’intérêts partisans en lieu et place d’un débat de fond avec l’opposition sur la mis en œuvre des politiques publiques.
Est-ce que ce discours que vous déplorez n’a pas facilité l’entrée en force sur la scène politique sénégalaise de nouveaux acteurs qui n’ont aucune compétence reconnue, mais qui excellent dans l’art d’occuper les médias ?
Aujourd’hui, l’on constate, aussi bien dans les partis au pouvoir que de ceux de l’opposition, l’avènement d’un nouveau type d’hommes et de femmes politiques dont les arguments dominants sont soutenus par un langage et des pratiques qui jurent d’avec les traditions de civilité et les valeurs intrinsèques que notre société nous a toujours enseignées. Le débat programmatique donc, sur les politiques publiques a fini par disparaître presque totalement pour céder la place à une véritable foire d’empoignes où le baromètre des performances réside dans la capacité à calomnier ses adversaires, à s’attaquer à leur vie privée ou à user de méthodes peu orthodoxes pour les démolir.
Est-ce que l’avènement de nouveaux moyens de communication, notamment avec les réseaux sociaux n’a pas accentué cette situation que vous décrivez ?
Malheureusement, certains médias, publics comme privés, au lieu de s’investir dans leur mission originelle d’éveil des consciences citoyennes, en sont venues à asseoir ces pratiques répréhensibles, en s’offrant comme réceptacles de débats totalement stériles et improductifs et en servant de relais à des propos que réprouvent aussi bien nos valeurs religieuses que notre tradition de «Kersa». Il faut tout de même se féliciter que dans cette grisaille médiatique, certains organes de presse, comme des sites, des réseaux sociaux ont su résister et conserver ainsi leur mission sacerdotale. Les conclusions des assises nationales, la mise en œuvre des politiques publiques dans le cadre du PSE, fruits d’une profonde et exhaustive réflexion, menée par des hommes et des femmes aux compétences avérées, issus de toutes les catégories socioprofessionnelles, d’ici comme de la diaspora, auraient dû être aujourd’hui, le point de convergence du débat politique, d’autant que notre pays regorge présentement, d’énormes ressources naturelles capables d’accélérer son émergence économique et sociale.
Mais cette vacuité du débat politique est-il vraiment nouveau dans notre pays ?
Il serait injuste de croire que ces pratiques sont nouvelles sur la scène politique sénégalaise ou qu’elles n’ont jamais existé dans les régimes antérieurs Elles ont effectivement toujours existé mais de façon marginale. Si elles sont donc évoquées aujourd’hui, c’est parce qu’elles ont atteint une ampleur sans précédent au point de créer une certaine désaffection de bon nombre de concitoyens par rapport à la chose politique, en particulier ceux qui considèrent que celle-ci doit être une affaire de gentleman et non une arène où domine la violence physique et verbale.
Quelles conséquences pourraient entraîner ces dérives dans notre société ?
Tous ces discours polémistes, qui dérapent à certaines occasions sur des sujets jusqu’ici tabous de notre société comme les questions ethniques, religieuses, confrériques ou régionalistes, entre autres, concourent à envenimer les rapports entre le pouvoir et l’opposition, surtout celle considérée comme radicale, et constituent une réelle menace à la cohésion sociale qui a toujours été la compétence distinctive du Sénégal en Afrique. Au lendemain des élections locales, je vous faisais humblement remarquer qu’en lieu et place d’une adversité politique empreinte de courtoisie et d’élégance républicaine qui devrait être la norme dans une démocratie, les acteurs en sont venus aujourd’hui à entretenir des relations d’animosité, de violence, sur fond de menaces, d’attaques personnelles, de défiances et d´avertissements musclés.
Pensez-vous qu’il soit possible de rapprocher les différentes positions ?
Ma réponse à cette question demeure invariable, à savoir que notre pays a toujours été considéré comme un État de droit et de démocratie. Mais l’État de droit et de démocratie est intrinsèquement lié, entre autres, à la qualité des relations entre le pouvoir et l’opposition. Dès lors, un pays sans opposition ou avec une opposition faible ou affaiblie ne saurait être considéré comme une véritable démocratie. L’un dans l’autre, de réels dangers pourraient guetter la démocratie sénégalaise. En effet, lorsqu’un contrepouvoir formel et solide n’existe plus dans une démocratie pour exprimer la position de la minorité, c’est le peuple lui-même ou une partie de ce peuple qui risque de se dresser en une véritable opposition informelle et sans attache idéologique conventionnelle. Et cette forme d’opposition spontanée conduit irrémédiablement à des dérives anarchiques qui appellent à la répression et à l’usage de la force. Et comme je l’ai dit dans un précédent entretien, et je le répète : une vraie démocratie a davantage besoin d’oxygène que de lacrymogènes pour exister et garantir la paix et la stabilité sociale.
Si vous aviez un conseil ou suggestion à faire aux acteurs politiques pour éviter que le pays ne s’enlise dans cette situation que vous déplorez, que leur diriez-vous ?
Dans ce contexte où les acteurs politiques se regardent en chien de faïence, je suggère à Monsieur le Président de la République, père de la nation et principale figure du jeu politique d’être le métronome de la restauration d’un climat de paix, en évitant de suivre tous ceux se complaisent dans cette situation de belligérance avec l’opposition, en particulier, celle radicale, incarnée par Yewwi Askan Wi, qui vient de démontrer sa représentativité à travers les résultats de ces élections législatives. Il en a d’autant plus intérêt que c’est lui, et lui seul qui est élu au suffrage universel, et qui a pour objectif de livrer un bilan au peuple à la fin de son mandat. Par conséquent, il doit éviter toute situation de nature à menacer la stabilité du pays, et conséquemment entraver le déroulement normal de la mise en œuvre de son programme de politiques publiques.
Quel serait alors le mode opératoire de cette suggestion au Président de la République ?
Il doit commencer d’abord par considérer ses adversaires politiques comme des opposants à son régime à l’image de ce qui existe dans tous les pays démocratiques du monde et non comme de simples «perturbateurs» de sa gouvernance, qu’il chercherait à rendre insignifiants.
Pensez-vous donc que c’est le Président Macky Sall qui devrait reconsidérer sa stratégie face à ses adversaires politiques ?
Abdou Diouf a reçu en audience en pleine crise politique Abdoulaye Wade dans une atmosphère électrique. Ce jour-là, la tension avait atteint un point tel que nous n’avions pas quitté nos bureaux de la présidence de la République, tant il y avait des craintes que le pays allait s’embraser. Il me paraît impératif que le Président de la République fasse adopter une autre stratégie de lutte contre ses adversaires politiques. La très forte tendance aux attaques personnelles et autres suspicions liées aux recours à des dossiers judiciaires, aux emprisonnements, à la transhumance d’opposants ont assurément montré leurs limites. Cette stratégie est non seulement contre-productive pour lui et ses partisans, mais elle ne peut que contribuer à envenimer davantage le climat social et paradoxalement à renforcer cette opposition radicale. Il faut en convenir, ils sont nombreux au sein de l’opinion à considérer la stratégie actuelle du pouvoir comme de simples manœuvres, visant à éliminer des adversaires politiques. La forte percée de l’opposition au cours de ces élections législatives, indique clairement que la transhumance comme la stigmatisation des opposants comme recours au combat politique, n’ont pas été des stratégies payantes. Le Président de la République lui-même devrait s’en convaincre, en se souvenant de ce large élan de solidarité dont il avait bénéficié lorsque le Président Abdoulaye Wade a voulu le liquider politiquement, à travers des accusations dont tout le monde savait qu’elles relevaient de sordides manœuvres politiciennes. Le Chef de l’Etat est seul à pouvoir amorcer ce processus de dégel tant souhaité, de ce climat malsain qui règne dans le pays, en invitant ses partisans à recentrer le débat. D’autant que figurent dans son propre camp des cadres hommes et femmes ayant une solide formation académique, universitaire, dotés de bagages intellectuels et capables de soutenir un débat d’idées face à n’importe quel challenger. Ce sont ceux-là dont il doit favoriser la participation à un débat politique contributif et non ceux dont le langage comme les comportements heurtent plutôt la sensibilité de la majorité de leurs concitoyens. Nos hommes politiques, comme dans toutes les démocraties du monde, sont obligés de se parler, de se concerter afin d’éviter de plonger le pays dans des lendemains incertains où les citoyens finissent par devenir de simples otages stressés d’une guéguerre sans fin.
Pour que ce pacte républicain soit une réalité, ne faudrait-il pas que l’opposition soit aussi dans les mêmes dispositions ?
Cette posture attendue du chef de l’Etat doit évidemment trouver son répondant auprès des responsables de l’opposition. Surtout ceux de l’opposition radicale. Ceux-ci doivent admettre que le Président de la République est celui qui a été élu au suffrage universel et qu’il doit demeurer à son poste jusqu’au terme de son mandat. Il est le chef de l’Etat et l’autorité suprême de la nation tel, que le stipule la constitution. Chaque sénégalais lui doit respect, eu égard à la haute institution qu’il incarne. Les divergences politiques et l’adversité, si fortes soient-elles ne devraient en aucun cas engendrer un sentiment de haine et d’animosité ou un discours violent et indécent à son égard, quelque soit par ailleurs le jugement que l’on peut porter sur sa gouvernance. Le Sénégal est aujourd’hui un pays divisé, comme l’ont démontré éloquemment les résultats sortis des élections législatives. Une fois encore, chaque partie doit prendre conscience qu’il ne sert à rien de conquérirle pouvoir ou de chercher vaille que vaille à le conserver, si l’on doit passer tout le reste de son temps à recomposer les pièces d’une nation éclatée ou d’éteindre des brasiers qu’on aura allumés. Il y va de la survie et de l’image de notre nation et de sa démocratie.
Qui, pour faciliter le rapprochement auquel vous appelez ?
Notre pays a une vieille tradition de dialogue. Il compte suffisamment de personnalités politiques, religieuses et de la Société civile, désintéressées, (permettez que j’insiste sur ce qualificatif), en mesure de faciliter ce rapprochement. Une des conditions est que du côté de l’opposition comme celui du pouvoir, l’on fasse preuve de responsabilité, en se débarrassant d’abord des égos surdimensionnés, ensuite en évitant de part et d’autre l’utilisation d’armes non conventionnelles dans un combat démocratique où seul le peuple est habilité à rendre son verdict. C’est ainsi que les acteurs politiques pourraient donner la preuve que c’est le Sénégal, et le Sénégal seulement qui les intéresse et que son avenir ne saurait se bâtir sur un ring de gladiateurs.