LES RISQUES DE LA SUPPRESSION DES CONTRÔLES ROUTIERS DANS LES CORRIDORS
Pour lutter efficacement contre les accidents de la route, la sensibilisation ne suffit pas.
Pour lutter efficacement contre les accidents de la route, la sensibilisation ne suffit pas. «Il faut des mesures de coercition», a dit hier Amadou Lamine Fall, le chargé de mission à Pagotrans. Il demande aussi à l’Etat de prendre en charge des victimes d’accident.
Les drames provoqués par les accidents de la circulation sont inqualifiables. Bien sûr, la Campagne de sensibilisation sur la sécurité routière ne suffit pas à elle seule pour venir à bout de cette situation. C’est le point de vue de Amadou Lamine Fall, chef de mission au Programme d’appui à la gouvernance dans le secteur des transports terrestres (Pagotrans). «Nous nous sommes évertués depuis deux ans, à faire des campagnes de sensibilisation, mais il faut que les gens sachent que les effets d’une campagne de sensibilisation ne sont pas immédiats. Je ne suis pas sûr qu’elle peut arrêter les accidents», assène M. Fall. Il a soutenu cet avis lors d’un atelier de discussion organisé avec les acteurs sur les difficultés rencontrées et les expériences vécues sur le terrain dans la campagne de sensibilisation. Que faire ? «Si on se limite à la sensibilisation en laissant les chauffeurs à leur bon vouloir, beaucoup d’entre eux n’en feront qu’à leur tête. Mais s’il y a des mesures de coercition, cela pourrait beaucoup aider à éviter les accidents sur les routes. Pour ce faire, il faudrait que l’Etat puisse prendre ses responsabilités et que des mesures soient prises pour les contrevenants», a-t-il dit.
Aujourd’hui, la situation est aussi noire que le ruban sur lequel les véhicules roulent à vive allure, sans parfois respecter le Code de la route. Cette année, la route a encore été un mouroir pour de nombreux Sénégalais, avec un nombre de cas de décès qui dépasse de loin les statistiques de l’année dernière. «Je sais que les accidents ont baissé en 2021. Mais quand le Directeur général de l’Anaser a parlé hier de 519 accidents pour l’année 2022, j’étais ahuri. En cette période de septembre, il y a eu beaucoup d’accidents, mais je ne pensais pas qu’on avait dépassé les 500», explique-t-il en affichant sa surprise, avant de recommander des assises sur cette question en vue de trouver une solution.
Corridors sans contrôle
Pour lui, la première chose à faire est d’effectuer un contrôle routier, qui fait défaut dans les différents corridors du pays. «Nous avons fait tout récemment, une mission sur le corridor Dakar-Kidira, mais compte tenu des contraintes que les gens ont rencontrées à l’issue de la grève de décembre dernier et des accords qui ont été faits, le contrôle routier est quasi inexistant», renseigne Amadou Lamine Fall. Il pense que «même pour des raisons de sécurité interne, il faut qu’il y ait un contrôle routier». Par exemple, le Cadre unitaire des syndicats des transports routiers du Sénégal (Custrs) avait arraché la révision du décret 2021-1600, relatif au point de contrôle sur les corridors routiers. Lequel a permis de créer des brigades mixtes de contrôle routier, de fixer des points de contrôle sur les corridors routiers. Sur l’axe Dakar-Bamako, il a été fixé les points de contrôle à Diamniadio, Kidira et Kaffrine. Ils seront placés sous la supervision des brigades mixtes gendarmerie-douane-Eaux et forêts, au niveau des deux premières villes. Alors que la police se chargera de Kaffrine et Tambacounda.
Pagotrans pour une prise en charge des victimes
Au regard de ces nombreux accidents de la route qui sont à l’origine de nombreuses pertes en vies humaines, le chargé de mission de Pagotrans suggère à l’Etat de réfléchir sur la prise en charge des victimes. D’après lui, il y a des gens dont la vie est réduite à néant après un accident. «Je pense que l’Etat doit, en pareille situation, mettre des moyens pour aider ces victimes», dit le responsable à Pagotrans.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier la formation continue des chauffeurs. «Ils sont sensibilisés et engagés. Mais le problème, c’est la tranche d’âge qui est en train de conduire. Ce sont des jeunes. Il faut les aider, les former, mais aussi réprimer. Lors des formations qu’on a faites dans les régions, nous nous sommes rendu compte que beaucoup de jeunes ont des permis, mais ne savent même pas le déchiffrer. Il faudrait que l’Etat mette en place un dispositif de formation continue des jeunes pour les aider à mieux se comporter en tant que chauffeurs», avance Amadou Lamine Fall. Abondant dans le même sens, Ibrahima Ndongo, expert-formateur, embraie : «En plus d’avoir un déficit de formation, ces conducteurs sont aussi des victimes et meurent chaque année sur la route.»
Financé à hauteur de 2 milliards 620 millions F Cfa par l’Union européenne, le Pagotrans, d’une durée de 2 ans et lancé en septembre 2021, vise à contribuer aux efforts des autorités sénégalaises pour relever ensemble, les défis majeurs auxquels sont confrontés le Sénégal et les autres Etats d’Afrique de l’Ouest. Surtout que la route tue 600 personnes par an dans ce pays et la sécurité routière coûte 163 milliards par an à l’Etat. Ce qui pourrait être une bouffée d’oxygène pour le pays frappé par des séries de drames routiers sans arrêt.