TRENTE SITES INDUSTRIELS ASSEZ POLLUANTS AUTOUR DE DAKAR
Le Représentant résidant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), Christophe Yvetot, signale qu’une étude réalisée par sa structure a fait ressortir une trentaine d’industries assez polluantes
Les industries ne respectent pas les normes de traitement des déchets avant de les jeter en mer. Le Représentant résidant de l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI), Christophe Yvetot, signale qu’une étude réalisée par sa structure a fait ressortir une trentaine d’industries assez polluantes. Un résultat qui peut être beaucoup plus important, vu la minorité des structures enquêtées. Il était hier, vendredi 14 octobre, à la rencontre de célébration des huit années de collaboration entre le Partenariat des Nations Unies en faveur de l’économie verte (Page) et l’Etat du Sénégal.
Nous avons réalisé un rapport récemment qui a permis d’analyser, autour de Dakar, trente sites industriels et qui sont assez polluants. Il s’agit de pollution chimique, plastique, électronique, de rejets liquides, des eaux usagées ou des huiles aussi, des pollutions atmosphériques avec des gaz à effet de serre. Et donc, nous proposons, dans le cadre du PSE Vert, de pouvoir mettre en place, et de trouver des partenaires pour mettre en œuvre le plus rapidement possible et à grande échelle, un programme de mise à niveau environnemental de toutes ces entreprises. Pour des ingénieurs, c’est très simple. Ils sont capables d’aller dans une usine et de dire voilà comment arrêter les sources de pollution, en changeant les habitudes des personnels mais aussi en changeant les équipements. On peut réussir à faire des industries non polluantes qui gardent leurs déchets, évitent les gaspillages d’énergie, de matières, de rejeter à la fois des gaz mais aussi des produits dans la nature qui vont la polluer. Aujourd’hui, tout cela est possible. Il y a des savoir-faire, des technologies qui sont maintenant à des prix abordables. C’est juste un changement de culture. C’est ce changement culturel qui est le plus difficile. Parfois aussi, comme ce sont des changements qui ont un coût, il faut réussir à combiner des investissements publics qui vont en plus déclencher des investissements privés. Ensemble, le public et le privé peuvent réussir cette transition. Pour cela, on a besoin du gouvernement, des entreprises, de la société civile, des communautés et des gens qui travaillent aussi dans les usines pour faire cette transition.
Quels sont les types de pollution les plus fréquents ?
On a identifié un certain nombre de pollutions au Sénégal qui peuvent avoir un impact à la fois sur le littoral mais aussi sur le territoire. Elles sont chimique, plastique, électronique, d’eaux usées et autres. Donc, il y a beaucoup de travail à faire pour essayer de mettre à niveau environnemental surtout des entreprises qui, aujourd’hui, rejettent des déchets, quels qu’ils soient, dans l’atmosphère ou dans la nature au Sénégal. Et donc le littoral, évidemment, est concerné puisqu’un certain nombre d’industries rejettent leurs déchets liquides ou solides sur le littoral, mais aussi les consommateurs puisque lorsqu’il y a des déchets plastiques ou tout autre type de déchet ; ce ne sont pas simplement les industries, ce sont aussi les citoyens. Ce qu’il faut, c’est vraiment maintenant s’organiser et de faire en sorte que ces produits ne soient plus considérés comme des déchets mais, au contraire, comme des matières premières. Avec le plastique, vous pouvez constituer une filière industrielle. On peut le trier, le transformer, le recycler et le réutiliser. Les pays qui font cela, développent des filières très porteuses d’emplois et très modernes. Donc, ça c’est une filière. Si vous prenez chaque produit, qu’il s’agisse du métal, du verre, du carton, du papier, rejeter ces produits, c’est du gaspillage alors que si on s’organise avec un peu d’investissement public mais aussi en mobilisant le secteur privé, on peut faire positionner le Sénégal vraiment comme un pays d’industrie qui utilise ces déchets comme des matières premières pour fabriquer d’autres produits. Et dans ce processus, évidemment, il y a des emplois souvent plutôt qualifiés. Il y a des emplois de ceux des récupérateurs ; mais c’est beaucoup d’emplois. Les récupérateurs, on peut mieux les former, les structurer pour qu’ils se développent comme des entreprises. Mais aussi il y a toutes les étapes, ceux qui transforment, ceux qui utilisent ces produits pour en créer d’autres. Voilà, il faut essayer de combiner à la fois la lutte contre la pollution ; mais on ne peut le faire de façon durable que si on montre les opportunités et qu’en fait ce rejet de produits (les déchets) sont des matières premières et qu’en organisant bien les filières on peut réussir à utiliser les matières premières pour créer de nouvelles industries.
Selon vous, combien y a-t-il d’industries sur le littoral sénégalais ?
Je dirais qu’une grande partie, souvent est près du littoral, mais pas toutes. Mais, historiquement, c’est vrai que les industries se trouvent toujours près du littoral parce qu’elles ont besoin d’eau. L’étude qu’on a pu mener avec des fonds limités, maintenant si on faisait cette analyse sur l’ensemble du territoire sénégalais, il est clair qu’on trouvera beaucoup plus de choses. Il se trouve que 95% des industries sont concentrées autour de Dakar. On en a fait trente. On pourrait en faire soixante ou plus. Je pense que ces trente nous donnent un peu une idée des besoins, des actions nécessaires pour faire du Sénégal un pays d’industrie verte et ça c’est une question d’investissement. Ce n’est pas impossible. C’est quelque chose qu’on peut faire et surtout quand les entreprises font cette transition, elles deviennent des leaders qui leur permettent ensuite de pouvoir former les autres entreprises, même de toute la région, pour faire cette transition. Certaines même parfois développent une nouvelle activité qui est celle de mettre à niveau les autres entreprises. Elles sont passées dans ce processus et donc elles ont toutes les connaissances d’aider les autres à le faire. Et c’est un nouveau secteur d’activités.
Le Sénégal s’achemine vers une exploitation de pétrole et du gaz. N’y a-t-il pas de risques de polluer davantage les océans ?
Dans toutes les activités humaines, il y a des risques. Lorsque vous prenez votre volant, il y a des risques et donc il y a le niveau de risque par rapport aux avantages. Donc, c’est un choix qu’il faut faire, quel que soit le type d’énergie. Donc, le pétrole et le gaz, c’est une chance pour le Sénégal parce qu’on espère dégager des ressources qui vont permettre au Sénégal de pouvoir renforcer l’éducation, la santé mais aussi ça a été prévu qu’une partie de ses ressources soient utilisées, notamment grâce au Fonds souverain d’investissement stratégique (Fonsis), pour continuer à assurer une diversification économique. C’est-à-dire qu’on puisse continuer à moderniser l’agriculture à travers les agropoles, qu’on puisse former les gens à travers la formation technique et professionnelle, qu’on puisse vraiment assurer une diversification qui fasse que ces ressources qui ne sont pas infinies mais qui ont une durée de vie d’une trentaine d’années, d’après ce qui est dit, que le Sénégal utilise tout cela pour devenir plus solide, avoir une économie diversifiée et d’avoir une économie où les produits agricoles sont transformés, où toute la culture du Sénégal puisse être transformée en industries créatives, où d’autres secteurs non polluants puissent émerger et qui feront que ces réserves ont servi à établir des bases solides pour le développement du Sénégal.