VOIX DE FEMMES POUR UN RETOUR A LÉTAT DE DROIT ET LA DÉMOCRATIE
Emprisonner arbitrairement et rechercher un motif secondairement est devenu le sort des opposants trop visibles ou des journalistes trop curieux. Sommes-nous en État de siège ou en guerre ? COLLECTIF DE FEMMES POUR LA DÉFENSE DE LA DÉMOCRATIE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Collectif de femmes pour la défense de la démocratie, reçu ce 22 mars, à propos de la situation sociopolitique nationale.
« Nous, femmes politiques, femmes de la société civile, citoyennes anonymes, nous présentons devant le peuple sénégalais et même l’Afrique toute entière pour nous indigner de la situation actuelle de notre pays, ce cher Sénégal.
Nous nous engageons à participer au combat pour le rétablissement de l’État de droit et à faire avancer le capital démocratique sénégalais obtenu au fil des luttes depuis notre accession à l’indépendance.
La nation sénégalaise est fondée sur le dialogue et un contrat social ; ces fondements nous ont permis de traverser plusieurs crises forgeant notre modèle de société. La sacralité de la parole donnée, surtout en public et à l’adresse des autorités, figure en bonne place dans ce contrat.
Aujourd’hui, nous assistons les bras croisés à la destruction planifiée de ces piliers du fait des inégalités en tous genres, du désordre institutionnel et du rétrécissement de l’espace de rencontres républicaines.
En ces années 2020, la maturité politique des sénégalais appelle à un débat de confrontation sur les projets de sociétés des uns et des autres. Mais la judiciarisation voire criminalisation de l’action politique met le pays en ébullition et relègue ces questions importantes au second plan.
Emprisonner arbitrairement et rechercher un motif secondairement est devenu le sort réservé aux opposants trop visibles ou aux journalistes d’investigation trop curieux. La décision de couper le signal d’une télévision est devenue une formalité déconcertante.
Les libertés d’expression et d’informer sont ainsi sérieusement compromises par ces intimidations.
Pour l’opposition, organiser un rassemblement ou une marche relève du parcours du combattant quand un préfet se donne le pouvoir de supplanter les droits institutionnels par des arrêtés !
*Il est devenu banal de voir un procureur rajouter des chefs d’inculpation dans un dossier opposant deux citoyens. Dans le même temps, le tempo de l’instruction est dicté par le statut de l’incriminé et le calendrier électoral. C’est ainsi que les centaines de rapports produits depuis 2012 par les corps de contrôle pointant la mauvaise gestion et des détournements caractérisés de ministres, directeurs et agents administratifs étiquetés de la mouvance présidentielle sont mis sous le coude tandis que d’autres sont traités avec une diligence suspecte.
**Ces jours-ci la machine est devenue incontrôlable
*La disparition de citoyens ou leur mort sans enquête n’étonne plus personne ce qui est un signe de déshumanisation de notre société.
*Un membre de la société civile a été poursuivi sur la Corniche et sa voiture criblée de balles. Qui sont ces personnes habillées ou déguisées en force de l’ordre ? Personne ne pouvait s’imaginer que de tels actes puissent se produire dans notre pays. Et pourtant, à lire les Unes des journaux les jours qui ont suivi cette tentative d’assassinat, cela semble susciter peu d’intérêt !
*Des scènes inimaginables se sont produites: un citoyen confiné chez lui et le quartier bouclé sans qu’aucune notification administrative ou judiciaire ne viennent sous-tendre de tels actes ;
*des vidéos de citoyens brutalisés par des nervis protégés par les forces de l’ordre, de véhicules vandalisés, des substances inconnues aspergées directement sur des personnes par des éléments de sécurité, de refus de laisser passer une ambulance font le tour des réseaux sociaux.
On est où ?? Sommes-nous en État de siège ou en guerre ?
Qu’est-il advenu de l’esprit républicain dans l’exercice du maintien de l’ordre et de la déontologie de l’appareil judiciaire ? Les policiers et gendarmes ont-ils le quitus pour s’attaquer au peuple en tirant à balle réelle et créer un climat de panique ? Les enseignes étrangères méritent elle plus de sécurité que les quartiers résidentiels ou populaires ? Des centaines d’opposants arrêtés sont délibérément confondus avec les casseurs dans les médias et présentés comme des trophée de guerre. In fine, les prisons sont devenus le 47ème département du Sénégal !
*Nous sommes à un an de l’élection présidentielle et nous ne maîtrisons pas notre destin : entre la hache judiciaire et le couperet du parrainage qui sera candidat ? Le président voudrait décider seul du destin des 17 millions de Sénégalais en domestiquant l’appareil judiciaire, l’administration territoriale et une certaine société civile.
Alors qu’être électeur est un droit constitutionnel, comment admettre que le jeune qui dispose d’une carte nationale d’identifié à sa majorité se voit privé du droit de vote ipso facto et contraint de galérer pour jouir de ses droits civiques ?
Comment comprendre que la durée des inscriptions sur les listes électorales passe de 90 à 24 jours dans un pays où plus 300 000 âmes atteignent la majorité chaque année ?
Quand on a le souci de bâtir une conscience citoyenne, on procède autrement.
Ce climat anxiogène d’insécurité institutionnelle nous affecte tous et ternit la réputation du Sénégal jadis exemple cité en Afrique pour sa paix, sa stabilité et ses forces régulatrices.
De fait les barrières tombent une à une sous les coups de boutoirs de la corruption et ce pays au visage défiguré ne peut se suffire d’un développement uniquement matériel ou l’humain et la nation sont balafrés par l’insuffisance de la disponibilité des minimas sociaux et la mauvaise gouvernance.
Le tout répressif n’est certainement pas la solution et, à ce rythme, les uniformes et les bottes remplaceront les boubous et les costumes à la salle du Conseil des ministres. Ce sera comptabilisé dans l’héritage d’un président qui aura perduré le jeu du « ni oui, ni non ».
Quel sinistre destin ce serait pour notre cher pays en cette année 2023 !!
Alors nous les femmes,
*prenons nos responsabilités devant Dieu et devant le peuple sénégalais pour donner écho à la parole de femme sénégalaise face à l’histoire.
*Combattons ceux qui détruisent le pays et ne laisserons pas l’appétit insatiable du pouvoir qui a gagné le locataire de l’avenue Roume nous emporter.
*Ne servons pas ce qui restera du pays, après nous être étripés, aux prédateurs qui rôdent autour de nous et qui hypothèquent notre avenir par les contrats mal négociés, la dette et la surexploitation de nos ressources!
Ne leur facilitons pas la tâche par manque de clairvoyance !
*Nous pensons qu’il est indispensable de se battre pour faire renaître la nation sénégalaise et qu’il nous faut accepter que ce combat contient plusieurs volets donc beaucoup acteurs et que le facteur temps est aussi à prendre en considération.
*Comme en 68, nous disons au président que nous lui avons seulement confié la gestion du pays dans un cadre normé qu’est la constitution; nous attendons de lui qu’il nous respecte et nous rende des comptes. Il n’est pas seulement comptable des infrastructures ; il l’est aussi pour tout ce que le Sénégal sera devenu entre 2012 et 2024.
*Les Femmes demandent de libérer le peuple en respectant le contrat qui nous a lie depuis 2012 et qu’il a répété urbi et orbi à savoir que la question du 3ème mandat est définitivement réglée institutionnellement et moralement et qu’il prépare des élections libres, apaisées et transparentes pour que le peuple sénégalais dessine son destin à sa guise.
*Les femmes exigent l’arrêt des intimidations, des arrestations tous azimuts et rappellent que les forces de l’ordre sont aussi soumises aux lois du pays. Leur omniprésence massive crée plus de désordre car elle suscite angoisse et colère auprès de la population et surtout chez les jeunes.
*Les femmes rappellent aux magistrats le rôle centrale qu’ils jouent dans la nation dès lors que le respect de leur déontologie guide leurs pas dans l’exercice de leur fonction.
Les femmes demandent d’assainir la gestion du pays en mettant un terme à la cleptomanie régnante et à la gabegie métastasée dans les sphères de l’administration centrale et les collectivités territoriales.
*Les femmes demandent le retour de la compétence et du savoir être comme valeur cardinale pour occuper une fonction.
De même elles travaillent à l’éradication de l’achat de conscience des régulateurs sociaux de tous bords pour leur redonner leur rôle central dans la pacification du pays.
*Les femmes seront au premier plan pour négocier et fumer le calumet de paix mais aussi pour sortir massivement et pacifiquement brandir des pancartes et prendre la parole.
Notre objectif est de revendiquer la restauration de la dignité des sénégalais et du Sénégal. »