AU-DELÀ DU CONSEIL SUPERIEUR, LE TRAITEMENT DES DOSSIERS EN QUESTION
Le regard et l’idée que la justice sénégalaise doit se départir de certaines pratiques viennent de certains des acteurs du système judiciaire eux-mêmes
Le débat sur l’indépendance de la justice ne faiblit toujours pas et la remise en cause de l’impartialité de certains juges n’est pas du goût du Chef de l’Etat qui a tenu à l’exprimer en ces termes : «Il faut que les gens arrêtent de dire que les magistrats ne sont pas indépendants!» Dans l’émission «Yoon Wi» de la Radio Futurs Médias (RFM), diffusée le samedi 22 avril 2022, le président de la République, Macky Sall, qui est revenu sur l’indépendance de la justice, a soutenant que la présence de l’exécutif n’a pas d’impacts sur les décisions du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM). Seulement, les remarques faites souvent sur cette indépendance, concernent plus le traitement des dossiers impliquant des acteurs politiques.
Dans un entretien avec la Radio Futurs Médias (RFM), le président de la République, Macky Sall, n’a émis aucune réserve sur l’indépendance de la justice qui fonctionne, selon lui, suivant le cours normal des choses. «Cette organisation du Sénégal n’est pas assimilable aux autres systèmes. Dans notre pays, le président de la République est la clé de voute des institutions. Cela ne veut pas dire que c’est lui qui décide à l’Assemblée nationale ou dans une autre institution. Au niveau du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), le président de la République ne fait qu’assister à la séance. Les magistrats sont ceux qui savent les changements à faire», a-t-il déclaré lors de cette émission. Suffisant pour qu’il s’érige en défenseur des juges. «Il faut que les gens arrêtent de dire que les magistrats ne sont pas indépendants!», a-t-il lancé, invitant les Sénégalais à plus de retenue et même de logique sur ce sujet. Non sans préciser qu’étant opposant, il n’a jamais été question, pour lui, de dire que «le président de la République doit sortir du Conseil Supérieur de la Magistrature.» Il est à signaler, cependant, que les critiques contre le problème d’indépendance de la justice ne se limitent à la présence de l’Exécutif dans le Conseil Supérieur de la Magistrature ; mais elles vont au-delà. Le regard et l’idée que la justice sénégalaise doit se départir de certaines pratiques viennent de certains des acteurs du système judiciaire eux-mêmes. L’indépendance de la justice a été un des combats du bureau de l’Union des Magistrats Sénégalais (UMS), alors dirigé par Souleymane Téliko. Diverses rencontres/séminaires rappelant la posture idéale du juge ont été tenues en son temps.
QUAND LES CRITIQUES VIENNENT DES ACTEURS JUDICIAIRES EUX-MEMES
Mieux, l’ancien Procureur spécial Alioune Ndao a lui aussi eu un avis réprobateur sur certains faits et actes. «Nous traversons une des pires crises de notre histoire. De mémoire, cette justice n’en est jamais aussi attaquée, vilipendée et discréditée que lors de ces évènements malheureux. C’est la première fois que des attaques physiques portant sur des juridictions ont lieu au Sénégal. Quand j’ai vu l’image de la salle d’audience du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Diourbel brûlée, ça m’a fait beaucoup mal ; mais, comme on le dit, «il n’y a jamais de fumée sans feu» et comme l’ont dit certains, «il y a un réel problème de confiance entre la justice et les justiciables». Il avait fait cette déclaration lors d’un symposium sur l’indépendance de la justice, organisé par l’UMS en mars 2021, soit quelques temps après l’éclatement du dossier Ousmane Sonko - Adji Sarr et les conséquences qui en ont découlées.
Les attaques et autres reproches concernant l’indépendance de la justice viennent souvent du barreau. Des avocats récusent parfois le déroulement d’affaires mettant en cause leurs clients. La critique sur l’indépendance de la justice revient fréquemment aux devants de l’actualité à cause de traitement «spécial» et «diligent» réservés à certains dossiers surtout ceux impliquant des leaders politiques, notamment de l’opposition. C’est le cas dans l’affaire de la caisse d’avance, où des voix se sont élevées pour fustiger la rapidité avec laquelle le dossier de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall a été géré. Il s’y ajoute la dernière procédure opposant le leader du Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, au le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. Revenir sur l’indépendance de la justice, c’est également parler de ces proches du régime qui sont épinglés par des rapports d’audits des corps de contrôle de l’Etat et qui ne font pas l’objet de poursuites judiciaires. Les rapports de l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) ayant décelé des manquements dans la gestion des affaires publiques ne font pas l’objet d’une évacuation rapide. Pendant ce temps, des acteurs politiques du camp adverse supposés coupables de «délits» sont vites appréhendés et livrés à la justice.