MULTIPLE PHOTOSARTISTE CREE DES ŒUVRES DONT LE SOUBASSEMENT EST DIVIN
C’est un géant aux mains géniales, aux pieds solides et à l’esprit magistral qui nous accueille dans son atelier au Village des arts de Dakar. Cet homme au regard vif, coiffé de son bonnet et de canne naine fétiche, s’impose sans trop en décider
C’est un géant aux mains géniales, aux pieds solides et à l’esprit magistral qui nous accueille dans son atelier au Village des arts de Dakar. Cet homme au regard vif, coiffé de son bonnet et de canne naine fétiche, s’impose sans trop en décider tel un gourou des univers plastiques. Du haut de ses 50 ans de carrière, qu’il fête (ou qu’on lui fête plutôt) en grande pompe cette année, Zulu Mbaye se dit tout de même encore dans sa quête artistique. « Poète des formes et des couleurs » selon Moussa Sène Absa, « magnifique artiste au bleu inimitable » d’après Abdoulaye Diallo Le berger de l’île de Ngor, préfère encore son « jeu » au « je ». Toutefois, les deux s’entêtent à se confondre. Le maître plasticien nous entretient des pulsations de ses 69 ans d’art, pardon, de ses 50 ans d’art.
Quand Mouhamadou Mbaye a-t-il senti devenir Zulu Mbaye ?
J’ai signé Mouhamadou Mbaye durant les dix premières années de ma carrière, autant sur mes tableaux que les tapisseries. Il faut savoir que j’ai fait une cinquantaine de tapisseries avec les Msad (Manufactures sénégalaises des arts décoratifs) de Thiès. À un moment, je revendiquais sans fard ma négro-africanité et je cherchais un nom qui collait mieux à mon identité plastique. Ensuite, je me suis dit que je suis musulman et non arabe, et que mon exercice était loin de la religion. C’était d’abord Mouham-ou Mbaye Zulu, ensuite Mouham Zulu que je trouvais encore long, avant de choisir définitivement Zulu Mbaye, en 1981. Le nom s’est aussitôt révélé plus marketing, plus marquant, plus incisif et plus original.
42 ans après, vous continuez de penser que votre identité plastique se distingue de celle musulmane ?
Oui. Je conçois que ce sont deux religions différentes. On a tendance à penser religions révélées, mais notre animisme est bien une religion. Je ne colle pas cette identité animiste à ma peinture, elle est totalement ma peinture. Elle est d’aspect, de philosophie et de pensée animistes. Mon art renvoie toujours à tous ces symboles.
Il s’agit là de l’animisme non dans son sens païen, mais plutôt de celui qui définit l’âme spirituelle de l’Africain…
Tout simplement ! Le paganisme est un culte, mais l’animisme est une spiritualité. Voyez nos célébrations cultuelles, nos rapports à la nature, etc. Nous confondons même instinctivement nos confessions religieuses et cette spiritualité animiste au quotidien. Moi, je choisis de ne pas m’en cacher. Mon histoire, ma culture, ma géographie, tout est animiste. Nous avons été autre chose avant l’avènement de l’islam, que je revendique également.
Dix ans avant d’avoir une signature définitive, vous cherchiez une identité artistique ou vous confirmiez votre affirmation ?
Le changement n’a pas concerné ma peinture. Je continuais et continue aujourd’hui de faire ce que signait Mouhamadou Mbaye.
Qu’entendez-vous nous dire quand vous affirmez que vous peignez « sur le modèle de Dieu » ?
L’artiste crée des œuvres dont le soubassement est divin. Je ne suis pas un plasticien abstrait, mais ma peinture puise dans mon imaginaire coloré et la nature. Ce sont les créations de Dieu qui sont nos modèles. Quelque artiste qu’on puisse être, on ne peut jamais créer ce que Dieu n’ait déjà créé. On « crée » à l’image de Dieu.
Quel environnement de votre enfance a vraiment modelé ou impacté votre âme d’artiste ?
Beaucoup pensent que je suis né à Thiès. Mais je suis né dans le village de Ndiakhaté, en 1954. Mon père était un tidiane, homonyme de Seydi El Hadj Malick Sy. C’est le khalife Serigne Babacar Sy qui l’a élevé au rang de moukhaddam et on me raconte qu’il appelait mon père « goorgi ». Quand les villages environnants ont voulu un exégète du Coran, Khalifa Babacar Sy y a envoyé mon père et c’est ainsi qu’il s’est installé à Ndiakhaté. La confusion est intervenue parce que j’ai habité Thiès après l’école élémentaire de Lam-Lam. Mon père était déjà mort et j’ai rejoint ma mère à Thiès. C’est intéressant parce que je me rends compte que ma première relation avec la nature, c’est véritablement à Ndiakhaté. Je reviens en images sur ces premiers épisodes de ma vie dans « Zulu l’Africain ». Dans ce film, je vais me ressourcer et interroger les baobabs qui m’ont vu naître. C’est là-bas que tout a commencé. C’est là que j’ai gardé des moutons, habité la nature, eu ma première enfance, où j’ai eu mon premier cheval hérité de mon homonyme et oncle qui m’a élevé à la suite de mon père décédé quand j’avais 4 ans. Tout est assurément parti de Ndiakhaté. J’y étais jusqu’à mes 12 ans. Cet environnement a forgé mes premiers pas, mes premiers regards et mes premiers sentiments d’homme.
Vous célébrez l’Afrique par votre art, votre style et votre nom d’artiste. Aujourd’hui, que « L’Afrique célèbre Zulu », n’est-ce pas un sacre ?
Être célébré par ses pairs africains est génial. Il y aurait pu y avoir des Occidentaux et des Asiatiques, parce que je suis un artiste international. Mais je reste cramponné à ce caractère africain. Il faut aussi savoir que le Maroc a besoin d’affirmer son soft power culturel. Que ça se passe au Sénégal est une heureuse situation parce que, jusqu’au début des années 2000, notre pays était le fer de lance du mouvement artistique africain. Ce n’est pas pour rien que nous accueillons la Biennale de l’art africain contemporain à Dakar et qu’on a le Village des arts. C’est une belle rencontre de symboliques dont je suis le simple prétexte. « L’Afrique célèbre Zulu », c’est très beau, mais je précise que le monde est invité.
Dans votre vocabulaire pictural, vous explorez beaucoup l’imaginaire africain, tout en provoquant un renouveau permanent. Comment vous réussissez cette alchimie ?
L’art est telle une université où on va découvrir des choses. Il faut d’abord dire que je suis très Égyptien. Nous avons une civilisation de 5 000 ans née en Égypte que nous avons peuplée à cette période. Cette âme égyptienne nous est restée et ma peinture prend ses racines et ses formes dans cette civilisation négro-pharaonique. Il suffit de voir mes œuvres pour constater ces influences. Je crois à la réincarnation. Je me dis quelquefois que j’ai dû vivre auparavant en Égypte et que ma mémoire a enregistré des souvenirs qu’elle restitue dans mon art. J’ai rencontré l’écrivaine et égyptologue Gallinca, en 1985, qui m’a dit que je verrais l’épine dorsale des hiéroglyphes égyptiens si j’élaguais les motifs décoratifs de mes œuvres. Elle comparait mes œuvres avec des images de l’Égypte ancienne qu’elle m’a montrées. J’ai remarqué que mes peintures y ressemblaient au ¾. J’en ai eu une conscience éclairée qui n’est pas vaine et qu’une vie antérieure expliquerait. Ce sont mes réminiscences.
50 ans d’activités plastiques, avec des messages à travers vos œuvres. Ne pensez-vous pas avoir quelque part influencé la génération qui a aujourd’hui un discours marqué panafricanisme et kémitisme ?
Je ne saurai dire si j’ai eu une influence, mais je suis sûr que ces gens parlent de moi. C’est un propos que j’ai toujours porté et dit. C’est un mouvement que je suis depuis mes débuts, sur le plan physique et intellectuel. C’est beaucoup plus profond pour moi. C’est toute une existence que je résume dans la peinture. Je fais partie aussi de l’École de Dakar qui continue d’influencer l’art. Beaucoup ont écrit dans des catalogues que ce qui s’est fait entre 1960 et 1980 est une illustration de la poésie de la négritude de Senghor. C’est faux ! Quand deux artistes vivent dans le même espace avec la même histoire et la même culture, si on ne voit pas d’affinités dans leurs œuvres, l’un d’eux a forcément dévié du bon chemin. Senghor était inspiré de la cosmogonie négro-africaine, et nous de l’École de Dakar avions les mêmes influences. Mais j’ai eu un supplément après ma rencontre avec Gallinca.
La peinture, comme tout art, est comme une promenade sur un chemin sans fin. Tu marches étape par étape, sans rupture, voire sans altération. On voit encore dans mes œuvres des couleurs et des formes bien connues de l’École de Dakar, mais que j’utilise de moins en moins parce que j’ai dépassé ce problème de négritude. Aujourd’hui, c’est l’Homme qui m’intéresse. L’Homme qui n’a ni couleur ni culture ni d’histoire. Qu’allait peindre Adam, le tout premier homme, si on lui avait donné des pinceaux et des couleurs juste après sa création ? Quand je peins aujourd’hui, j’essaie de pénétrer l’esprit de cet homme originel et dépouillé d’appartenances. J’avoue, c’est impossible de s’en détacher totalement. Mais je rends son pourcentage le plus infime possible. C’est là que je sens une forme d’universalité dans ma quête picturale. Quand j’ai commencé avec ce que j’appelais « signes » à l’époque, que l’Égyptienne Gallinca a apparenté aux hiéroglyphes, ça a fait tache d’huile au Sénégal. J’avais beaucoup influencé la peinture de cette période. C’est ma fierté. Il y a bien des raisons pour que je sois sorti du lot. L’une d’entre elles est que j’ai influencé beaucoup de peintres de ma génération.
Quel impact a eu sur vous Pierre André Lods quand vous le rencontriez en 1970 dans son atelier de Médina ?
Je suis ensuite venu à Dakar pour faire de la comptabilité après avoir arrêté mes études en classe de 4e au collège. Mon tuteur m’a proposé d’intégrer les armées ou d’étudier la comptabilité, car il était hors de question que je reste désœuvré. Au Lycée Malick Sy de Thiès, j’avais un professeur de latin qui remarquait mes dessins copiés des Aventures de Zembla notamment. Je croise ce professeur un jour dans les rues de Dakar-Plateau et il me les rappelle. Il m’a demandé de le rejoindre à une invitation dans un atelier, le jeudi suivant. C’était l’atelier de Pierre Lods, à la Médina. C’était le déclic. Et le conseil qu’il m’a donné après avoir vu mes dessins, qui est le conseil le plus précieux qui m’ait été donné, c’est de ne pas entrer à l’École des Beaux-arts. Je crois fermement que je n’aurais jamais été Zulu Mbaye si j’avais suivi la formation académique. On n’apprend pas à quelqu’un d’être artiste, on le conseille. C’est ce conseil qui a explosé ma liberté et m’a mené à ma signature.
Lods a révélé aux Africains leur véritable identité picturale. Il a été d’abord professeur à Poto-Poto au Congo, où il était venu en missionnaire en 1945. Le peintre fabuleux qu’il était y a construit une grande maison qui était un lieu de rencontres d’artistes. C’est ainsi qu’il a créé l’École des peintres de Poto-Poto, en 1951. Ensuite, en 1958, Senghor, qui a senti les indépendances, a fait un périple et a visité cette école. Comme il avait le projet du Festival mondial des arts nègres, il a créé l’École des Beaux-arts. Il a ainsi invité Lods au Sénégal, qui n’était donc pas un coopérant. À deux, ils ont encouragé, encadré et accompagné les artistes. Lods, à l’École des arts, sélectionnait les artistes qui avaient plus de talent. Parallèlement à son enseignement à l’École des arts, il avait ouvert ce fameux lieu appelé les Ateliers libres de Pierre Lods.
Quelle signification donnez-vous à l’École de Dakar, et quelle est son influence sur la dynamique picturale du moment ?
Elle est la base de ce qui se fait aujourd’hui. Jusqu’aujourd’hui, quand il y a une sélection nationale, 75% des œuvres choisies sont signées des artistes de cette école. Une école ne meurt jamais. Le problème, ce sont les gens et leur complexe qui ne veulent pas parler d’art africain. Moi, je revendique l’art africain. On parle d’art d’autres pays ou régions du monde, pourquoi ne pas parler du nôtre ? Les artistes africains, et pas que sénégalais, ont comme une haine d’eux-mêmes et de leur héritage. Ils foulent au pied leurs identités fondamentales pour paraître au goût du jour et à l’air du temps. C’est d’ailleurs dommage qu’on crée des modes artistiques. L’art est une permanence qui évolue en s’affinant et en se prolongeant, mais aucun complexe ne doit ruiner notre progrès artistique et culturel. Je me demande si nous n’avons pas peur de nous-mêmes, de ce que nous sommes essentiellement. J’aime citer Tahar Ben Jalloun qui dit dans « Moha le fou, Moha le sage » ceci : « Autrefois, c’étaient les Occidentaux qui nous déshabillaient. Maintenant, c’est nous qui ôtons nos haillons et les jetons dans les fosses de la honte ». Nous avons honte de nous. Nous refoulons cette « négrité » en nous par complexe, et certains dits artistes n’y échappent. Il faut sublimer nos legs. Il ne faut pas altérer l’École de Dakar, mais le garder et dépasser. Comment ? En digérant son propos et lui apporter une touche nouvelle, en l’ouvrant à ce monde qui se rétrécit et a beaucoup à donner. Si on écrase ce qu’on est, on ne contribue pas à façonner un nouveau monde.
Est-ce parce que vous avez réussi la digestion des messages de vos identités et les alertes du temps que vous vous distinguez en maître aujourd’hui ?
Mieux, c’est cela qui m’a formé alors que j’aurais pu être déraciné après avoir vécu vingt ans en Europe. C’est pourquoi cette vie ailleurs n’a jamais pu m’influencer. J’ai toujours refusé d’être autre chose que ce que je suis. Partout, je revendique mon identité, car j’ai compris sa valeur et sa charge au point d’y puiser l’énergie pour vivre. Le choix de mon nom Zulu le dit. Ce n’est pas en référence à Chaka Zulu, mais en hommage à tout le peuple zulu et leur histoire. Ce séjour en Europe n’a pas pu pervertir mon art, car ce qui peint en moi est en moi. Il m’habite. C’est le levier et l’énergie qui me poussent à porter mon art et à me porter moi-même.
Vous êtes parmi les artistes visuels qui travaillent le mieux les deux extrêmes : l’aisance matérielle comme mentale, et le dénuement total…
Car je suis un Baye Fall de confession, avec toute sa philosophie. Cette doctrine colle mieux à ma personnalité humaine et artistique. Je trouve aussi que les Baye Fall sont les premiers musulmans. Dieu aime les gens qui se rapprochent de Lui. C’est aussi une forme. On dit qu’il y a moins de grains de sable sur terre que de voies que Dieu peut tracer comme religions. L’ordre Baye Fall est un comportement. Il me suffit, il me donne une aisance spirituelle et morale qui se prolonge dans ce que vous décrivez.
Cette voie propice à la méditation ne fait-elle pas que vous soyez un féru de la recherche plastique ?
J’ai fait de l’art ma vie. J’estime n’avoir rien fait d’autre de mes 69 ans. Je ne sais faire rien d’autre que peindre. Je ne sais même pas quoi faire d’un marteau et d’un clou. Alors oui. Je pense d’ailleurs qu’une seule vie ne suffit pas pour effectuer tout ce que je veux faire avec mon art. Au-delà des recherches, j’ai consacré toute ma vie et mon identité à l’art.
Comment encadrez-vous votre inspiration dans la petite surface d’une toile ?
Il faut d’abord trouver ce qu’est une inspiration, je crois. On confond souvent inspiration et imagination. L’imagination est quand vous vous dites que vous voulez peindre un arbre ou un chat qui dort. L’inspiration est l’acte, et elle est de source divine. Ce n’est pas une simple cuisine de l’esprit. Quand l’inspiration se révèle à vous, vous n’êtes pas conscient pour décrypter la situation. Vous ne sentez plus que vous êtes Zulu Mbaye avec un pinceau sur la main. Où est-ce que vous étiez en ce moment ? Je ne le sais pas, mais je sais que les chefs-d’œuvre sortent souvent de ce voyage. Je sens juste une force supérieure qui m’habite et impose ses formes et ses couleurs. C’est cette force qui délimite les œuvres.
Votre plus grande satisfaction durant ces 50 ans ?
Être peintre. Je ne pense pas que j’aurais connu la même béatitude avec un autre métier.
Votre plus grande épreuve ?
Essayer quelque chose que je ne réussis pas. Ça fait mal, ça prouve heureusement que l’homme n’est que peu de chose. Ça te ramène à ton état véritable de simple créature, et que le seul créateur demeure Dieu.
Quid de Nietti Gouy ?
Je suis rentré de mon premier séjour en France pour participer à la Biennale de Dakar de 1992. Un jour, je rencontre un Français fabuleux qui m’achète un tableau et me demande où se trouve mon atelier. Je lui dis que je ne suis pas encore installé parce que je reviens d’un long périple. Il m’a proposé de m’acheter un tableau par mois, pour avoir un fonds. Je vendais à l’époque mes tableaux à pas moins de 750.000 FCfa. J’ai trouvé une maison au Almadies à côté de chez Youssou Ndour. À l’époque, c’était encore en friche. La maison a vite pris une allure internationale, avec la visite et le séjour de plusieurs artistes internationaux. Des artistes sénégalais venaient aussi habiter et peindre avec moi. C’est ainsi que j’ai mis en place Nietti Gouy (les Trois baobabs). Le nom vient des trois baobabs au seuil de la maison. Cette maison a accueilli le tout premier Off du Dak’art. Ça m’avait valu le surnom de « Père du Off » par la presse culturelle. Ce n’était pas en vrai un Off, mais plutôt un boycott de la Biennale. L’État du Sénégal avait voulu ghettoïser l’art sénégalais à travers la Biennale et il l’a réussi aujourd’hui. J’avais dit mon refus et ça s’est manifesté avec ce premier Off. J’avais intitulé cette exposition « Amour interdit », considérant qu’on nous interdisait de faire notre amour entre artistes. L’art est ouvert. Nous étions invités partout et ne pouvions accepter qu’on exclut des confrères d’autres continents. S’enfermer entre artistes africains ghettoïse l’art africain.
CINQUANTENAIRE DE LA CARRIÈRE DE L’ARTISTE ZULU MBAYE
Des noces d’or tout en majesté
« L’Afrique célèbre Zulu Mbaye ». Un vaste programme à l’honneur d’un géant aux cinquante années de pratique majuscule des arts plastiques. Il s’agira de célébrer ce mohican de l’École de Dakar, de mettre en lumière son œuvre singulière pour la jeunesse en quête de modèle et de diffuser sa lecture des arts contemporains, entre autres.
Un splendide tableau pour un maître incontesté de l’art. Pour le cinquantenaire de la carrière de plasticien de Zulu Mbaye, une exposition-hommage sera organisée du 27 octobre au 10 novembre 2023 au Musée Théodore Monod, par le Sénégal et le Maroc (à travers l’Agence marocaine de coopération internationale). Vingt-et-un artistes de 11 pays d’Afrique vont exposer 60 œuvres au total, sous le commissariat de Omar Diack et de Zulu Mbaye lui-même. Ce dernier, « poète et magicien des formes et des couleurs », montrera 20 de ses œuvres à l’occasion. Le vernissage est prévu le 27 octobre, avec 45 artistes invités. Un panel sur le thème « L’art comme levier de rapprochement des peuples » sera aussi reçu au Musée Théodore Monod, le lendemain, dans l’après-midi. Ce même 28 octobre au soir, aura lieu le second vernissage, à l’Espace Vema. Le 29 octobre, il y aura la projection du film « Zulu l’Africain ».
En 2019, Zulu Mbaye était invité par l’Université internationale de Rabat pour une conférence entre quelques des 9 000 artistes étrangers qui vivent au Maroc et les étudiants. « Avant de partir, j’avais échangé avec le journaliste et le curateur Massamba Mbaye qui m’avait proposé de faire une exposition. Je lui avais répondu que je n’avais pas les moyens pour cela, et que je ne pouvais pas me permettre de l’amateurisme après 49 ans de carrière. J’ai toujours voulu faire les choses avec rigueur et professionnalisme. Donc, quand j’étais au Maroc, je me suis souvenu du projet et j’en ai parlé avec le Directeur de la Coopération internationale du Maroc. Je lui expose mon idée d’inviter deux artistes de la sous-région. Il me répond qu’il me propose mieux : inviter dix pays africains à Dakar, en plus du Maroc. L’histoire est née ainsi », révèle Zulu Mbaye.
LA RENCONTRE BIENHEUREUSE AVEC LE MAROC ET SON ROI
Il rentre à Dakar avec cette proposition et un jour, Racine Talla, Directeur de la Rts, sera l’artisan de la participation sénégalaise après un appel téléphonique fortuit. « Il m’a fait recevoir par le Chef de l’État, Macky Sall, qui m’a gracieusement soutenu pour l’événement et avec beaucoup d’enthousiasme. Il a été retenu que le Maroc se charge du voyage des artistes invités et de leurs œuvres, et le Sénégal prendrait ensuite le relai », explique le plasticien de 69 ans. C’est au Village des arts, où nous avons rencontré Zulu Mbaye, mercredi dernier, que commence l’histoire de ces noces d’or. Il était assis tranquillement dans son atelier, quand sa quiétude était subitement perturbée par un convoi de huit grosses voitures luxueuses. « En tant que président du Village, je suis allé à leur rencontre. Quand je me suis approché, toute la délégation convergeait vers un homme en jean, chapeau, chemise à fleurs et des bottes dentelées. Je lui ai dit « Bonjour monsieur », il a souri et je me suis présenté. Je lui ai proposé de visiter le Village et au premier atelier, je me suis effacé pour le laisser discuter avec l’artiste résident. Là, j’ai demandé au garde du corps et, tout étonné, il me répond « C’est le roi du Maroc ». Je disais ensuite passablement « mon altesse », « mon roi » et il en souriait », se remémore Zulu Mbaye en se marrant. C’était un jeudi de novembre 2016.
Le roi avait visité ce jour la moitié du Village, avant de demander à rentrer, car il était fatigué. Mais il avait promis de revenir le lendemain après la prière du Jummah (14h). « J’étais stressé parce que le bruit avait couru que le roi a acheté des œuvres dans tous les ateliers qu’il a visités. Ceux qui ne l’ont pas reçu m’en avaient voulu. Mais il est effectivement revenu le lendemain et a acheté 144 œuvres en ces deux jours, dans tous les ateliers, en billets d’euros neufs. Il faut dire que tous les artistes étaient millionnaires », se rappelle Zulu. Ce contact lui vaudra plus les faveurs et la sympathie du roi. Il vit aujourd’hui entre les deux pays.