«ON NE PEUT PAS AVOIR UN CAMPUS SOCIAL STABLE AVEC LA POLITIQUE»
Invité du Jury du dimanche, Dr Khadim Bamba Diagne regrette la situation que vit Ousmane Sonko qui risque de ne pas participer à la Présidentielle. Dr Khadim Bamba Diagne plaide pour la reprise des cours, mais en présentiel et à distance

Dr Khadim Bamba Diagne plaide pour la reprise des cours, mais en présentiel et à distance. L’économiste, enseignant-chercheur estime que le Fmi commence à ne plus avoir confiance au Sénégal avec son rythme d’endettement et ses subventions. L’invité du Jury du dimanche a par ailleurs regretté la situation que vit Ousmane Sonko qui risque de ne pas participer à la Présidentielle. Et, selon lui, ça pourrait être une sorte de référendum pour ou contre le régime.
Pour une bonne reprise des cours, des Assises ont été organisée à l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad). A l’issue de cette rencontre, un certain nombre de résolutions ont été prises pour pacifier et sécuriser l’espace universitaire, pour mettre fin à l’insalubrité, aux trafics de tous ordres, à la circulation des armes blanches, aux bagarres entre étudiants, entre autres. Invité du Jury du dimanche, Dr Khadim Bamba Diagne invite les étudiants à faire la différence entre le Coud et l’université. «L’année passée, on a fait cours même si l’université avait fermé ses portes. On faisait les cours à distance. Maintenant, je suis professeur à l’université mais j’ai été également ancien président du mouvement des étudiants pendant tout mon cursus. Les saccages du 1er juin ont eu des impacts sur le campus pédagogique et sur le campus social. Les travailleurs du Coud ont été psychologiquement perturbés par ces événements mais je pense que l’université doit être résiliente», a dit l’enseignant chercheur à l’Ucad. Mais l’économiste a surtout déploré le fait que la politique ait arrêté les cours. «Ça m’a fait très mal parce que l’université, c’est le temple du savoir. Il y’a au moins 100 000 esprits compétents et on ne peut pas comprendre que des étudiants saccagent un lieu aussi sacré. Quand j’ai entendu que ces gens qui ont saccagé l’université avaient mis des cagoules, on ne peut pas dédouaner les étudiants. Parce qu’ils savaient qu’il y’avait des caméras de surveillance. Si on ne règle pas le problème exogène qui est la politique, on ne peut pas avoir un campus social stable. Quand on veut mettre la pression à l’Etat, on met la pression sur le Coud. Mais l’université, c’est autre chose», a-t-il préconisé.
«Le malheur est qu’on n’a pas évalué les phases du Pse»
Une équipe du Fonds monétaire international (Fmi), dirigée par M. Edward Gemayel, a effectué une mission au Sénégal du 31 août au 7 septembre 2023, pour faire le point sur les récents développements économiques, mettre à jour les prévisions de croissance et de budget, et discuter du projet de budget 2024. Dr Khadim Bamba Diagne rappelle que le Fmi joue le rôle d’un gendarme, c’est à dire contrôler les déséquilibres financiers. «Le Sénégal a décidé d’avoir une économie d’endettement. Maintenant une fois que vous dépassez le plafond des 70% du taux d’endettement, vous ne respectez plus les critères de convergence de la zone qui disent que les pays doivent avoir un taux d’endettement intérieur à 70%. Nous, on est à 75% et le Fonds commence à perdre confiance à l’économie sénégalaise. Et si le marché perd confiance le taux d’intérêt va prendre l’ascenseur», a-t-il soutenu. Avant de poursuivre : «A chaque fois que vous voyez le Fmi, c’est parce que cette économie a besoin d’aide. Parce que le Fmi est également un médecin. Il vous consulte et vous donne une ordonnance. Et si vous êtes d’accord il vous aide financièrement. Donc, le Sénégal est mal en point sur le plan économique et a demandé l’aide du Fmi qui est venu avec des mécanismes pour permettre au Sénégal d’assurer un financement d’ici au moins un an ou deux ans avec 1,5 milliard de dollars presque 1200 milliards. On va recevoir 169 milliards à la fin de l’année.». Mais, souligne-t-il, «le Fonds a dit oui au Sénégal à condition que les subventions qui étaient de 700 milliards en 2022 et qui sont de 500 milliards aujourd’hui soient ramenées l’année prochaine à 250 milliards. C’est à dire il faut arrêter les subventions, il faut de la bonne gouvernance, entre autres, critères que le Fmi a mis en place que le Sénégal va accepter. Donc, c’est aux consommateurs de supporter cette subvention et les prix vont encore devenir plus chers», regrette l’invité du Jdd. Pour expliquer cet état de fait, il a indiqué que «le malheur c’est qu’on n’a pas évalué les phases du Pse alors que les 25.000 milliards qu’on a dépensé sur la première et deuxième phase n’ont pas perturbé la structure économique. « Il faut que nos hommes politiques comprennent que manager une économie, c’est régler la qualité de vie des citoyens».
«On a perdu beaucoup d’argent avec Air Sénégal et le Ter»
Alors que Macky Sall va quitter le pouvoir en 2024, Dr Khadim Bamba Diagne estime que son bilan est très compliqué. «J’aime bien quand il y’a des investissements sur les routes et les voies ferrées parce qu’au Sénégal, produire dans la vallée et l’amener à Dakar est plus cher qu’acheter le produit en Chine et l’acheminer à Dakar. Ça veut dire que les moyens de transport sont très chers. Le problème avec le Président Macky Sall, c’est qu’on a perdu beaucoup d’argent avec Air Sénégal et le Ter. Il y’a eu tellement d’investissements lourds. On a besoin de ces investissements mais gérer un pays, c’est mettre de l’ordre dans ces priorités», a-t-il dit. Or, soulogne-til, la première priorité pour les Sénégalais c’est l’emploi. «Nous avons 300 000 jeunes qui arrivent chaque année dans le marché de l’emploi. Maintenant, s’il n’y a pas d’entreprise, ni de stratégies de production de richesses pour ces jeunes-là, ça va être très compliqué. Gérer le pays c’est réduire les inégalités. Il faut réfléchir sur des mécanismes qui vont sortir le pays de l’extrême pauvreté», a-t-il préconisé.
«Il ne faut pas qu’on fasse de Sonko un Sénégalais à part»
Le 24 février prochain, les sénégalais connaîtront le successeur de Macky Sall. Et pour Dr Khadim Bamba Diagne, économiste et enseignant chercheur à l’UCAD, cette élection doit être inclusive. «Pour la première fois j’ai vu des candidats qui prennent au sérieux le poste de président de la République avec des programmes extrêmement intéressants. Ce que je voulais, c’est vraiment qu’on a règle le problème de l’inclusivité des candidats pour ouvrir le débat. Je vois pour cette élection des profils qui peuvent vraiment se rivaliser pour permettre aux sénégalais de choisir», a-t-il dit, magnifiant au passage l’initiative du Groupe E-Media d’inviter tous les jeudis soir un candidat déclaré pour parler de son programme. Sur le cas de Ousmane Sonko, l’auteur de «Comment votent les Sénégalais ? Analyse du comportement de l’électeur de 1960 au 20 mars 2016», paru à L’Harmattan en 2017, estime que si ce problème continue les électeurs risquent de voter pour ou contre le pouvoir. «Alors que si tout le monde participe, l’électeur va choisir le meilleur candidat, le meilleur profil. Il ne faut pas qu’on fasse de Ousmane Sonko un Sénégalais à part. C’est au Conseil constitutionnel de décider qui seront les candidats», a-t-il rappelé.