L'APPEL DE L'AILLEURS CONTRE L'AMERTUME DU QUOTIDIEN
Malgré les risques, pourquoi des milliers d'Africains continuent-ils à émigrer clandestinement ? Une enquête panafricaine tente de lever le voile sur les raisons profondes poussant tant de jeunes à tenter le voyage, quels que soient les moyens
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Dans une série de quatre articles publiée par le magazine panafricain ZAM, cinq journalistes ont tenté de comprendre ce qui pousse des milliers d'Africains à migrer chaque année vers d'autres continents malgré les risques colossaux que font courir ces voyages. Voici le premier volet consacré aux causes du départ.
Au Cameroun, lors des funérailles de Bryan Achou dont le corps a été retrouvé noyé en Méditerranée, des proches évoquent avec émotion le destin tragique de ce jeune homme de leur quartier, comme celui d'un autre jeune décédé récemment en Tunisie. "Avant 2035, ce pays sera vidé de ses citoyens", s'alarme une femme, peu convaincue par le plan de développement "Cameroun Vision 2025-2035" annoncé par le président Paul Biya, au pouvoir depuis 40 ans.
À Douala, la journaliste Elizabeth BanyiTabi du magazine ZAM apprend qu'une de ses amies, Eva, projete de rejoindre clandestinement l'Amérique latine via "la trouée de Darién", une jungle dangerousue entre Colombie et Panama. "Mais je vais essayer", dit-elle, consciente des risques mais déterminée.
En Ouganda, de nombreuses jeunes femmes attendent à l'aéroport d'Entebbe pour être acheminées comme employées domestiques dans le Golfe, malgré les récits d'abus. "Il n'y a pratiquement aucun espoir ici", témoigne l'une d'elles. En effet, 41% des jeunes Ougandais de 18 à 30 ans sont sans emploi, selon le Bureau des statistiques.
Au Kenya, les campagnes de sensibilisation des ONG pour dissuader l'émigration vers le Golfe ont un impact limité. "Il n'y a pas d'espoir ici", expliquent encore des jeunes interrogés dans la rue. Au Nigeria, 9 personnes sur 10 interrogées à Abuja souhaitent faire "japa", le terme pour émigrer, dénonçant la mauvaise gouvernance et l'absence de services publics.
Au Zimbabwe, 95% des enseignants veulent partir, leurs salaires ne permettant pas de subvenir aux besoins familiaux. Pourtant, le pays regorge de ressources naturelles, mais les élites s'enrichissent en laissant le peuple dans la misère. Sur les réseaux sociaux, certains n'hésitent pas à menacer l'Afrique du Sud, qui accueille déjà 1 à 2 millions d'immigrés zimbabwéens, d'une nouvelle vague migratoire.
Comme le militant camerounais Kah Walla le déclare à ZAM, "personne ne quitte sa maison si elle est confortable". Malgré la conscience des dangers, l'absence d'espoir pousse à tenter le voyage, quels que soient les moyens. La plupart des personnes interrogées regrettent l'état de leurs pays, mais se sentent impuissantes à changer un système où "l'excellence n'est pas récompensée", selon le Dr Ejike Oji, expert de santé nigérian.