LE JOUR D’APRÈS : SORTIR DU TIRAGE AU SORT
Cela remonte à la nuit des temps et on l’a presque oublié. Le tirage au sort a bien été la première forme d’élection. La recherche d’égalité laissait ainsi beau- coup trop de place au hasard.
Cela remonte à la nuit des temps et on l’a presque oublié. Le tirage au sort a bien été la première forme d’élection. La recherche d’égalité laissait ainsi beau- coup trop de place au hasard. Ceux qui étaient tirés ne le devaient finalement qu’à la loterie, voire la prestidigitation. Ce fut une grande paresse. Doté de milliards de neurones pour réfléchir et être génial, l’être humain ne peut pas se résoudre à confier son sort à la seule chance. Une vie sans mérite est une vie chancelante. La seule circonstance atténuante est qu’on en était au tout début de l’expérience démocratique. Le tirage au sort est tout de même demeuré. Les tournois sportifs l’ayant récupéré sans que personne ne trouve à redire. Mais avoir recours à ce procédé pour fixer l’ordre de préséance des prétendants à la présidence de la République du Sénégal dans le cadre du parrainage a quelque chose de consternant. Qu’un expert électoral se glorifie d’en avoir eu l’idée le premier ne rassure point sur le terme «expertise». Pour dire vrai, cette idée est la plus mauvaise depuis que le Sénégal est indépendant. Elle est irrationnelle. Alors qu’en matière d’élection présidentielle, aucune brèche ne doit être ouverte ni laissée à l’invraisemblable. La présidence, c’est la cour d’honneur, la cour des grands. C’est une ligue des champions. Les critères pour entrer dans le saint des saints doivent d’abord prendre en compte les états de service. Il faut avoir déjà gouverné, avoir été ministre, député, maire, haut fonctionnaire, de profession libérale, de la société savante, capitaine d’industrie ou autres. L’expérience est une exigence car «elle est une école dont les leçons sont coûteuses mais on en sort toujours savant», me répète souvent un mentor. Il faut aussi avoir fait ses humanités. On parle ici de compétence. Mieux vaut un surdiplômé qu’un autodidacte. Mais avec ce qu’on appelle tristement l’air du temps, tout finit par se valoir. Même dans un grand pays comme le Sénégal, on triture de moins en moins nos méninges pour se contenter de la facilité du suffrage au sort. L’explication est toute simple. On n’est pas sortis des sentiers battus.
Profils intéressants
Sans verser dans le simplisme, on dira aussi que la plupart de ceux qui se sont rués à la Direction générale des élections pour la mise à disposition de fiches ont tout fait sauf désacraliser la fonction présidentielle. Ils se sont ridiculisés eux-mêmes si l’intention était d’amuser la galerie. «La différence entre un génie et un idiot est que le génie connaît ses limites», a écrit un grand auteur. Jamais au grand jamais depuis que le Sénégal est le Sénégal, aucun des quatre présidents n’a été déprécié. Bien au contraire. Le palais est non seule- ment resté la cour d’honneur où l’on décide de la politique du pays mais son locataire a gardé des pouvoirs exceptionnels pour gouverner. Le rendez-vous présidentiel n’est plus seulement la rencontre d’un homme ou d’une femme avec son peuple. Cet homme ou cette femme doit être exceptionnel(le). Les noms et profils qui sont passés entre les gouttes du parrainage sont pour l’essentiel dignes de figurer dans la compétition. Ils en ont pour la majorité la carrure et l’envergure. En attendant le dernier mot des sept sages, surtout pas d’arrogance pour ceux qui sont en train de sortir du lot. Le plus dur commence. Il leur faut être habile, futé et instinctif pour avoir la communauté et la communion. À l’endroit de ceux qui sont bloqués, ce n’est pas la fin du monde. Les gémissements ne servent à rien. Il faut être digne, stoïque, beau joueur, voire candide. Car tout le monde ne peut pas être candidat.