MACKY SALL APPELÉ À PRENDRE SES RESPONSABILITÉS
Felwine Sarr formule l'espoir que le président "laissera un pays gouvernable", insistant sur une reprise rapide du processus électoral. Il invite les Sénégalais à tirer les leçons de cette crise pour réformer le système hyperprésidentiel
L'intellectuel sénégalais Felwine Sarr s'est entretenu avec le magazine Jeune Afrique au sujet de la crise politique que traverse actuellement le Sénégal. Dans cette longue interview, publiée ce 17 février 2024, Sarr dénonce fermement la tentative de report des élections présidentielles voulue par le président Macky Sall et son camp, et analyse les raisons profondes de cette dérive antidémocratique.
Sarr accueille avec soulagement la décision du Conseil constitutionnel d'annuler le report au 15 décembre, estimant que "c'est une victoire (...) si chacun prend ses responsabilités". Cependant, il souligne que le processus électoral doit rapidement reprendre son cours normal afin d'élire un nouveau président avant le 2 avril, date de fin du mandat de Macky Sall. Selon plusieurs juristes qu'il a consultés, le premier tour pourrait se tenir avant le 10 mars.
Pour Sarr, les Sénégalais sont prêts à voter malgré les turbulences, rappelant que les équipes de campagne étaient déjà en place et que l'administration sénégalaise est rodée à l'organisation des scrutins. Il qualifie la décision du Conseil constitutionnel de "désaveu" pour Macky Sall et les anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui l'avaient soutenu.
Sarr déplore qu'on en soit arrivé à cette "agression antidémocratique" alors que le Sénégal avait connu jusqu'ici des élections régulières et des alternances pacifiques. Il analyse les raisons structurelles de cette dérive, pointant du doigt l'"hyperprésidentialisme" hérité de la constitution de 1963. Selon lui, Macky Sall n'a jamais souhaité affronter ses adversaires dans les urnes, écartant de la compétition électorale Khalifa Sall et Karim Wade notamment.
Sarr dénonce le "plan de liquidation de la démocratie sénégalaise" mis en place depuis 2012 par le régime, entre affaiblissement des contre-pouvoirs, restrictions des libertés et instrumentalisation de la justice contre les opposants. Il estime que l'alliance entre le camp présidentiel et le PDS n'avait d'autre but que de barrer la route au candidat de Pastef, Bassirou Diomaye Faye.
Felwine Sarr formule l'espoir que Macky Sall "laissera un pays gouvernable" et invite les Sénégalais à tirer les leçons de cette crise pour réformer en profondeur le système hyperprésidentiel. Selon lui, la nécessité est de rééquilibrer les pouvoirs et d'éviter qu'un seul homme ne puisse plus mettre en péril la démocratie sénégalaise.