MONSIEUR LE PRESIDENT ET MAITRE DU JEU, SORTEZ-NOUS DONC DE L’IMPASSE ACTUELLE
Les élections doivent se tenir à date échue mais dans un climat serein et apaisé. Pour y parvenir, le président Macky Sall est le seul à détenir la clé.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, monsieur le président, permettez-nous de préciser que Dieu a fait que nous sommes les deux seuls membres encore vivants de ce qu’on a appelé « les quatre mousquetaires » qui ont posé l’acte fondateur de la presse privée nationale. D’un secteur dédaigné, marginalisé et méprisé, nous avons contribué à le rendre attractif au point d’en faire ce qu’elle est aujourd’hui à savoir un pan important de notre économie qui a vu naître de grands groupes employant des milliers de travailleurs. Avec nos aînés feus Sidy Lamine Niasse et Babacar Touré, devant la mémoire desquels nous nous inclinons, nous avons mené bien des combats et obtenu des acquis qu’il n’est point besoin de mentionner ici car ce n’est pas l’objet de ce texte. Au crépuscule de note vie professionnelle, et sans doute biologique, nous n’avons plus de challenge à relever et n’aspirons plus à rien — pas en tout cas en termes d’avantages matériels et financiers ou de fonctions. La seule chose qui nous préoccupe, c’est ce pays que nous aimerions léguer à nos enfants dans l’état dans lequel nous mêmes l’avons trouvé du point de vue de la stabilité et de la paix. Au moment où les canons tonnent en Ukraine et où les répercussions de ce conflit qui éclate au sein même de l’Europe se font ressentir jusque chez nous sous forme de crises alimentaire et énergétique, il nous a donc paru important de prendre notre plume pour vous interpeller, monsieur le président de la République, afin de vous demander solennellement de poser le geste qui évitera à ce pays des convulsions qui ont fait tant de mal ailleurs. Au moment où votre homologue français Emmanuel Macron vient de demander à ses compatriotes de lui donner une majorité forte à l’Assemblée nationale « pour éviter d’ajouter un désordre intérieur français à un désordre international », nous ne saurions trop vous supplier, monsieur le président, de créer les conditions d’élections législatives inclusives. Qu’elles se tiennent le 31 juillet ou plus tard, l’essentiel étant qu’aucune force représentative ne soit laissée en rade.
Connaissant votre patriotisme et votre amour ardent de ce pays que vous avez transformé de manière si spectaculaire en dix ans seulement, les derniers des Mohicans que nous prétendons être sommes sûrs que vous ne pouvez pas faire moins que le roi Henry IV qui, en 1593, pour mette fin à l’effusion de sang français dans d’interminables guerres de religion, avait abjuré le protestantisme pour se convertir au catholicisme. En le faisant, il avait prononcé une phrase que l’Histoire a retenue : « Paris vaut bien une messe ». Eh bien, monsieur le président, le Sénégal quant à lui vaut bien le repêchage d’une liste !
Le Sénégal est-il en passe de devenir un Far West où la loi du plus fort est toujours la meilleure ?
Si ce n’est pas encore le cas, le champ politique national est devenu une arène de gladiateurs où la loi est piétinée en permanence. Ni la majorité présidentielle, ni l’opposition multipolaire, ni la société civile n’accordent la primauté au Droit et à l’État légal en accordant l’allégeance qui sied aux institutions, à leurs représentants et à l’autorité républicaine.
Si le pays n’est pas en danger, la société, elle, se sent menacée par la violence verbale des hommes politiques et les positions de défiance fortement teintées de provocation qu’aiment à livrer les plus intolérants de ceux-ci. Si la République n’est pas en péril, les institutions sont, elles, martyrisées par la défiance permanente que de nombreux acteurs sociaux affichent à leur endroit en ayant, en constance, recours à la vitupération, à la contestation si ce n’est à des accusations permanentes d’infamie et de trahison à l’endroit de leurs adversaires.
Le pays va mal !
Le pays va mal comme l’entonne en refrain le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly. Il va mal à cause de ses élites dirigeantes. De la majorité comme de l’opposition. À cause du monde intellectuel et de la société savante qui se sont emmurés dans le silence depuis la première alternance de l’an 2000.
Le pays vit son époque et subit d’une manière violente et frontale les convictions qui caractérisent cette actuelle période de l’Histoire de l’Humanité. Une ère de mutation et de changements radicaux avec une pandémie déferlant sur la planète depuis la fin 2019 qui a entraîné une première crise économique devenue récession depuis le début de cette année 2022 avec la campagne d’Ukraine.
Pire qu’un bouleversement, le nouveau monde multipolaire qui sort des limbes interpelle les nations qui pensent avoir une place à conserver, un rôle à jouer, une influence à propager s’ils ne veulent pas devenir des pays vassaux ou des États suzerains d’un des nouveaux impériums naissants. Car le monde de l’après Seconde Guerre mondiale, divisé en deux blocs entre l’Est et l’Ouest, que la chute du Mur de Berlin et l’implosion de l’ancienne Union Soviétique ont remplacé entre 1989 et 1991, s’est, lui aussi, terminé avec la débandade américaine en Afghanistan l’année dernière.
Le monde se redéfinit et chacun cherche ses marques et se bat pour son existence alors qu’au Sénégal toute l’élite ne semble être préoccupée que par des positions de pouvoir et des postures de rentiers. Tous les maux de la société, tous les problèmes du pays sont occultés ou passent au second plan devant les permanentes, incessantes revendications et réclamations d’une faible minorité d’acteurs politiques ne parlant en tout lieu et en tout temps que de places à prendre, de positions à consolider mais jamais de l’avancée du désert et de la déforestation, les deux périls les plus prégnants. Sans oublier l’érosion côtière et le pillage de nos ressources halieutiques menaçant l’existence de millions de personnes vivant sur la bordure maritime du Sénégal et contraintes à l’exil professionnel auprès de nos pays limitrophes.
L’école sénégalaise en déperdition, la jeunesse déboussolée et désabusée, l’effondrement du faible tissu industriel hérité de l’époque coloniale complètement asphyxié par les importations massives de produits de piètre qualité en provenance de la Chine, de la Turquie, de Dubaï ne semblent point être des sujets d’intérêt pour nos acteurs politiques. Pour eux, il n’y a que le code électoral et le fichier électoral, les arrêts de la Cour suprême, les décisions du Conseil constitutionnel qui méritent engagement, bataille, confrontation, invectives, rodomontades et bras de fer.
À tel point, d’ailleurs, que la dernière actualité politique vient à nouveau d’installer le pays dans l’impasse avec ce combat frontal entre le ministère en charge des élections, le Conseil constitutionnel et l’opposition politique la plus radicale et la plus extrémiste qui veut remettre au goût du jour les combats de rue des années Sopi ou, pire encore, déboucher sur une insurrection.
N’étant ni juristes, ni constitutionnalistes, s’engager sur ce débat visqueux entre professionnels du Droit n’est pas notre exercice. Néanmoins, quelque chose nous turlupine dans ces dernières décisions entre l’administration en charge d’assurer la mise en conformité par les acteurs politiques des étapes du processus électoral, et les dernières décisions du juge politique, le Conseil constitutionnel.
Dans notre entendement, l’application du parrainage est un filtre pertinent et justifié car avec une jungle politique où plus de quatre cents partis foisonnent, il est normal de trouver un correctif démocratique pour éviter un chaos électoral avec des listes à n’en plus finir. Sur ce chapitre, nous pensons que le parrainage n’est pas un frein à l’expression citoyenne ou démocratique. Bien au contraire, cela est une attestation de la signifiance ou non de l’existence de véritables courants de pensée et de forces politiques et non l’encouragement à des expressions politiques sans contenu et n’exprimant que des calculs opportunistes.
L’introduction de la parité par le président Wade a été une réelle avancée citoyenne et démocratique. Elle a l’avantage d’avoir apporté deux correctifs majeurs en faveur de la composante féminine de notre nation. Tout en rétablissant l’égalité citoyenne entre les hommes et les femmes dans le champ politique, la parité a, aussi, dans son ADN l’équité en favorisant l’implication de la gent féminine dans l’arène politique. On peut bien comprendre et accepter la compréhension d’un juriste comme Me Wade qui, tout en reconnaissant les mêmes droits à l’homme et à la femme (tels Adam et Eve) a tenu, en plus, à inscrire dans le marbre la parité différente de la mixité ou de la discrimination positive avec la règle des quotas. La loi sénégalaise sur la parité indique que, sur toute liste élective, il faut aligner alternativement et impérativement un homme et une femme ou vice versa.
Ainsi donc, si notre système démocratique retient comme mode d’expression que le suffrage doit opposer des sensibilités politiques non uniformes donc s’étalonne sur la pluralité, cela veut bien dire que le principe c’est bien la participation et non l’élimination.
Alors, on ne peut comprendre que l’administration en charge de veiller à la régularité et à la conformité des dossiers de candidature avec les tables de la loi refuse à une liste de porter des correctifs sur celle-ci après y avoir décelé erreurs, anomalies ou inexactitudes.
Heureusement que dans un premier temps, la sagesse du Conseil constitutionnel a permis de rectifier une erreur sur la liste départementale de Yewwi à Dakar. Voilà pourquoi, nous trouvons incompréhensible la seconde décision de ce même Conseil consistant à invalider la liste majoritaire de Yewwi Askan Wi pour doublon et celle des suppléants de Benno Book Yakaar pour non-respect de la parité en faisant suivre deux femmes sur leur liste et non une femme et un homme sur la liste des suppléants. Ces deux faits notés par le Conseil constitutionnel paraissent plus relever d’une erreur ou d’une méprise plutôt que d’une faute ou d’une tentative de fraude ou d’irrégularité.
Le Président Abdou Diouf et l’invention de la Table ronde
Le pays a besoin d’apaisement, le pays a besoin de sérénité et de quiétude. Le déni de réalité et le refus du bon sens sont aussi toxiques que la surenchère et l’insoumission aux règles communes et à l’autorité.
Les élections locales de janvier dernier sont là pour nous rappeler que chaque fois que le bon sens fonde l’interprétation des lois, il n’y a de péril nulle part dans la cité. Alors peut-on imaginer une élection nationale comme celle des législatives à dix-huit mois de la prochaine présidentielle sans la participation de l’opposition la plus combative du moment et qui, certes, fait peur à de larges couches de la population mais représente tout de même une sensibilité politique réelle avec des positions souvent extrémistes ? Ce qui serait lourd de danger et périlleux pour les temps à venir serait que la politique déserte les seules enceintes (les assemblées territoriales et nationales) où elle est habilitée à s’exprimer pour être confinée dans la rue.
Dans la Rome antique, les combats des gladiateurs se déroulaient dans les arènes du Colisée tandis que les Sénateurs, eux, s’affrontaient sur le plan politique au Sénat. Deux combats, certes, mais au format et à l’expression différents. Au Colisée, la loi de la force prévalait tandis qu’au Sénat la force de la loi prédominait même si les joutes orales pouvaient faire penser à un combat de gladiateurs.
Le président Abdou Diouf, à la suite de la présidentielle tumultueuse de février 88, a su inventer la Table ronde nationale suivie d’un gouvernement de majorité présidentielle élargie ayant accouché du code électoral consensuel de 1992 pour vaincre les périls et les menaces qui pesaient sur le pays à l’époque.
Le président Wade a eu le génie en 2000, en s’installant sur le fauteuil présidentiel, d’éviter la chasse aux sorcières et les règlements de comptes. Il a substitué la Cena à l’Onel et a rapporté la demande d’autorisation de marche pour les manifs afin d’éviter l’application de la loi du plus fort et de la justice des vainqueurs.
Le président Macky Sall, nouveau maître du jeu, est le seul à pouvoir nous sortir de cette impasse actuelle. Un véritable imbroglio où la raideur des postures et la vanité des egos ne contribuent qu’à faire monter la tension et la surenchère et polluer les rapports au sein de la classe politique. La violence verbale a dépassé les limites de la décence avec des accusations bêtes et méchantes comme celles du député Cheikh Abdou Bara Dolly. Le combat politique avec sa passion et ses excès ne devrait jamais dépasser les règles de bonnes manières et de civilités qui s’imposent à tout acteur de la société quel que soit son statut, son titre ou son rang.
La loi est faite pour être appliquée. Elle doit l’être dans toute sa rigueur à ceux qui d’une manière lucide et préméditée cherchent à faire mal à autrui ou à enfreindre la loi.
Le maître du jeu n’a lui qu’une obligation : celle d’être à la hauteur de la situation en jaugeant avec pertinence les situations que traverse la société. Les excès et les bravades de l’opposition radicale et extrémiste et la rigidité dans l’interprétation par l’administration et le Conseil constitutionnel des lois et règlements mettent en selle le président de la République, seul maître du jeu.
Les élections doivent se tenir à date échue mais dans un climat serein et apaisé. Pour y parvenir, le président Macky Sall est le seul à détenir la clé.
Mamadou Oumar Ndiaye & Abdoulaye Bamba Diallo (Le Témoin/Juin 2022)
Post scriptum : Qu’on nous permettre d’ajouter que le péril djihadiste qui secoue le Sahel et les menaces terroristes qu’il fait peser sur notre sous-région ont été contenus jusqu’à présent. Le président Macky Sall qui, depuis quelques années, a mis à la disposition des forces de défense et de sécurité du pays des équipements et des armements de dernière génération fait sienne la vérité de Cheikh Anta Diop. À savoir que la sécurité précède le développement. Le préalable sécuritaire rempli et adapté au contexte sous régional a fait que la montée en gamme des différents corps d’armée de nos Diambars — à preuve par l’annonce, cette semaine même, de l’acquisition de trois patrouilleurs ultraperformants pour notre Marine — s’exprime avec efficacité dans tous les théâtres d’opération à l’intérieur comme à l’extérieur du pays (Mali, Gambie, Casamance). Les récents succès de l’armée Nationale dans la partie Sud du Sénégal contre les derniers félons rescapés du MFDC et leurs complices infiltrés dans toutes les strates de la société sont là pour nous le rappeler. Ainsi, la perspicacité et le pragmatisme du président Sall lui ont permis de faire suivre le développement après avoir assuré le préalable sécuritaire. PUDC, Puma, Promovilles, TER, grands chantiers et infrastructures surgissent dans tous les endroits du territoire national. Ainsi, dans la partie méridionale du pays des routes comme celle de la boucle du Boudié, des ponts comme ceux de Marsassoum et Emile Badiane ont été construits ou réhabilités. Une élection pouvant nous entraîner dans le déchirement et le chaos ne vaut, donc, pas que des efforts comme tous ces investissements et réalisations opérés depuis quelques années en fassent les frais à cause de potentiels contentieux pré ou post électoraux. L’actualité de ce qui se déroule en Ukraine devrait nous servir de leçon.