MAÏMOUNA, NOTRE MAUVAISE CONSCIENCE
Les autorités gouvernementales doivent bien être dans leurs petits souliers pour n’avoir rien fait pour protéger MNF et d’autres également dans le collimateur de ces assassins qui cherchent à éradiquer du Sénégal toute personne qui ne pense pas comme eux
Le Sénégal est en émoi, suite à la tentative d’assassinat, dans la nuit du jeudi 29 février au vendredi 1er mars 2024, dont a été victime notre consœur et amie, Maïmouna Ndour Faye, Directrice générale de la chaîne de télévision 7Tv et présentatrice de l’émission à succès «l’Invité de MNF».
Un acte d’un vulgaire détrousseur de dames ? Cela arrangerait bien de monde !
Je n’ai pas voulu me faire compter parmi ces personnes qui, avec hypocrisie ou lâcheté, ne veulent pas voir que les militants de l’ex-parti Pastef de Ousmane Sonko n’ont eu de cesse de la menacer de mort publiquement, à travers les réseaux sociaux et même à travers des médias qui ont pignon sur rue. Des personnes dûment identifiées comme des responsables de ce parti dissous l’ont pourfendue, vilipendée et ont menacé de la tuer. Personne au Sénégal n’ose dire ignorer de telles menaces qui courent depuis plusieurs mois. La semaine dernière, les menaces étaient devenues plus pressantes, plus acharnées, quand Maïmouna Ndour Faye a eu le culot de dire son opposition à la libération de plusieurs centaines de personnes, arrêtées pour des actes de vandalisme et de sédition, et surtout contre le projet d’une loi d’amnistie concocté par le gouvernement. Ces libérations procèdent de négociations politiques entre Ousmane Sonko et le Président Macky Sall, et dont les moindres détails ont été révélés par les médias. Des personnes élargies de prison à cette occasion, se sont fait le devoir de menacer de tuer Maïmouna Ndour Faye, ainsi que quelques autres journalistes opposés à cet étonnant arrangement politique. Personne au Sénégal ne peut prétendre ignorer cela. Mieux, après cet ignoble attentat, qui a failli coûter la vie à celle que j’appelle amicalement la Oprah Winfrey du Sénégal, les mêmes personnes se sont félicitées, avec jubilation, de cet acte et ont même regretté qu’elle n’ait pas pu être tuée, et qu’il faudrait aller la trouver pour l’achever. L’assaillant n’en aurait pas assez fait, à leur goût ! D’autres ont voulu banaliser les litres de sang qu’elle a perdus, les prenant, avec une ironie macabre ou morbide, pour du jus de bissap (oseille rouge) versé sur son corps ! Comble de cynisme et de bestialité ! Personne au Sénégal, encore une fois, ne pourra dire ignorer ces réactions d’apologie d’un crime. Sur le plateau de Futurs Médias, Diop Taïf, un extrémiste militant du parti Pastef dissous, vient d’exhiber avec assurance le calepin dans lequel il répertoriait, depuis sa cellule de prison, les noms des journalistes et de toutes les personnes qui avaientl’outrecuidance de parler en mal de son parti et de son leader Ousmane Sonko. Ces ignobles vidéos de ce gus, élargi de prison il y a quelques jours à la faveur de l’arrangement entre Ousmane Sonko et Macky Sall, circulent partout. On regrettera toujours que des médias, au nom d’un équilibrisme de mauvais aloi, continuent d’élever à la dignité d’interlocuteurs ce genre de personnes. Vous me direz que Amadou Clédor Sène, assassin du juge constitutionnel Me Babacar Sèye en 1993, se compte parmi les «personnalités» nuitamment reçues par le Président Macky Sall ! Farba Ngom en a fait la révélation, dans la dernière émission de Maïmouna Ndour Faye. Les partisans de Ousmane Sonko continuent de passer leur temps à chercher à salir la réputation de MNF et à la traîner dans la boue. Les rares personnes de leur camp qui se feraient violence pour fustiger cet acte criminel, le font sur les réseaux sociaux avec, à l’appui, une de leurs propres photos sur laquelle ils affichent un sourire gai, comme satisfait. On peut bien croire que c’est pour mieux la narguer, alors que ces proches de Ousmane Sonko sont pourtant des habitués de son émission ! Personne ne pourra, non plus, déclarer ignorer les récurrentes et insistantes menaces proférées par Ousmane Sonko, exhortant ses fidèles à s’en prendre physiquement aux journalistes. Oui, le crime contre Maïmouna Ndour Faye est signé par Ousmane Sonko et ses partisans ! Où étaient ces personnalités, qui ont vite accouru sur les plateaux de télévision pour dire leur indignation, suite à l’attentat au couteau, quand Ousmane Sonko et ses partisans insultaient et menaçaient de mort MNF ? Où étaient ces gens quand le siège de Futurs Médias avait été mis à sac etles véhicules des journalistes incendiés par les sbires de Ousmane Sonko. Depuis le 16 avril 2021, Maïmouna Ndour Faye, qui vient de subir la furie assassine d’un homme qui s’est acharné sur elle, à coups de poignard, continue d’alerter sur les menaces de mort qu’elle reçoit directement des militants du parti Pastef. Déjà, le 15 avril 2021, un étudiant, militant du parti de Ousmane Sonko, Ansou Gallas Diédhiou, a posté un message sur Twitter pour dire : «Maïmouna saytané bou mague nga (Ndlr : Tu es un esprit maléfique, entendez une grande salope). Elle joue la carte. C’est une femme dangereuse. On doit l’abattre.» Ce message était ignoré et c’était le début d’un déferlement de haine et de violence contre la journaliste. L’Etat du Sénégal a failli, pour ne pas lui avoir assuré une protection à laquelle elle avait bien droit. On a vu le Président Macky Sall s’émouvoir de cet ignoble attentat. Assurément, son message sur le réseau social «X» aurait été, à quelques mots près, le même si MNF avait perdu la vie dans cette attaque. Le Premier ministre Amadou Ba a été à son chevet, à la tête d’une délégation de plusieurs ministres. Il aurait fait de même auprès de sa famille et rien de plus si MNF était morte. Les autorités gouvernementales doivent bien être dans leurs petits souliers pour n’avoir rien fait pour protéger MNF et d’autres également dans le collimateur de ces assassins qui cherchent à éradiquer du sol sénégalais toute personne qui ne pense pas comme eux. Le ministre de l’Intérieur dont la mission est de veiller à la sécurité des personnes, a le devoir d’offrir une «protection d’office» à toute personne qui se trouve confrontée à une grave menace réelle quant à sa sécurité physique. D’ailleurs, une telle disposition a été prise pour assurer la sécurité de Adji Raby Sarr, menacée de mort par des partisans de Ousmane Sonko, depuis qu’elle avait déposé une plainte pour abus sexuels contre le leader du parti Pastef. MNF n’a pas eu droit à autant d’attention, peut-être qu’on a considéré, avec désinvolture, qu’elle pourrait se payer des services pour sa propre sécurité ! Cette carence embarrasse bien certains milieux de l’Etat qui ont voulu faire croire, à travers certains canaux, que MNF n’aurait pas voulu d’une garde rapprochée qui lui aurait été proposée. C’est un gros mensonge, cela ne lui a jamais été proposé. C’est seulement le 31 mai 2023, jour de l’attaque du domicile du maire de Dakar, Barthélemy Dias, que quelques éléments de la gendarmerie avaient été mis en faction devant le domicile de MNF et devant le siège de sa télévision, du fait de menaces d’attaques planifiées par des militants du parti Pastef. D’autres responsables de médias avaient également bénéficié du même dispositif qui sera levé au bout de trois jours. Finalement, nous nous sommes transformés en de légendaires cow-boys du Far-West, obligés de sortir avec un pistolet chargé.
Par ailleurs, Maïmouna peut aussi susciter de l’inimitié, de la jalousie même. C’est une jeune femme, une professionnelle aguerrie, qui a relativement réussi dans un secteur des médias sénégalais dans lequel la gent féminine ne joue pas les premiers rôles. Elle peut aussi avoir le tort de vivre dans une société où l’indépendance, le pouvoir ou une parcelle d’autorité ne sauraient être reconnus ou acceptés à la femme. On ne pouvait pas éviter un sourire triste, en apercevant certains journalistes, dans un rassemblement organisé par les professionnels des médias pour dénoncer cet attentat. Dire que parmi eux, il y en a qui ont cherché à nous vendre la piste d’un crime crapuleux, d’un banal fait divers, d’une agression comme une autre. En effet, penser que MNF a été victime d’un malfrat qui chercherait à la détrousser peut soulager bien des consciences.
Les circonstances de la tentative d’assassinat
Il est d’abord à espérer que cette affaire ne finisse pas dans une vulgaire omerta, comme cela avait été le cas par exemple, de l’enquête judiciaire sur l’attaque des journaux L’AS et 24 Heures en 2008, et de l’attaque contre le leader politique Talla Sylla en 2003. Les premiers éléments de l’enquête conjointe de police et de gendarmerie révèlent que l’ignoble acte contre MNF a été prémédité et planifié. Les habitudes de la victime semblent avoir été bien cernées. Elle rentre tous les soirs, sur les coups de 3 heures du matin car, à la fin de son émission à 1 heure du matin, elle prépare avec ses équipes le menu du jour. La journaliste ne parvenait plus, depuis quelque temps, à faire entrer sa voiture dans son garage du fait de travaux de pavage sur la voirie. L’assaillant l’attendait à quelques mètres de son domicile. Il a été aperçu, dans des vidéos, en train de communiquer au téléphone, à dix minutes de l’arrivée de la journaliste sur les lieux. Parlait-il avec un complice qui l’alertait de l’arrivée de sa proie ? Maïmouna était au téléphone au moment où elle garait sa voiture. Elle en sortit tranquillement, le téléphone toujours collé à l’oreille, prit ses affaires pour refermer la voiture derrière elle et se dirigeait vers sa demeure. Elle ne pouvait avoir de raison de nourrir la moindre crainte, à quelques mètres de son domicile. Le quartier est calme et le moindre acte de banditisme n’y a jamais été auparavant déploré. Les lumières de la rue lui renvoyaient une ombre d’un homme, brandissant un poignard et qui se dirigeait vers elle à pas de loup. Elle retourna la tête pour faire face à son assaillant qui la placarda au sol. La journaliste, pugnace, se débattit et se releva, mais elle sera à nouveau placardée. L’assaillant lui asséna trois coups de couteau avec l’objectif manifeste de la tuer, et elle criait en perdant beaucoup de son sang. C’est ainsi qu’il ramassa le sac à main qu’il reviendra déposer plus tard derrière la voiture, non sans avoir pris l’argent qui s’y trouvait. Il est curieux qu’un vulgaire malfrat, détrousseur de dames non accompagnées, laisse sa victime gisant dans du sang, sans lui ôter ses bijoux de valeur et ses téléphones portables. Les voisins ont pu accourir et porter assistance à la victime.
MNF se remet de ses graves blessures. Des amis souhaitent lui organiser une convalescence dans un lieu plus tranquille mais, combative plus que jamais, elle refuse systématiquement, tenant à retourner reprendre immédiatement l’antenne, faire le boulot qu’elle a choisi et pour lequel elle a risqué sa vie. J’admire ton courage et ta ténacité, ma chère !
Oserait-on toujours amnistier ces crimes terroristes ?
Peut-on espérer que l’attentat terroriste contre MNF sonne le glas de la loi d’amnistie concoctée par le Président Sall pour justement effacer des crimes de terrorisme, de sédition et d’atteinte à la sécurité de l’Etat ? Le projet de loi a été transmis à l’Assemblée nationale après son adoption assez curieuse à la réunion du Conseil des ministres du mercredi 28 février 2024. Les membres du gouvernement ont adopté un projet de loi qu’ils n’auront pas vu. Pourquoi autant de cachotteries ? Cette situation et surtout l’inopportunité de l’initiative mettent bien des ministres mal à l’aise. Pour autant, ils se sentent prisonniers du contexte. «On ne peut même pas protester, encore moins démissionner, pour éviter de passer pour des rats qui quittentle navire. Nous avalons cette couleuvre de la loi d’amnistie sans broncher», déplorent plusieurs ministres. Le président Macky Sall ne semble avoir cure des états d’âme de ses proches. Le vendredi 1er mars 2024, il a reçu les députés pour les exhorter à voter la loi d’amnistie. C’est après avoir fait un message de compassion à l’endroit de MNF, quelques instants plus tôt. C’est dire que sa volonté d’amnistier est on ne peut plus inébranlable ! Cette loi, si elle est adoptée, va effacer ce nouveau crime terroriste dont MNF est victime, car l’amnistie est prévue dans le texte pour courir «la période allant de l’année 2021 à l’année 2024».
Bizarrement, on se mettrait aussi dans une logique d’amnistier potentiellement jusqu’à des faits qui ne sont même pas encore commis ! Dire que les Forces de défense et de sécurité, et des autorités du Parquet ont eu à exprimer leurs réserves, pour ne pas dire leur désapprobation de la vague de libérations de centaines de détenus, mais elles ont été obligées de se plier à la volonté politique !