VIDEOLA FIN DU CYCLE SENGHORIEN
En chassant le régime sortant, les Sénégalais ont également rejeté un modèle politique vieux de 64 ans selon Mamadou Diouf. Pour l'universitaire, cette élection est une "révolution" qui doit mener à la refondation d'une société minée par la gabegie
Invité exceptionnelle sur le plateau d'ITV samedi 6 avril 2024 après la victoire surprise de Bassirou Dioum Faye à la présidentielle, l'historien Mamadou Diouf, professeur à l'université prestigieuse de Columbia, a livré une analyse percutante. Selon lui, cette élection marque ni plus ni moins que la fin du "cycle senghorien", ce système politique vieux de 64 ans hérité de l'époque coloniale.
Pour Diouf, ce "modèle islamo-wolof" instauré sous Senghor reposait sur un contrat social entre la classe politique, les chefs religieux et les détenteurs de légitimités traditionnelles. Un système stable permettant d'éviter les coups d'État, mais qui atteignait désormais ses limites, incapable de s'adapter aux nouvelles aspirations de la société.
"Les Sénégalais ne se battaient pas contre une personne, mais pour le respect de leur Constitution", a insisté le professeur, voyant dans la contestation du 3e mandat la première brèche dans l'ancien système.
Avec la mobilisation populaire inédite et la victoire surprise du candidat anti-système Bassirou Dioum Faye, c'est donc un véritable tournant historique que le Sénégal vient de négocier. "Le cycle senghorien s'est clôturé", a tranché Diouf.
Pour l'universitaire, le nouveau président fait face à un mandat clair : répondre aux aspirations de la jeunesse qui a été le moteur du changement, en opérant une « refondation morale » de la société. Finie la gabegie des élites, place à une nouvelle gouvernance au service du bien commun selon Diouf.
L'historien préconise d'ailleurs des réformes de rupture comme la réduction du nombre de députés, la création d'un fonds pétrolier cogéré ou encore l'éradication du phénomène des talibés.
Une révolution à accompagner S'il se montre optimiste sur les capacités de mobilisation des Sénégalais, Diouf a également appelé sa génération à "accompagner les jeunes, mais dans un rôle invisible". Une nouvelle page s'ouvre pour le Sénégal, celle d'une nation qui semble décidée à rompre avec les vieux démons de son passé.