REFORMER DE FOND EN COMBLE, POUR UN SYSTEME JUDICIAIRE EQUITABLE AU SERVICE DE LA SOCIETE
La réforme du système judiciaire est un chantier colossal qu’on aurait tort de circonscrire en une séance d’exorcisme pour chasser les démons de la déviance professionnelle.
Cette réflexion, un tantinet audacieuse, s’adresse aux professionnels de la justice en général, aux magistrats en particulier. Vous constituez une corporation perçue de ambivalente en ce sens que vous êtes à la fois redoutés, admirés ou détestés eu égard à la mission qui vous est dévolue : juger vos semblables
Les gens du Livre s’accordent sur la sacralité de votre mission qui n’est pas de tout repos. Il est communément admis que vous êtes délégataires d’un pouvoir divin relativisé en raison du caractère imparfait de l’homme. Ainsi, on vous concède le droit d’affirmer que vous jugez selon votre intime conviction articulée à une interprétation des codes qui régissent le fonctionnement de la justice et selon les dispositions de la Loi. La soumission à vos décisions, intitulées verdicts ou arrêts, est obligatoire et fait fi des sentiments des justiciables auxquels on oppose l’autorité de la chose jugée, pour évacuer d’un revers de main toute contestation voire toute critique. Incontestablement, vous avez des pouvoirs si redoutables que vous pouvez briser les justiciables à travers une seule de vos décisions.
Il est donc clair que la problématique du système judiciaire sénégalais se pose plus en termes d’intégrité personnelle que d’indépendance au sens large du magistrat.
L’appréciation des citoyens à l’endroit de votre illustre corporation est teintée à la fois d’un manque de confiance et d’une défiance qui en disent long sur la nécessité de repenser le système judiciaire dans son ensemble.
En voyant certaines décisions rendues par nos cours et tribunaux, les citoyens s’interrogent légitimement sur la capacité des professionnels de la justice à jouer sans faiblesse leur rôle de régulation institutionnelle et sociale. De rendre la justice. Le Sénégal sous l’autorité du Président Macky Sall, a été quasiment transformé en prison à ciel ouvert. Cela du fait de l’ardeur répressive d’agents des forces de défense et de sécurité mais aussi, et surtout, de magistrats enclins à bâcler les droits des justiciables sur la base de leur asservissement au pouvoir exécutif. Durant les 12 ans au pouvoir du président Macky Sall, les magistrats ont baissé la garde. Or, les citoyens exigent à juste raison que les magistrats soient le rempart inébranlable contre l’injustice et l’autoritarisme susceptibles de saper la concorde nationale. Vous avez donc le devoir de résister à toute forme de subordination contraire aux valeurs d’un État de droit. Une telle posture ne signifie nullement que vous cédiez à la tentation d’instaurer une République des juges. Il s’agit de donner aux citoyens l’assurance que leurs droits fondamentaux autant que leurs devoirs ne seront plus bafoués sur l’autel de l’autoritarisme. Les citoyens n’ont que trop souffert de l’interprétation abusive et simpliste qui consiste à leur dire sans autre forme de procès que la loi est dure mais c’est la loi (dura lex sed lex). Si l’on veut que les citoyens soient foncièrement respectueux de la loi, il est impératif qu’ils la comprennent. Ce même si l’on dit que nul n’est censé ignorer la loi. Or, il est absolument nécessaire que les tenants et les aboutissants de cette loi leur soient expliqués à travers diverses approches pédagogiques et linguistiques avec des supports appropriés. Une loi d’essence humaine doit être à hauteur de la société à laquelle elle doit s’appliquer.
La réforme du système judiciaire est un chantier colossal qu’on aurait tort de circonscrire en une séance d’exorcisme pour chasser les démons de la déviance professionnelle. Elle exige des femmes et des hommes, en charge du bon fonctionnement de la Justice, une renaissance morale qui sous-tendra une nouvelle dimension, celle de la noblesse et de la sacralité du devoir de juger ses pairs.