DES ETUDIANTS CENTRAFRICAINS AU SENEGAL ENTRE CRAINTE ET ESPOIR
La situation qui sévit en république centrafricaine (rca) est loin de laisser indifférents les étudiants originaires de ce pays qui vivent au Sénégal. Entre crainte et difficultés financières, ils se disent « très préoccupés », non sans nourrir l’espoir d’une réconciliation nationale sous peu.
Comme pour chasser la mélancolie et le stress qui s’emparent de ses nuits depuis l’éclatement du conflit dans son pays, Anne Lise Voyemakoa, étudiante en Licence III de comptabilité, la guitare en bandoulière, joue des notes sous les railleries de ses amis.
Les éclats de rires de ces derniers viennent par mo- ment percer l’ambiance douillette de cet appartement situé au troisième étage d’un immeuble à Ouest Foire. Pourtant, ce climat de gaieté qui accueille le visiteur dès qu’il franchit le seuil de la pièce est loin de traduire l’atmosphère réelle dans laquelle vivent ces étudiants centrafricains au Sénégal. Ils sont inquiets de- puis le début du conflit intercommunautaire dans leur pays et qui a fait des centaines de morts.
La crainte et l’angoisse sont les impressions les mieux partagées chez ces étudiants. « Nous sommes éprouvés et préoccupés par la violence. Le fait d’être loin de notre pays ne nous met pas à l’aise », raconte Fock- Tite Wratchet, analyste stagiaire dans une banque de la place. A Dakar depuis 2007, il dit ne pas comprendre les affrontements interreligieux dans son pays. Car, à l’en croire, chrétiens et musulmans y ont toujours vécu en symbiose, dans la tranquillité et la paix. « Il n’y a jamais eu de souci venant de cette cohabitation religieuse.
C’est une situation inhabituelle. Mon meilleur ami est musulman », poursuit- il d’une voix à peine audible.« Pas de nouvelles, bonnes nouvelles », dit l’adage. Quant à Mina Sounaja Moussak, un peu plus relaxe, elle soutient que chaque jour qui passe sans mauvaise nouvelle est synonyme de délivrance. Elle estime être « très affectée » par ce conflit dans lequel elle a perdu sa tante.
«CHAQUE FOIS QUE LE TELEPHONE SONNE»
Devant l’angoisse et la peur, les jours se succèdent mais gardent toujours la même couleur. Ce sentiment de crainte, rappelle Verdiane Nguerepawa, étudiante en Licence III de journalisme et communication, est d’avantage renforcé par les « mauvaises nouvelles véhiculées à travers les médias et qui font état de centaines de morts et de pillages à n’en plus finir ». Selon Fock-Tite Wratchet, cette appréhension est d’autant plus difficile à supporter que lorsque le téléphone sonne et qu’il affiche un indicateur de la Rca. « Dès que le téléphone sonne, on a l’impression que le ciel nous tombe dessus.
On n’a pas les mots pour exprimer ce qu’on ressent à ce moment précis et ce, du fait qu’on a peur que ce soit quelqu’un nous annonçant le décès d’un proche », confesse-t-il, le regard perdu dans le vide. Le jeune homme exhorte les différentes parties à déposer les armes et à privilégier le dialogue. Etudiante en Licence II en informatique de gestion à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (Ucao)/Saint Michel, Winss Essenouwa reste, pour sa part, optimiste pour l’avenir.
AIDE DE L’ETAT
Elle croit à une réconciliation dans un futur proche et invite l’ensemble des parties prenantes à une prise de conscience afin de mettre fin aux tueries. Elle déplore la poursuite des hostilités en dépit de la présence des forces armées françaises. Outre la crainte et le stress, les étudiants centrafricains au Sénégal se disent confrontés à un véritable problème financier.
En effet, depuis le début du conflit, le transfert d’argent en provenance de leur pays a fortement chuté. « Les banques travaillent au ralenti, les offres limitées et les transactions financières ne dépassent pas 50.000 FCfa », laisse entendre Mina Sounaja Moussak. Même son de cloche chez Winss Essenouwa, qui appelle à la diligence des bailleurs par rapport à la location ainsi qu’à la compréhension des directeurs des centres de formation. « Nous sommes devenus très pauvres et nous éprouvons énormément de difficultés pour arriver à joindre les deux bouts. La crise nous a affaiblis moralement et financièrement », informe Mina.
Face à ces difficultés financières devenues inhérentes à leur quotidien, Mina et ses pairs appellent à l’aide du gouvernement sénégalais pour pouvoir sortir de cette impasse.