LE GRAND JONC S’EST COURBÉ
Hommage à Momar Coumba Diop - Je ne sais plus en quel temps c’était Je confonds toujours présent et passé Comme je mêle la Mort et la Vie Un pont de douceur les relie
Je ne sais plus en quel temps c’était Je confonds toujours présent et passé Comme je mêle la Mort et la Vie Un pont de douceur les relie.
J e ne sais plus en quelles circonstances je l’ai rencontré pour la première fois. Sans doute dans « La Cafet’ de Kane », où nous aimions nous retrouver, tous de la Faculté de Lettres, aux ‘’intercours’’ pour parler de tout et de rien, de ce qui se passait dans et hors des murs de nos départements…
C’est ainsi que mon agrégation de Philosophie, c’est lui qui, dans mon Département, en a été le premier informé. Le premier qui, ouvrant de grands yeux, fit un pas de côtél en m’annonçant : « Tu vas nous faire reculer dans ce Département ! » Je ne compris la surprise que plus tard, quand j’ai réalisé que ce « Département de Philosophie » où je venais de le retrouver en 1977, était un « nid des sociologues » que Senghor soupçonnait d’être le point de départ de Mai 68, où Momar Coumba Diop, Boubacar Ly, Abdoulaye Bara Diop et Pierre Fougeyrolas enseignaient la Sociologie et Alassane Ndaw, la Philosophie.
En arrivant dans ce Département des Sciences Humaines avec de la « pure philosophie », je ne pouvais donc que renforcer la deuxième option, minoritaire, du Département en recomposition. Mon obédience trotskyste, donc éloignée du socialisme senghorien me rapprochait du marxisme (stalinien) et donc de la famille de Momar dans laquelle nous ne nous reconnaissions pas pour autant.
Eh bien, et pour faire court, celui qu’Aminata Diaw, entrée plus tard dans le Département, et moi-même appelions Njoolum-Siggi Lagg ou Le Jonc (sa taille) vient de s’incliner pour toujours, rejoignant nos grands aînés, les siens, Abdoulaye Bara Diop et Boubacar LY qui l’ont précédé en répondant au grand appel.
Ce grand appel auquel chacun d’entre nous aura à répondre un jour prochain, et qui dépeuple de plus en plus les rangs de ceux de notre génération, l’emporte sur les cérémonies gaies comme les baptêmes et les mariages.
Notre génération dont nous pouvons dire qu’elle est en première ligne, en toute première ligne, parce qu’il lui arrive d’enterrer nos cadets, sans logique apparente (y a-t-il jamais eu une logique de l’appel et de la réponse autre que le grand âge ou la longue maladie contre lesquels on lutte plus ou moins longtemps, avant de se laisser emporter) ?
Ne restent alors, ne subsistent plus que les traces laissées par nous et la narration qui est un piège dans lequel le Cogito a été pris et que d’autres auront à reprendre sous la forme d’une biographie.
Sur la biographie et l’autobiographie, il n’y a pas grand ’chose à dire, sinon le sentiment de la solitude qu’elles reflètent. Mais d’une finitude concrète et raffinée entre la belle musique et l’art, l’élégance et le charme. Le tout concentré dans la finesse et la souplesse d’un JONC que le destin courbe de plus en plus.
Sans oublier les mots qui le disent : la parole mouride. Momar Coumba Diop m’enviait d’avoir dit que « le Mouridisme, c’est le Jasawu Sakoor ». La gigantesque mise en scène qui s’y déploie permet de dire Dieu dans le Wolofal de Musa KA et la traduction dans l’imaginaire de Xelcom, Sandaga, Colobane et le minaret de Musalikul Jinaan.