L’AFRIQUE APPELLE À LA RÉFORME DU CONSEIL DE SÉCURITE DE L’ONU ET A L’EQUITE
En corrigeant cette injustice historique, la communauté internationale favorisera non seulement une plus grande équité et une plus grande égalité dans la gouvernance mondiale, mais libérera également tout le potentiel de l’Afrique
Le 12 août 2024, durant la présidence de la Sierra Leone au Conseil de sécurité des Nations Unies, je présiderai un débat inédit au Conseil sur le « Maintien de la paix et de la sécurité internationales : remédier à l’injustice historique et renforcer la représentation effective de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU ». En corrigeant cette injustice historique, la communauté internationale favorisera non seulement une plus grande équité et une plus grande égalité dans la gouvernance mondiale, mais libérera également tout le potentiel de l’Afrique en tant que continent dynamique et capable de contribuer de manière significative à l’avancement de la paix, de la sécurité et de la prospérité dans le monde.
Dans un monde en proie à une myriade de défis allant des conflits violents et des crises environnementales comme le changement climatique, aux urgences sanitaires mondiales et aux disparités économiques, la nécessité d’un système de gouvernance mondiale juste et efficace n’a jamais été aussi évidente. Au cœur de cet impératif se trouve la réforme des Nations Unies, en particulier de son Conseil de sécurité, chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales. Malgré les importantes transformations géopolitiques survenues au fil des ans, le Conseil de sécurité reste entravé par une structure désuète qui perpétue les injustices historiques, en particulier à l’encontre de l’Afrique.
L’injustice historique à l’encontre du continent africain concerne le traitement inégal et la marginalisation de l’Afrique au sein des structures de gouvernance mondiale, en particulier du Conseil de sécurité de l’ONU. Depuis sa création après la Seconde Guerre mondiale, la composition du Conseil de sécurité est restée largement inchangée, les sièges permanents étant occupés exclusivement par les « vainqueurs de cette guerre » – les États-Unis, le RoyaumeUni, la Fédération de Russie, la Chine et la France. En revanche, l’Afrique, qui compte une part importante des nations du monde et le deuxième continent le plus peuplé, est dépourvue de représentation permanente au Conseil de sécurité.
Cette injustice historique découle d’héritages coloniaux tenaces et de déséquilibres de pouvoir persistants. Le spectre de l’esclavage s’entremêle avec d’autres héritages d’injustice, notamment le colonialisme, l’impérialisme et l’exploitation. L’Afrique a longtemps été marginalisée dans les processus décisionnels mondiaux, sa voix étant souvent étouffée, ce qui entraine une représentation inadéquate sur les questions cruciales qui touchent le continent, telles que la prévention des conflits, les opérations de maintien de la paix, la résolution des conflits et le développement durable. Ce parti pris systémique perpétue un cycle de marginalisation, dépeignant l’Afrique comme un acteur passif dans la réalisation des affaires mondiales.
Sous la direction du Comité des dix chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine sur la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU (C-10), l’Afrique est restée inébranlable dans sa détermination à corriger cette injustice et ce déséquilibre du Conseil de sécurité de l’ONU. En tant que coordinateur du C-10, j’ai été le fer de lance des efforts visant à amplifier la voix de l’Afrique sur cette question. À travers la Position africaine commune telle qu’énoncée dans le Consensus d’Ezulwini et la Déclaration de Syrte, l’Afrique a articulé une vision claire et convaincante de la réforme, une vision qui garantit sa représentation équitable et sa participation significative aux travaux du Conseil.
L’Afrique exige deux (2) sièges au Conseil de sécurité de l’ONU en tant que membre permanent et deux (2) sièges supplémentaires dans la catégorie des membres non permanents, ce qui porte le total des sièges non permanents à cinq (5). Les membres permanents africains seront choisis par l’Union africaine. En ce qui concerne le veto, l’Afrique souhaite qu’il soit aboli. Cependant, si les États Membres de l’ONU souhaitent conserver le veto, il doit être étendu à tous les nouveaux membres permanents
Les progrès réalisés dans le cadre des négociations intergouvernementales de l’Assemblée générale de l’ONU et le large soutien recueilli en faveur de la Position africaine commune témoignent d’une dynamique positive reconnue par l’Afrique. L’engagement continu mené par l’Afrique à travers le C-10 souligne la détermination inébranlable du continent à parvenir rapidement à ces réformes. Après deux décennies de négociations dans le format actuel, le moment est venu de s’attaquer à la situation particulière de l’Afrique. Alors que l’Assemblée générale des Nations Unies délibère sur la réforme, il est essentiel que les États Membres de l’ONU tiennent compte de l’appel de l’Afrique à la justice et à l’équité, en corrigeant de toute urgence l’injustice historique qui marginalise le continent depuis près de quatre-vingts (80) ans.
Au cœur de la quête de réforme de l’Afrique se trouve le principe d’égalité entre les nations. Il est inadmissible qu’au 21e siècle, le Conseil de sécurité continue de fonctionner selon une structure qui privilégie une minorité au détriment du plus grand nombre. L’Afrique exige que sa valeur intrinsèque et sa contribution à la communauté internationale soient reconnues. En plaidant pour un Conseil de sécurité plus inclusif et plus représentatif, l’Afrique cherche à garantir que les décisions affectant la paix et la sécurité internationales soient prises en tenant compte des contributions et des points de vue de toutes les nations, et pas seulement d’une minorité privilégiée.
En outre, la demande de réforme de l’Afrique est ancrée dans l’impératif de répondre aux défis et aux aspirations spécifiques du continent. Les problèmes africains nécessitent un leadership et des solutions africains. Des conflits persistants aux conflits émergents, du terrorisme, des famines d’origine humaine et des crises humanitaires, l’Afrique est aux prises avec une myriade de problèmes complexes qui nécessitent une coopération et une solidarité mondiales. Ceci doit être réalisé avec le leadership africain. En accordant la priorité aux préoccupations de l’Afrique dans le cadre de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU, l’Organisation peut faire la preuve de sa détermination à s’attaquer aux causes profondes des conflits et de l’instabilité sur le continent, faisant ainsi progresser la cause de la paix et de la prospérité pour tous.
Alors que l’ONU se réunira en septembre 2024 pour le Sommet de l’avenir afin de tracer la voie des prochaines décennies, elle doit tenir compte de l’appel de l’Afrique à la réforme et reconnaître le continent comme un cas unique méritant une attention particulière et urgente. L’ère des mesures progressives et des progrès timides doit céder la place à une action décisive. La voix de l’Afrique doit être entendue et ses demandes de justice et d’équité doivent être satisfaites. En corrigeant les injustices historiques qui ont affligé le continent, la communauté internationale a une occasion essentielle de forger un ordre mondial plus équitable et plus inclusif, qui défend la dignité et les aspirations de toutes les nations, quelle que soit leur taille ou leur stature. Le moment est venu d’agir avec détermination. L’Afrique ne peut plus se permettre d’attendre.