LES DEPUTES DE BENNO A L'EPREUVE DE L'EQUATION BDF...
La rationalisation des dépenses publiques tient à cœur les nouvelles autorités. Après avoir dissous la Commission Nationale de Dialogue des Territoires, la semaine dernière, le chef de l’État poursuit son entreprise d’élagage.
Le projet de loi du président de la République, qui sera soumis ce jeudi à l’Assemblée nationale et portant dissolution des institutions que sont le HCCT (Haut Conseil des Collectivités Territoriales) et le CESE (Conseil Économique Social et Environnemental), constitue une équation difficile à résoudre pour l’opposition. En effet, aussi bien son vote que son rejet peuvent comporter des conséquences politiques pour l’encore majorité parlementaire devenue minoritaire dans le pays depuis la dernière élection présidentielle...
La rationalisation des dépenses publiques tient à cœur les nouvelles autorités. Après avoir dissous la Commission Nationale de Dialogue des Territoires, la semaine dernière, le chef de l’État poursuit son entreprise d’élagage. Cette fois-ci, c’est le CESE et le HCCT qui passent à la trappe. Ceci, pour respecter une des promesses phare du «Projet» sur lequel il a été élu. Cette promesse consistait à dissoudre les institutions « inutiles et budgétivores » que sont, aux yeux de l’opinion, le CESE, le HCCT et la CNDT. Mais à la différence de la désormais ex-Commission nationale de dialogue des territoires que dirigeait Benoît Sambou, pour laquelle un simple décret suffit, les institutions que dirigent Mme Aminata Mbengue Ndiaye et M. Abdoulaye Daouda Diallo ne peuvent être dissoutes qu’à travers le vote d’une loi constitutionnelle par les députés. C’est dans ce sens que le Président Bassirou Diomaye Faye a transmis, lundi, une correspondance au président de l’Assemblée nationale portant convocation des députés en session extraordinaire ce jeudi 29 août 2024 pour le vote du projet de loi portant dissolution de ces deux institutions. Lesquelles, encore une fois, sont considérées par les populations comme étant budgétivores et sans grande utilité. Cependant, cette saisine de l’Assemblée nationale intervient à une période où les relations entre la majorité parlementaire et les nouvelles autorités du pays sont loin d’être au beau fixe et où il est de plus en plus question de la toute prochaine dissolution de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle, derrière cette proposition de loi, il y a beaucoup d’enjeux politiques qui se cachent et qui vont dans les prochains jours livrer tous leurs secrets.
La majorité parlementaire entre le marteau et l’enclume...
A la lecture de la correspondance du chef de l’État au président de l’Assemblée nationale, des compatriotes se sont interrogés sur les risques de rejet d’une loi qui va à l’encontre des intérêts de la majorité présidentielle. D’aucuns se demandent pourquoi le Président s’empresse-t-il de dissoudre ces deux institutions alors que, selon toute vraisemblance, les jours de la présente législature sont comptés. Ne pouvait-il pas attendre l’installation d’une nouvelle Assemblée pour faire passer sa loi comme lettre à la poste ?
En réalité, à y voir de plus près, le président de la République n’a fait que poser une équation difficile à résoudre aux députés de l’opposition. En effet, dans un contexte où la tension qui prévaut entre «sa coalition» et celle de BBY s’intensifie, la soumission au Parlement d’une telle loi va constituer un couteau à double tranchant pour Abdou Mbow, le président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakar (BBY), et ses camarades. Au cas où ce projet de loi passerait contre la volonté de la majorité parlementaire, cela signifierait qu’il y aurait eu des défections au sein des députés du groupe BBY puisque, à lui seul, le groupe Yewwi qui soutient l’actuel président de la République ne peut pas atteindre les 99 voix requises pour faire passer le projet de loi de dissolution. Si les 81 députés de Benno votent en bloc contre, le texte sera rejeté.
En tout cas, la dissolution du CESE et du HCCT serait un coup dur pour l’ancienne coalition au pouvoir qui verrait ainsi des centaines de ses responsables privés de salaires consistants et de multiples avantages. Fragilisés économiquement, il y a de fortes chances pour qu’ils transhument ! Ou, en tout cas, ne mouillent plus le maillot pour Benno.
Si, en revanche, la proposition de loi du Président est rejetée par les députés de Benno, ils courent alors le risque d’être vus par l’opinion comme étant peu soucieux de la rationalisation des dépenses publiques. Autrement dit, le refus de voter cette loiserait perçu comme une volonté de protéger les intérêts égoïstes d’une caste, celle des dignitaires de l’ancien régime, au détriment de l’intérêt général. Surtout que la dissolution des deux institutions va permettre à l’Etat de faire 15 milliards de francs d’économies.
En définitive, à part la gloire et le baroud d’honneur d’avoir rejeté la proposition de loi du chef de l’État, le camp de BBY ne peut pas tirer de dividendes d’un bras de fer avec l’Exécutif. A moins qu’il nous réserve un coup de génie politique pour résoudre la difficile équation que le Président Diomaye Faye vient de lui poser.
Le Pastef impose à l’opposition une équation qui compromet de fait la tenue de la DPG...
Contrairement à BBY, le parti au pouvoir, Pastef, n’a pas beaucoup à s’inquiéter à propos du vote ou du texte devant être soumis ce jour à l’Assemblée nationale. Au contraire, il pourra mesurer à cette occasion le rapport de forces au sein de l’hémicycle de la Place Soweto. Et, surtout, de tester ses capacités manœuvrières car de la manière ou il pourra, ou ne pourra pas, « retourner » des députés de Benno, notamment contre espèces sonnantes et trébuchantes, dépendra le succès (ou l’échec) de la proposition de loi du président de la République. En tout cas, lors de la séance plénière où le texte sera examiné, l’opportunité sera donnée au parti présidentiel, durant le vote à main levée, de se faire une idée nette sur la stratégie mise en place par ses principaux adversaires en vue des prochaines élections législatives. Ce, à une période où l’opposition est en train de travailler à la création d’un large pôle en vue d’imposer la cohabitation à l’actuel régime. Il s’agira en particulier pour Ousmane Sonko et ses partisans d’y voir plus clair dans le jeu d’entités comme Taxawu Dakar de Khalifa Sall mais aussi le PDS qui, depuis l’avènement de la nouvelle alternance, se prononcent très peu. Vont-ils saisir cette occasion pour sortir de leur mutisme et clarifier leurs positions ? En attendant donc la tenue de cette plénière très attendue, les différentes familles représentées dans l’hémicycle se concertent sans arrêt afin de mettre en place des stratégies gagnantes. Une chose est sûre : on devrait assister à une rude bataille de ruse entre les deux principales forces politiques du moment que sont l’Apr, d’une part, et Pastef, de l’autre. Chacune pouvant compter sur de nombreux alliés. Alors, qui des présidents Bassirou Diomaye Faye et Macky Sall remportera cette bataille par procuration qu’ils se mènent par députés interposés ? Faites vos jeux, rien ne va plus…