UN DÉLAI ÉLECTORAL IMPOSSIBLE ?
La décision présidentielle de dissoudre l'Assemblée et de convoquer des élections en moins de 70 jours bouscule le processus démocratique. Des voix s'élèvent pour alerter sur l'impossibilité de respecter certaines étapes cruciales du scrutin
Le président de la République a dissous le 11 septembre dernier l’Assemblée nationale avant de fixer des élections législatives anticipées au 17 novembre prochain. Toutefois, des experts électoraux sont sortis de leur réserve pour relever des contraintes de délai ; non sans inviter le chef de l’Etat à appeler à des concertations.
La tenue des élections législatives le 17 novembre 2024 est plus facile à dire qu’à faire. En tout cas, si l’on s’en tient à certaines analyses, cette décision impacte sur la conduite du processus électoral et impose l’adoption d’un nouveau calendrier des opérations préélectorales.
L’expert électoral Ndiaga Sylla renseigne d’ailleurs que la date de dépôt des listes de candidatures, fixée 85 jours avant le scrutin par le code électoral, ne peut plus être respectée. Il fait également état de l’impossibilité de remplir l'obligation liée au parrainage qui risque d'engendrer une centaine de candidatures.
Joint au téléphone par “L’AS”, le coordonnateur du pôle des non-alignés lors des dernières concertations sur le processus électoral, Déthié Faye, a indiqué que compte tenu de la non-conformité du Code électoral aux dispositions de la Constitution relatives aux élections anticipées, il ne sera pas possible de faire respecter le parrainage pour ces élections.
Selon lui, la Constitution impose en cas de dissolution de l’Assemblée nationale que les élections aient lieu au plus tôt en 60 jours et au plus tard en 90 jours. Or, précise-t-il, pour le parrainage, il faut le commencer à 150 jours du scrutin. “Vous comprenez que cela n’est pas conciliable. Nous nous retrouvons donc dans une situation où le parrainage est impossible”, déclare monsieur Faye.
Déthié Faye de marteler en plus qu’il se pose véritablement une question de délai. A l’en croire, il faut regretter que le chef de l’Etat ait fixé les élections à approximativement 65 jours après la dissolution du Parlement. Même s’il n’y a pas le parrainage, dit-il, il faut prendre en compte la constitution des dossiers, leur dépôt, la vérification, les contestations éventuelles, et la campagne électorale. “On peut ainsi dire, sans risque de se tromper, qu’on va vers un scrutin qui va s’organiser sur la base de la contestation. Il sera extrêmement difficile d’avoir un consensus sur les règles d’organisation de ce scrutin. Ce qui, pratiquement, depuis 1992, n’est plus arrivé au Sénégal”, a déclaré Déthié Faye.
Il estime dans la foulée que dès l’instant que la Constitution parle de 90 jours au maximum, c’est le Code électoral qui aurait dû avoir une disposition relative aux élections anticipées pour préciser ce qu’il y a lieu de faire. “Quand vous prenez l’exemple de la caution, le Code électoral prend en compte cette situation parce qu’il dit qu’en cas d’élections anticipées, c’est le montant de la caution précédente qui est reconduit”, a-t-il confié. Malheureusement, en ce qui concerne le parrainage, répète-t-il, le Code électoral est muet.
“C’est justement ce silence qui devrait imposer au gouvernement, avant d’aller plus loin, d’inviter à des concertations pour qu’un consensus soit trouvé sur la loi électorale. Faute de quoi, il est clair que nous allons vers des situations difficilement maîtrisables et ce serait dommage pour la démocratie sénégalaise”, a prévenu Déthié Faye.
Il appelle ainsi le président de la République à se mettre au-dessus de la mêlée pour que des solutions acceptables puissent être trouvées pour l’organisation de ce scrutin. Faute de quoi, dit-il, on pourrait considérer que ce qui est fait va dans le sens d’une remise en cause de la sincérité, de la fiabilité et de l’intégrité du processus électoral. “Le Sénégal ne peut pas se permettre d’opérer un tel recul démocratique”, a-t-il renchéri.