ALIOUNE MBAYE NDER JUBILE : 30 ANS DEJA !
Carrière, péripéties et avenir musical, Carrière, péripéties et avenir musical
Durant les mois d’octobre, novembre et décembre, l’artiste musicien Alioune Mbaye Nder va communier tous les samedis, à Thiossane, avec ses fans pour fêter ses 30 ans de carrière. C’est lors d’une séance de répétition que l’artiste a accordé un entretien à «L’as quotidien» pour faire un flash-back sur le chemin parcouru et toutes les difficultés rencontrées ainsi que les succès. Le musicien a aussi expliqué les causes de son long silence. Alioune Mbaye Nder invite les jeunes à écouter les titres «migration et courage», et aux politiques, il les exhorte à revisiter le titre «Positivez !».
Quel est le bilan que vous tirez de ce parcours artistique ?
Il est extrêmement positif. Je rends grâce à Dieu qui nous a prêté longue vie, ce n’est pas évident parce que le monde de la musique demande une certaine constance. En un mot, on rend grâce. Il n’y a rien à changer ni à corriger dans ce parcours parce que j’ai compris que non seulement c’est ma passion, mais également mon métier et qui dit métier se plie à ses règles et dans le cas de la musique, il faut être prêt à affronter tous les obstacles qui vont se dresser sur son chemin d’artiste.
Avec le recul, quels sont les conseils que vous avez pour les jeunes artistes ?
Il faut être patient et très méfiant parce que c’est un métier très vicieux. La patience, c’est parce que tu peux faire aujourd’hui un album qui ne va te rapporter ses fruits que 30 ans après, et c’est ce qui m’est arrivé personnellement. Il peut arriver également que ça marche au début...
Dans ce best off «30 ans...», le titre «Sey yi : les mariages», vous déplorez les divorces... quel est le problème des jeunes couples ?
Il y a trop de divorces. Je n’arrive pas à comprendre si c’est une question de mentalité, ou bien de responsabilité, ou si c’est par manque d’amour. C’est compliqué parce que le mariage, c’est sacré. Donc, il faut prendre le temps d’y voir plus clair avant de s’engager... Un mariage, c’est pour la vie. Ce qui fait que les mariages résistent à toutes les difficultés, c’est la sincérité des conjoints et l’amour. C’est les deux maîtres mots du fondement d’un foyer durable, ce n’est pas qu’une question de moyens financiers. Le mariage par intérêt n’a pas de bénéfice...
Le titre «africa» est un cri du cœur sur la situation du continent. Comment voyez-vous l'avenir de l’Afrique ?
Le constat est qu’il y a beaucoup de richesses et d’hommes de valeur. Mais la question que je me pose tout le temps, c’est : est-ce qu’il n’y a pas quelque part où nous sommes perdus ? Malgré les grands hommes du continent ainsi que des guides religieux, on ne parvient pas à sortir de la pauvreté. C’est quoi le problème ? Comment se fait-il que nos richesses qui sont exploitées, nous n’en bénéficions pas assez ; elles sont sources de tensions alors que la question que tous les africains doivent se poser c’est, comment développer le continent ? (...). Mais on ne sait pas c’est quoi le problème. Il faut creuser pour savoir où se situe le fond du problème.
Alioune Mbaye Nder avait fait une longue pause. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce silence musical ?
C’est difficile d’en parler. Mais pour dire de façon synthétique, c’est parce qu’on ne peut pas partager de la joie dans la tristesse. J’avais un proche qui vivait des moments difficiles alors que je ne pouvais pas en parler. Je l’ai vécu avec cette personne. C’est dire qu’en 30 ans de carrière musicale, il y a toutes sortes de péripéties. Cette personne était malade et avant de me quitter, elle m’a parlé, et c’est deux semaines après qu’elle est partie à jamais. Je lui avais fait une promesse par rapport à la musique et la famille. Elle m’a demandé de prendre soin de la famille et de poursuivre ma carrière. «Parce que je ne suis pas Dieu, et je ne peux pas réparer le monde» ; ce sont ses derniers mots.
Vous avez rendu hommage, dans l’album de 18 titres, à «Marième». Qu’est-ce qu’elle représentait dans votre carrière artistique ?
C’est beaucoup de choses. Une personne avec qui vous avez partagez 30 ans de vie commune. Elle m’a beaucoup apporté, m’a beaucoup soutenu et m’a permis d’évoluer personnellement... C’est elle qui m’a aidé à parfaire mon français et moi je lui ai appris à parler wolof. Et elle a compris que je suis un artiste...
Il y a aussi des titres cultes comme «Deureum yaye», «Serigne Mansour...». Comment s’est fait le choix ?
Le titre «Deureum Yaye» c’est en réalité, «Migration» le vrai titre ; c’est une chanson composée en 1992, et c’est une question d’actualité, l’immigration irrégulière. Je disais aux candidats à la migration que les efforts qu’ils déploient pour avoir de l’argent à l’extérieur, s’ils le déployaient sur leur terre d’origine, ils auraient de l’argent in situ... Il y a d’autres titres qui ne sont pas dans l’album comme «pansement, super thiof...». On va certainement revisiter le répertoire pour les 35 ans de parcours. C’est un répertoire qui m’a permis de tisser un lien avec les sénégalais qui ont porté le projet de Nder. Ceux qui ont aimé ma musique ont entre 30 et 35 ans, y compris les jeunes musiciens.
Vous avez invité dans l’album de jeunes artistes, notamment Waly Seck, Sidi Diop, Aïda Samb, Ngaaka Blindé, Momo Dieng. Est-ce un choix purement marketing ?
J’ai rendu à ces artistes un hommage. J’ai remarqué que les jeunes ont quelque chose d’Alioune Mbaye Nder. C’est parce que ce que j’ai travaillé il y a de cela 30 ans est une musique de qualité qui m’a permis d’être une référence pour de jeunes artistes. Ils sont devenus de grands artistes tout en faisant de Nder leur référence, c’est donc un acte de reconnaissance par rapport à ce que j’ai œuvré. C’est un rêve pour ses jeunes et un honneur pour moi de partager des morceaux avec ces jeunes artistes.
Comment était l’ambiance de studio ?
C’était fou et naturel. Ils me disaient : père chante, Papa chante, alors que je suis plus jeune qu’eux (éclat de rire).
Avec toute cette expérience, quelle est votre lecture de la scène musicale sénégalaise ?
J’ai remarqué qu’il y a quelques artistes qui se battent pour être constants. Seulement, un artiste professionnel doit avoir un plan de carrière. Il faut aussi avoir une vision et beaucoup d’ouvertures pour mieux exploiter son talent et vendre ses œuvres... Pour exporter sa musique, il faut avoir un bon staff professionnel. Il ne faut pas chercher que du buzz. J’ai aussi remarqué que le rythme prend le dessus sur les messages, c’est une bonne musique mais qui ne peut pas être durable. Ce n’est pas une musique de scène.
Qu’est-ce qu’il faut pour rendre effective l’industrie culturelle ?
Il faut que le gouvernement redouble d’efforts en élaborant de bonnes politiques culturelles. Il faut également pousser davantage pour avoir une industrie. Quand on parle de culture, on pense à Senghor qui a fait du Sénégal un pays culturel...Seulement, il n’y a pas une réelle contribution des institutions pour l’épanouissement des artistes. Les mélomanes doivent également acheter les produits des artistes et les soutenir via les plateformes. Il y a aussi le rôle de l’État sur les questions de redevances pour copie privée et la question du statut de l’artiste pour permettre aux artistes, créateurs et métiers connexes de vivre dignement de leur travail.
Quel est la suite de la carrière d’Alioune Mbaye Nder ?
C’est de poursuivre la série de concerts que j’ai démarrés à Thiès avec le maire de la ville, Dr Babacar Diop. La culture, la musique, le cinéma, les arts plastiques... ont un rôle important. Je vais voir les autres élus pour que les spectacles soient offerts au public gratuitement.
Quel est le message que vous avez à lancer ?
Aux jeunes, je demande d’écouter les morceaux, « ourage et migration» et aux politiques, j’invite de revisiter la chanson d’Alioune Mbaye Nder intitulée «Positivez !»