CES ANCIENS DIGNITAIRES EN QUÊTE D'IMMUNITÉ PARLEMENTAIRE
C'est l'avenir même de la gouvernance du pays qui se joue, opposant volonté de changement et tentatives de préservation du statu quo
Les uns ont eu à occuper des postes ministériels sous le régime du président Macky Sall, les autres étaient des directeurs de sociétés nationales ou hommes d’affaires très influents. Et la plupart d’entre eux furent des gestionnaires de deniers publics et ordonnateurs de dépenses épinglés par les audits des corps de contrôle de l’Etat. Forts d’une puissance financière et politique, beaucoup d’entre eux ont réussi à occuper de très bonnes places sur les listes de l’opposition dans l’espoir de faire élire députés. Autrement dit, ces puissants de l’ancien régime veulent obtenir une immunité parlementaire à tout prix !
Dans ce contexte politique anxiogène que vit le Sénégal, les élections législatives anticipées du 17 novembre prochain auront de multiples enjeux. Pour l’essentiel, malgré la quarantaine de listes validées par le ministère de l’Intérieur, trois gros blocs s’affronteront à cette occasion pour régler leurs différends sur trois enjeux clés. Le premier bloc est constitué par l’actuelle majorité présidentielle, avec comme locomotive Pastef contrainte à obtenir au moins la majorité absolue des députés pour faire adopter ses textes de loi afin de pouvoir mettre en œuvre ses réformes. Et surtout pour mettre en œuvre les grands projets et politiques de rupture que le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko avaient promis au peuple sénégalais. Le deuxième bloc est constitué par deux coalitions majeures dénommées Takku Wallu Sénégal et Jam Ak Njariñ. Elles sont respectivement dirigées par l’ancien président de la République Macky Sall et l’ex-Premier ministre Amadou Ba dont les listes constituent des lieux de refuge pour de nombreux dignitaires de l’ancien régime et députés sortants. Pour l’opposition c’est-àdire la « défunte » mouvance présidentielle sous la bannière de Bby, le mot d’ordre est d’obtenir au moins les 82 députés qu’elle avait dans la législature sortante sur un total de 165 à élire. Et pourquoi pas obtenir la majorité pour imposer une cohabitation au président de la République Bassirou Diomaye Faye ? Une majorité, une vraie synonyme de victoire de second tour de la présidentielle de 2024 qui leur permettra de dresser des cailloux d’obstruction des projets de loi du « Projet ».
C’est donc au moment où le bloc de la Restauration espère imposer une cohabitation à Pastef durant la prochaine législature que celui de la criminalité financière s’agite ! Un bloc composé d’anciens ministres, dignitaires, directeurs de sociétés nationales et hommes d’affaires du régime du président Macky Sall épinglés par les corps de contrôle de l’Etat pour détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux et enrichissement illicites. Pour tenter d’échapper à la reddition des comptes, ces faux opposants candidats à l’Assemblée nationale er vrais voleurs à col blanc n’ont trouvé mieux que d’aller squatter des places sur les listes de candidats aux élections législatives. Au lieu de s’engager à rembourser les deniers volés au détriment de la Nation ou d’aider le Pool judiciaire financier (Pjf) à attraper d’autres criminels à col blanc en utilisant leur expérience de voleurs professionnels, ils cherchent plutôt, en voulant devenir députés, à obtenir une éventuelle immunité parlementaire en guise de parapluie ou « para-Rebeuss ».
Tous égaux devant la loi !
M. Nd, un ancien magistrat de la Cour des Comptes, dit avoir ri sous cape après avoir débusqué de richissimes anciens ministres et hommes d’affaires de Macky Sall sur des listes nationales — les listes départementales, c’est pas du gâteau ! —aux prochaines législatives « Ils ignorent sans doute que l’immunité parlementaire ne peut pas être un bouclier efficace pour les protéger. Il est vrai que le mandat de député doit être préservé de toute contrainte extérieure à son exercice, et c’est le mandat seul qui est protégé et non le député en personne. Contrairement à ce que l’on croit souvent, il ne s’agit pas d’un privilège qui méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi, auquel l’opinion est si sensible aujourd’hui, car l’élu en tant que personne privée ne bénéficie d’aucune faveur en matière criminelle ou correctionnelle où il est soumis au droit commun comme tout citoyen. En tout cas, les magistrats du Pool judiciaire financier doivent savoir que le temps de la justice n’est pas celui de la politique. Aussi bien avant la campagne électorale, durant celle-ci ou après, ils peuvent déclencher l’action publique ou ouvrir des poursuites contre toute personne devant s’expliquer sur sa gestion » estime ce juge financier à la retraite.
Les élections législatives seront également une étape importante qui va déterminer les rapports de forces entre la mouvance présidentielle et l’opposition pour les cinq années à venir. Leurs résultats pourront aussi être considérés comme une enquête de moralité sur certains voleurs à col blanc désirant être…députés. Et à tout prix !