LA LEÇON DE DAKAR À L'AES
François Soudan oppose le panafricanisme authentique du Pastef au "néo-souverainisme belliqueux" des juntes. Pour le directeur de Jeune Afrique, le triomphe de Sonko-Faye démontre l'inanité des discours anti-démocratiques
(SenePlus) - Dans une analyse pour Jeune Afrique (JA), François Soudan décortique la signification du triomphe électoral du Pastef au Sénégal. Pour le directeur de la rédaction, cette victoire démocratique constitue un désaveu cinglant pour les régimes militaires de la région qui prétendent que les élections ne sont pas adaptées au continent africain.
"Contrairement aux militaires de Bamako, Niamey ou Ouagadougou, leur adhésion aux thèses panafricanistes ne relève pas de l'habillage opportuniste post-coup d'État", souligne François Soudan à propos des leaders du Pastef. Il rappelle que leur engagement a "été le carburant de luttes menées depuis des années au risque de leur liberté, avant de les conduire au pouvoir de la façon la plus difficile et la plus démocratique qui soit : portés par le suffrage populaire."
Le journaliste pointe le contraste saisissant avec les juntes de l'Alliance des États du Sahel qui, selon lui, "détournent à leur profit des notions et des convictions que nul ne leur connaissait auparavant, pour annihiler toute perspective électorale au nom d'un pseudo-culturalisme africain."
Pragmatisme versus populisme martial
L'éditorialiste met en lumière le pragmatisme du Pastef qui, malgré "une dose de populisme", comprend que les "immenses attentes soulevées par leur victoire seront impossibles à combler [...] sans le maintien d'une coopération équanime avec l'Europe." Une approche qui tranche avec ce qu'il qualifie de "néo-souverainisme belliqueux et communautariste" des juntes, caractérisé par un "culte viriliste de l'homme fort galonné" et "l'identification d'un bouc émissaire érigé en ennemi absolu : la France."
François Soudan dénonce particulièrement le rôle d'un "écosystème d'influenceurs en pâmoison" qui fait croire aux diasporas "qu'en soutenant le trio Goïta-Traoré-Tiani, elles rejouent les grands combats du siècle dernier contre le colonialisme et la ségrégation raciale."
Le directeur de la rédaction de JA souligne que "tant au Sénégal qu'au Mali, au Burkina Faso et au Niger, une grande partie de la jeunesse vit sa condition sur le mode d'un embargo décrété contre son avenir." Face à ce désarroi, il oppose deux réponses radicalement différentes : celle du Pastef qui "mise sur l'intelligence collective" et sur un "panafricanisme historique dont les trois piliers sont la démocratie, les droits humains et la justice pour tous", et celle des juntes qui propagent une "version toxique et frelatée" du panafricanisme, selon les termes d'Achille Mbembe qu'il cite.
Un nouveau leadership régional en perspective
Pour François Soudan, cette victoire démocratique représente "une bonne nouvelle pour une Cedeao en plein désarroi, au sein de laquelle le Sénégal est désormais en mesure d'assurer une forme de leadership politique débarrassé de tout soupçon d'influence extérieure." Il conclut son analyse par une comparaison cinglante, affirmant que les putschistes du Sahel sont "aux pères fondateurs du panafricanisme ce que les califes furent au Prophète : de pâles et parfois factices copies."