CRUES DRAMATIQUES
Des centaines de familles sont déplacées, des infrastructures détruites, et des terres agricoles dévastées. Face à cette catastrophe d'une ampleur sans précédent, les populations locales sont dépassées
Depuis le début du mois d'août, les importantes quantités d'eaux tombées dans le Nord du Sénégal accouplées aux eaux de ruissellement et à la crue du fleuve Sénégal, ont plongé les populations du Dandé Maayoo (bord du fleuve en peul) dans une tragédie. Dans cette zone riveraine du fleuve Sénégal, des crues exceptionnelles, jamais enregistrées depuis soixante-dix (70) ans, ont détruit des centaines d’habitations en poussant des centaines de ménages à l’exil. Dans ce chaos infernal, où des infrastructures publiques ont été touchées et des routes englouties, des centaines d’hectares de périmètres agricoles ont été dévastés par les eaux…Une calamité pour les résidents de cette contrée fortement éprouvés qui sont dépassés par les événements. Sud Quotidien a fait une immersion dans les crues exceptionnelles du Dande Maayoo ou l’ampleur des dégâts frôle la tragédie.
Des écoles sous les eaux. Des populations des villages de Gourel Samba Ndama et de Mboyo, à une vingtaine de kilomètres de Podor, ont été évacuées par l’armée. Dans le Dandé Maayoo Sud, où les crues du fleuve Sénégal, qui a débordé de son lit, continuent de dicter la loi, la situation a franchi les dimensions d’une calamité, aux regards des nombreux dégâts qui ont été enregistrés.
Odobéré, Dolol, Thiemping, Thialy, Belly Dialo, et plus haut Lobaly, Sangué, et d’autres villages, il s’agit d’une situation inédite qui laisse perplexe. Sur le registre de la catastrophe, on décompte des dizaines de maisons inondées et abandonnées par les habitants, des vivres et des récoltes engloutis et plusieurs hectares de périmètres rizicoles dévastés. Dans le village de Lobaly, où de nuit comme de jour, les populations luttent farouchement contre l’avancée des eaux de crue, on n’est pas loin de jeter l’éponge, en levant les bras vers le ciel, pour implorer la clémence divine. A côté du chef de village, le jeune Ifra qui, comme tous les bras valides du village, même les femmes et les jeunes filles, déclare que, les habitants n’en peuvent plus. « On ne peut retenir le fleuve avec ses bras. Avec les sacs que nous avons reçus de la sous- préfecture, nous avons construit des diguettes pour freiner l’eau. Malheureusement, c’est peine perdue, car l’eau a trouvé un autre passage pour inonder le village ». Cette situation qui montre les limites des populations, face à l’avancée de la crue, prévaut aussi dans les autres localités impactées.
Dans le Nord du Dandé Maayo, la situation n'est guère enviable. Les eaux de crues qui ont inondé des habitations, des champs rizicoles et des infrastructures publiques, ont occasionné la coupure des routes, des bretelles et des pistes, plongeant du coup, beaucoup de localités de cet axe dans un enclavement pernicieux. Après l’engloutissement du pont d’Oréfondé par les eaux, il est difficile pour les populations de Dandé Maayo Nord de rallier la route nationale 2 via la voie terrestre.
La seule possibilité demeure la voie fluviale à partir des pirogues artisanales sans aucune norme sécuritaire. Les populations de Thiasky, celles des deux Ndiaffane, comme leurs voisins de Sinthiou Boumack, Sylla Worgo, Gababé pécheur, Dial pécheur et peul,Diongto, SyllaDjonto, Sinthiou Diam Dior, rencontrent d’énormes difficultés pour sortir de leur village. En effet, il faut désormais passer par deux étapes. Le passager doit d'abord prendre un véhicule pour aller à Diownguel (lieu d'embarcation) avant de reprendre une autre pirogue pour Oréfondé sur la nationale 2. Subséquemment, le prix du transport est passé du simple au double au grand dam des usagers qui doivent débourser environ 5000 frs pour se déplacer.
Dans les villages de Sylla, Ndiogto et Sinthiou Diamdior toujours envahis par les eaux, la détresse continue d’étreindre les habitants. Une catastrophe, de l’avis du chef de village de Sinthiou Diamdior qui déclare : « Cela fait presque 70 ans, qu’une pareille crue du fleuve a été enregistrée dans la zone. Après avoir lutté contre l’avancée des eaux, nous sommes épuisés car l’onde de crue a anéanti tous nos efforts ». Dans la contrée, on vit désormais avec les eaux qui ont tout envahi, faisant des villages de Diongto, Sylla et Sinthiou Diamdior, de grands lacs, où les populations se déplacent à bord de pirogue pour rallier leur concession à défaut de braver les eaux tumultueuses.
DESAGREMENTS AUSSI A KIDIRA ET PODOR
Plusieurs localités riveraines des fleuves Sénégal et Gambie tout comme de la Falémé dans la région de Tambacounda, continuent de subir les affres de la montée des cours d’eau. Pourrappel, à Balou, Kidira et Aroundou, « les eaux qui sont allées au-delà des berges ont envahi les habitations et les pistes plongeant ainsi les localités dans l’isolement total ». Le maire de Ballou, Cheikhna Camara, alertait que « Beaucoup de villages de la commune de Ballou à savoir : Golmy, Koughany, Yafera,Aroundou et le chef-lieu de commune, Ballou, et des quartiers de la commune de Kidira (Bakel) sont envahis par les eaux ».
Dans la commune de Ballou, où on n’a pas connu pareils débordements, depuis 1955, « le trop plein d’eau est à l’origine d’énormes dégâts et de sinistrés dans des villages, où les habitants se déplacent à bord de pirogue à défaut de patauger dans les eaux ».
Dans la commune de Kidira située à quelques kilomètres de la ville de Bakel (chef-lieu du département éponyme), c’est la Falémé, un principal affluent du fleuve Sénégal qui, sorti de son lit, a inondé plusieurs quartiers situés le long des berges, rendant du coup impraticable le tronçon routier Tambacounda- Kidira, de la RN1 .
EFFONDREMENT DE MAISONS EN BANCO FAIT TROIS MORTS ET DES BLESSÉS
Dans ce tumulte, le département de Podor n’est pas bien loti. Dans la circonscription, on dénombre déjà plusieurs localités qui sont fortement éprouvées. Les eaux fluviales ont envahi des périmètres agricoles et des concessions à Guéde village, poussant ainsi des familles entières à abandonner leurs habitations.
Dans la commune de Madina Ndiathbe, à Dounguel, des informations font état « de la mort de trois enfants et de plusieurs blessés, à cause de effondrement de bâtiments en banco, suite aux pluies enregistrées dans la nuit du mercredi ».
« L’ALERTE PRECOCE AURAIT DU ETRE SUIVIE D’ACTIONS IMMEDIATES… » (EXPERT)
Le professeur Cheikh Mbow, directeur général du Centre de suivi écologique, a livré une analyse approfondie des récentes crues du fleuve Sénégal et des dommages qu’elles ont causés, lit-on, dans un article paru à Seneweb hier 17 octobre. Selon lui, les autorités auraient pu anticiper et gérer la situation de manière plus efficace. Malgré l’annonce par le gouvernement d’une enveloppe de huit milliards de francs CFA pour soutenir les sinistrés, il estime que les préparatifs ont été insuffisants. « L’alerte précoce aurait dû être suivie d’actions immédiates. Nous avions vu venir cette situation. En août et début septembre, les alertes montraient que le fleuve allait déborder et des plans de contingence et d’intervention auraient dû être mis en place », annonce la source qui s’appuie sur la déclaration du professeur [lors d’une intervention à la Radio Sénégal internationale (RSI)].
Le Pr. Mbow insiste également sur l'importance de préparer l’après-crue pour permettre aux populations de reprendre rapidement leurs activités économiques. « Il est essentiel d’investir dans de bonnes semences et de permettre la culture de plusieurs récoltes afin de compenser les pertes subies », a-t-il précisé. Il soutient que l'investissement dans l'agriculture post-crise est crucial pour assurer une reprise économique rapide.
Pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent à l’avenir, l'expert préconise un recasement rapide des populations touchées et une anticipation accrue des besoins humanitaires. « On doit anticiper en identifiant les sites de recasement et en prépositionnant des vivres pour éviter de tâtonner lorsque la crise éclate», a-t-il expliqué, soulignant la nécessité d'une réponse proactive pour atténuer les impacts des futures crues..
Pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent à l’avenir, l'expert préconise un recasement rapide des populations touchées et une anticipation accrue des besoins humanitaires. « On doit anticiper en identifiant les sites de recasement et en prépositionnant des vivres pour éviter de tâtonner lorsque la crise éclate», a-t-il expliqué, soulignant la nécessité d'une réponse proactive pour atténuer les impacts des futures crues.
En matière de solutions à long terme, le Pr. Mbow recommande un aménagement plus adapté du fleuve Sénégal pour réduire les risques de débordement. Il propose de développer de vastes zones rizicoles dans des régions comme Bakel et Ourossogui, afin de canaliser l’excédent d’eau et de le mettre au service de l’agriculture. Cette approche permettrait à la fois de limiter les inondations et de promouvoir le développement économique local. Cet appel à l’action rapide et à l’adaptation à long terme met en lumière la nécessité pour les autorités de mieux anticiper les risques climatiques et de renforcer la résilience des populations riveraines du fleuve Sénégal.