LES GROSSIÈRES ERREURS DU FMI
Ndongo Samba Sylla et Peter Doyl pointent des projections d'inflation qui défient non seulement la logique mais aussi l'histoire économique du pays. Une situation qui pourrait avoir des répercussions dramatiques sur l'économie nationale
Pour l'économiste Ndongo Samba Sylla, les prévisions du Fonds monétaire international (Fmi) sur le Sénégal comportent de grossières erreurs. Dans un article co-écrit avec l'économiste américain Peter Doyl, Dr Sylla pense que ces erreurs d'analyse du Fmi peuvent avoir des conséquences dévastatrices pour l'économiste sénégalaise.
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale sont revenus au-devant de la scène au Sénégal. Mais Dr Ndongo Samba Sylla souhaite attirer l’attention des autorités sénégalaises sur les «erreurs grossières» de ces institutions de Bretton Woods. «Nous souhaitons attirer l'attention sur les erreurs grossières dans les projections du FMI pour le Sénégal, notamment en ce qui concerne l'inflation», soutient l'économiste du développement dans l'article co-écrit avec l'économiste américain Peter Doyl avant d'ajouter : «Comme le montre la base de données du WEO, le FMI prévoit un taux d'inflation moyen d'environ 2% chaque année entre 2025 et 2029. Ces estimations sont globalement conformes à la version d'avril 2024 du WEO bien qu'elles puissent être considérées comme optimistes pour la période 2024-2026, compte tenu de la réduction attendue des subventions à l'énergie».
Cependant, note-t-il, jusque-là, les récentes projections du FMI concernant l'inflation en fin de période sont tout simplement impossibles. Le WEO d'octobre 2024, renseigne Dr Sylla, prévoit une inflation en fin de période de -13,4% en 2025 et de 41,9% en 2026. «Ces projections ne reposent sur aucune base logique ou factuelle. Elles contredisent même les propres projections du FMI concernant l'inflation annuelle moyenne pour les années 2025 et 2026», alerte l'ancien chargé de programme à la Fondation Rosa Luxembourg.
À l'en croire, en effet, la seule fois où l'inflation en fin de période a atteint plus de 20%, c'était en 1994. «L'année où le franc CFA a été dévalué de 50% par rapport au franc français. L'inflation de fin de période s'est élevée à 37,5% au cours de cette année exceptionnelle. Et même alors, le taux d'inflation de fin de période de l’année précédente, c’est-à-dire 1993, n'était certainement pas un nombre négatif au-delà de 10%», précise le chercheur. Connu pour son combat contre l'agenda dit néolibéral, il trouve que des erreurs aussi flagrantes de la part du FMI pour le Sénégal, dans son analyse la plus récente et la plus en vue, sont très préoccupantes. Il craint dans ce cas qu'il existe un risque évident d'imposer au Sénégal des conditionnalités inappropriées.
Et de son avis, il ne s'agit pas d'un risque théorique. Des erreurs, insiste-t-il, dans les conditionnalités résultant d'erreurs de calcul du FMI ont été constatées récemment dans d'autres programmes du FMI en Afrique. Y compris, d'après lui, dans la dernière revue du programme du FMI pour le Kenya. Interpellant le FMI, Dr Ndongo Samba Syllla déclare : «Il est essentiel, ne serait ce que par respect pour la souveraineté de ses pays membres, que le FMI s'assure que ses projections répondent aux normes professionnelles les plus élevées. Dans le cas des projections d'inflation au Sénégal, à l'heure actuelle, cette exigence n'est tout simplement pas respectée.»