MAMADOU MOUSTAPHA BA BOSQUIER, L’ESTHÈTE DES FINANCES PUBLIQUES ET DU FOOT
De toutes les disparitions, c’est celle de Bosquier qui m’a arraché le plus de sanglots, que je n’ai pas versés depuis la mort de mon père en 1987. J’ai encore grand mal à accepter ce décret divin, logique implacable de notre finitude
Le digne de louanges, l’élu, l’almamy et le décisif. Cette pluralité élogieuse et hommagée était la singularité de Mamadou Moustapha Bâ, homonyme de la référence absolue pour tout musulman, descendant de Maba Diakhou et terreur des équipes de football adversaires du Prytanée militaire de Saint-Louis.
Je pleure rarement les morts, et Dieu sait si j’ai perdu trois êtres chers en cette année 2024 finissante (une tante paternelle, Grand Baba Diao et ma grand-mère maternelle adorée). De toutes ces disparitions, c’est celle de «Bosquier» qui m’a arraché le plus de sanglots, que je n’ai pas versés depuis la mort de mon père en 1987. J’ai encore grand mal à accepter ce décret divin, logique implacable de notre finitude. Je savais «Bosquier» certes malade, mais pas au point d’être ravi à notre affection, à 59 ans. Au contraire, je le voyais embrasser une belle carrière à l’international, au Fmi, à la Banque mondiale, à l’Union européenne ou à l’Uemoa pour le dernier tournant de sa carrière professionnelle. Hélas !
Allah ne dit-il pas aux versets 155,156 et 157 de la sourate Baqara(La vache) du Coran :
«Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais bonne annonce aux endurants, ceux qui disent, quand un malheur les atteint : «Certes nous sommes à Allah, et c’est à Lui que nous retournerons.» Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde ; ceux-là sont les biens guidés. »
Des passages cultes communément rappelés lors des tristes moments de notre fugace vie terrestre. Ils nous permettent autant que possible de garder la foi et de gagner en résilience. Je les complète par les versets 27 à 30, les derniers de la sourate Al fadjri (L’aube), ceux du réconfort et de l’espoir pour Moustapha Bâ : «Ô toi âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée ; entre donc parmi mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis.»
Allah étant Tout Miséricordieux et Très Miséricordieux, j’ai espoir que mon jeune frère, mon Bleu au Prytanée militaire de SaintLouis, rejoigne, bienheureux, le Paradis.
J’ai connu «Bosquier» en octobre 1977 lorsqu’il faisait son entrée dans ce lycée-internat militaire d’exception, en même temps que l’actuel Cemga, le Général Mbaye Cissé, et l’inspecteur des impôts et domaines Cheikh Bâ, autres monstres sacrés de la Promo 77. J’y étais alors en classe de 4e. Nous y avons partagé les mêmes convictions idéologiques adossées au marxisme-léninisme et à la pensée de Mao Tsé Toung. Temps de romantisme révolutionnaire et d’ingénuité. Ce qu’il rappelait d’ailleurs au Président Macky Sall à l’occasion de la célébration du centenaire du Prytanée militaire de Saint-Louis en février 2023 à Bango, en présence des Anciens Serigne Mbaye Thiam, Émile Diouf, Meïssa Sellé Ndiaye et de mon promo Yoro Bâ.
Homme de gauche, d’engagement et de grande conviction, partageant tout, «Bosquier», le joueur décisif qui marquait le dernier penalty de l’équipe du Prytanée, à l’instar de Oumar Ndiaye «Bosquier» de l’Equipe nationale du Sénégal, un après-midi de Zaïre-Sénégal à Kinshasa, avait une âme profondément altruiste, généreuse... Constant, il est resté le même, les ors et lambris du pouvoir n’ayant jamais érodé sa bonne humeur communicative, sa fidélité en amitié, sa gentillesse naturelle, sa générosité sans limite. Ses amis, ses Anciens sont restés les mêmes, jusqu’à son dernier souffle. Moustapha Lô, son meilleur ami et promo à Bango, ne me démentira pas.
Le Directeur du Budget puis le ministre des Finances et du Budget qu’il est devenu ces douze dernières années ne l’ont point métamorphosé, ni rendu son caractère réversible. Au contraire, ces fonctions-là ont laissé authentique, vrai, sans artifice, voire même candide sur l’humain, l’esthète des chiffres et des finances publiques si rébarbatifs, et qu’il savait rendre si digestes et si beaux, même aux non initiés. Ne dit-on pas que la vraie intelligence, c’est de rendre simples les choses les plus complexes ?Comme l’a si magistralement écrit Wole Soyinka dans son dernier roman «Chroniques du pays des gens les plus heureux du monde» à l’endroit de son ami Femi Johnson, c’était «un être humain absolument complet, et spécimen rare de joie de vivre créatrice.» Pragmatique, «Bosquier» avait solution immédiate à presque toutes les sollicitations.
Son antre de l’immeuble Peytavin était l’un des rares bureaux ministériels que je fréquentais ces dix dernières années. Il vous recevrait vingt fois, il vous sourirait vingt fois, d’un grand éclat de rire contagieux et naturel. Il y a quatre semaines, je donnais sa fille adoptive, ma nièce Hawa Talla qu’il a élevée comme sa propre fille, en mariage. Hélas, la maladie, cette grande empêcheuse de vivre en paix, l’avait éloigné du Sénégal.
Il ne nous reste plus qu’à prier pour le repos éternel de son âme au plus élevé des paradis célestes et qu’Allah donne à sa tendre et courageuse épouse, Yacine Sall, la résilience nécessaire pour supporter cette terrible épreuve. Amine
Ton Ancien,
Mamadou Thierno TALLA,
Promo 75 du Prytanee militaire de Saint-Louis