TABLEAU SOMBRE DU TRAVAIL DOMESTIQUE
La situation des Travailleurs domestiques (Td) est préoccupante. Malgré les efforts des différents Etats, ils vivent dans une précarité absolue. Leurs droits économiques, sociaux et culturels sont quotidiennement foulés aux pieds.
En Afrique de l’Ouest, le travail domestique demeure informel. Malgré les cadres juridiques internationaux pour encadrer le secteur, les travailleurs domestiques vivent dans une précarité absolue. La plupart n’ont ni accès à des contrats ni à la protection sociale dans le cadre de leur travail, selon une étude menée par le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cradesc), avec l’appui de la Fondation pour une société juste (Fjs).
La situation des Travailleurs domestiques (Td) est préoccupante. Malgré les efforts des différents Etats, ils vivent dans une précarité absolue. Leurs droits économiques, sociaux et culturels sont quotidiennement foulés aux pieds.
«Plus de 85% des Td n’ont pas de contrat écrit en bonne et due forme. Plus de 85% ne perçoivent même pas l’équivalent du Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Ils gagnent moins de 27 200 francs Cfa par mois. Beaucoup ne bénéficient pas de congés payés ni d’indemnités de licenciement, et travaillent plus de 8 heures par jour. La quasi-totalité n’est pas déclarée à la Sécurité sociale. Sans allègements de travail, les femmes sont souvent victimes de licenciements durant la grossesse», révèle une étude menée par le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cradesc), avec l’appui de la Fondation pour une société juste (Fjs).
Laquelle a pour objectif de «documenter les violations des droits économiques sociaux et culturels des travailleurs domestiques, et évaluer l’efficacité des appuis dont ils bénéficient en vue de renforcer le plaidoyer visant leur protection et leur émancipation économique, et de contribuer à la réduction de la vulnérabilité».
Les résultats de cette étude qui ont été présentés la semaine dernière, font ainsi état de «9, 6 millions de Td en Afrique dont 6, 6 millions de femmes, soit 68, 4% de cette main-d’œuvre informelle (Oit, 2021)».
La majorité des travailleurs domestiques est âgée de 15 à 25 ans. Le niveau d’instruction est faible, avec moins de 2% des Td ayant fait des études supérieures. La majorité n’a pas dépassé le primaire. Les Td sont en majorité célibataires. On retrouve aussi des femmes mariées dans le secteur. Plus de 70% des Td trouvent un emploi par voie informelle, selon l’étude.
Violences subies par les Td
Dans les pays de la sous-région, il a été aussi noté une forte présence des femmes dans le secteur. Au Bénin par exemple, les travailleuses représentent 84, 27% en 2011, au Togo 80, 29% en 2017, en Mauritanie 68, 52% en 2017 et en Gambie 48, 08% en 2018 (Oit 2022).
Entre 50% et 90% des Td subissent des violences, principalement verbales. Prévalence particulièrement élevée chez les filles (mineures). Plus de 90% des victimes ne sont pas syndiqués, restreignant l’accès à la Justice.
Les femmes sont également confrontées à des Violences basées sur le genre (Vbg). Et pour y faire face, elles se tournent principalement vers leurs proches pour obtenir un soutien. Les conflits avec les employeurs sont souvent résolus par des mécanismes non juridictionnels, laissant de nombreux cas non résolus et des niveaux de satisfaction variables.
Faible ratification de la Convention 189 de l’Oit
Pour la directrice du Cradesc, ces violations peuvent être imputables à «l’absence de contrôle de la part quasiment des inspections du Travail qui devraient être activées par nos gouvernements en vue de protéger les travailleurs domestiques». En effet, indique Dr Fatimata Diallo, «le travail domestique est un travail à part entière qu’il faut encadrer». La directrice du Cradesc relève également «une faible ratification de la Convention 189 de l’Organisation internationale du travail (Oit) sur le continent africain». Cette convention promeut le renforcement de la protection des travailleurs.
«Les gouvernements hésitent à ratifier un certain nombre de conventions, parce que cela leur impose un certain nombre d’obligations, et ça pose problème. Il faut vraiment une réelle volonté politique pour qu’on change cette situation», considère Mme Diallo.
En Afrique de l’Ouest, seule la République de Guinée l’a ratifiée. Mais, souligne Mme Diallo, «la Guinée n’arrive pas encore à donner le traitement le plus approprié à ces travailleurs domestiques».
Pour un pays comme le Sénégal, renseigne-t-elle, «la question de la ratification de la Convention 189 a été agitée dans les années 2011, en Côte d’Ivoire, ça a été agité dans les années 2015. Au Bénin, c’est une actualité assez intéressante en raison du travail que font les syndicats et les autres acteurs de la Société civile. Lors de nos interventions, nous avons eu la garantie que le gouvernement va procéder à la ratification de la Convention 189. Au Sénégal, c’est un débat qu’il faut réactualiser, et c’est l’enjeu de ces interventions dans les différents pays. Le travail des syndicats et des organisations de la Société civile doit être renforcé pour qu’on arrive à avoir une ratification de la Convention 189. La ratification c’est une chose, l’application c’est une autre chose. Il faut qu’on mette en place les mécanismes nécessaires, qu’on renforce les inspections du Travail, qu’on sensibilise davantage les patronats. Nous tous, nous sommes d’une certaine manière membres du patronat, parce que la plupart des gens ont des travailleurs domestiques dans leur foyer. Il faut davantage une sensibilisation pour que tous les acteurs, toute la société d’une manière générale, puissent être sensibles à leurs conditions».
Pour rappel, cette étude a été menée dans le cadre de la mise en œuvre du Projet d’appui stratégique aux travailleuses domestiques. Le Pastdom a été initié pour contribuer à la production de nouvelles connaissances sur le travail domestique. Car, expliquent les chercheurs, «ce secteur reste largement sous-exploré et n’est pas suffisamment pris en compte dans les priorités du monde scientifique et de la recherche. Cette absence d’attention contribue à la persistance des problématiques auxquelles les travailleurs domestiques sont confrontés.
En outre, le manque persistant de protection légale et adaptée à la réalité du travail domestique, la faiblesse des mécanismes de mise en œuvre des lois existantes dans les pays africains, en particulier en Afrique de l’Ouest, et le besoin de renforcer l’organisation et les intérêts des travailleurs domestiques constituent des défis majeurs».
Au cours des deux premières phases d’exécution (2021 et 2024), le projet a, d’après le Cradesc, «contribué à renforcer la mobilisation des acteurs-clés en créant des plateformes multi-acteurs et à documenter les cas de violation, les mécanismes de protection existants pour mieux défendre leurs droits socio-économiques et culturels»
Pr Amsatou Sow Sidibé, présidente de la Cndh : «LES TRAVAILLEURS DOMESTIQUES MERITENT UNE ATTENTION PARTICULIERE»
«Les travailleurs domestiques représentent une part significative de la main-d’œuvre informelle, avec une majorité de femmes évoluant dans des conditions précaires et souvent sans protection sociale ni garantie de leurs droits fondamentaux. Les travailleurs domestiques méritent une attention particulière. Ce sont des personnes que l’on peut classer parmi les personnes vulnérables. Et alors le contexte, il faut le préciser. C’est l’Afrique qui compte environ 9, 6 millions de travailleurs domestiques dont 68% sont des femmes, et ce sont des femmes qui sont exposées à une double vulnérabilité ; d’abord parce qu’elles travaillent avec un statut d’informel et ensuite elles sont isolées géographiquement et socialement. Elles quittent leurs familles pour venir dans les grandes villes. Le Projet d’appui stratégique aux travailleuses domestiques (Pastdom) nous a fourni des données essentielles qui montrent que malgré les engagements internationaux, la mise en œuvre des mécanismes de protection pour ces travailleurs reste très insuffisante. Alors que quand on cite la Convention 189 de l’Oit, qui demande le renforcement de la protection des travailleurs, nous nous rendons compte que cette Convention 189 n’est presque pas ratifiée par les Etats. Les Etats qui l’ont ratifiée sont exceptionnels. En tant qu’Institution nationale des droits de l’Homme (Indh), notre rôle est d’assurer la promotion et la protection des droits de tous sans exception, y compris les droits des travailleurs domestiques. Nous devons nous engager ensemble (Indh) à leur offrir un environnement de travail digne, sûr et respectueux de leurs droits. Le rôle des Indh est essentiel pour assurer l’éducation des parties prenantes sur le caractère fondamental de la protection et de la promotion des travailleurs domestiques. Les Indh militent en général pour l’adoption, la réforme et la mise en œuvre de lois nationales spécifiques qui protègent les travailleurs domestiques. Elles plaident pour que les pays ratifient et appliquent la Convention 189 qui concerne les travailleurs domestiques et qui établit des normes minimales de protection et de droits pour ces travailleurs.»