COP29 : UN PROGRÈS APPARENT, MAIS UN SYSTÈME À REPENSER
L'universalisme actuel, fondé sur des rapports de force déséquilibrés, doit être remplacé par un multilatéralisme inclusif, équitable et respectueux des différences
La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP29) qui s'est déroulée au cours des deux semaines précédentes à Bakou en Azerbaïdjan s'est conclue avec l'adoption, entre autres, de nouveaux engagements financiers pour les pays en développement, marquant une avancée notable sur le papier. Le triplement des financements publics pour atteindre 300 milliards de dollars à partir de sources publiques par an d'ici 2035, ainsi que l'ambition d'accumuler 1300 milliards de dollars US par an à partir de sources publiques et privées, sont salués comme des victoires.
300 milliards en 2025 vaudraient 210 milliards en 2035
Bien que les 300 milliards de dollars par an sur une période de 10 ans représentent une avancée sans précédent le financement climatique, il faut souligner qu'en 2035 ce montant n'aura pas la même valeur qu'en 2025 en raison de l'inflation projetée. Par exemple avec une inflation de 3%, les 100 milliards de dollars qui auraient été déjà débloqués dans le cadre de l'accord précédent en 2020, auront en 2035, le même pouvoir d'achat que 155 milliards de dollars, avec un taux d'inflation annuel modeste de 3%. Selon le site Bloomberg, avec un risque d'inflation plus élevé, 300 milliards de dollars en 2035 pourraient ne même pas doubler, à plus forte raison tripler le montant du financement climatique reçu par les pays en développement aujourd'hui.
Le triplement tant loué ne l'est donc que pour 2025; En effet, chaque année qui passe, il faut soustraire 9 milliards de ce montant du fait de l'inflation.
Par ailleurs, au-delà de ce grand montant, l'on peut s'interroger sur la qualité du processus ayant abouti aux engagements dans les négociations climatiques, comme d'ailleurs dans d'autres négociations internationales ainsi que sur leur effectivité. Bref, la question du caractère démocratique du processus et de certaines décisions qui en sortent reste entière.
Des négociations climatiques : un cercle vicieux ?
Les dialogues multilatéraux sur le climat, malgré quelques progrès indéniables, semblent souvent prisonniers d'une mécanique de compromis éternel, où chaque pas en avant est suivi d'attentes frustrantes. Faut-il pour autant les abandonner ? Laisser la planète s'emballer sous le poids de l'inaction ? Ou continuer à participer à un cirque hypocrite qui dissimule les vrais enjeux derrière des accords de façade ?
Le cœur du problème réside dans la réticence persistante des grandes puissances, principales responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre, à assumer leur rôle. Les discours sur la transition énergétique et les promesses de financement sont souvent contrecarrés par une absence de volonté réelle de transférer des ressources financières et des technologies aux pays du Sud, ceux-là mêmes qui subissent les pires impacts climatiques.
Un universalisme impérialiste à combattre
Ces négociations, il faut le rappeler, s'inscrivent dans un cadre plus large, celui d'un universalisme vertical et impérialiste. Les normes, les priorités et les visions de l'Occident continuent d'être imposées au reste du monde, créant une asymétrie flagrante dans les décisions et les responsabilités. Cette domination des valeurs occidentales ignore les besoins, les priorités et les visions des peuples du Sud, réduisant ainsi le multilatéralisme à un outil de contrôle plutôt qu'à un espace d'inclusion et de justice.
Si les négociations sur le climat doivent réellement servir à construire un avenir durable, il est impératif de renverser ce modèle. L'universalisme actuel, fondé sur des rapports de force déséquilibrés, doit être remplacé par un multilatéralisme inclusif, équitable et respectueux des différences.
Le besoin d'une alternative radicale
Ce qui frappe, c'est l'aliénation collective dans laquelle nous sommes plongés. Nous avons été conditionnés à célébrer des miettes comme des victoires historiques. Pourtant, des alternatives existent. Enda Tiers Monde et d'autres organisations engagées depuis des décennies nous rappellent qu'un autre chemin est possible. Il ne s'agit pas seulement d'obtenir plus de financement, mais de repenser les structures mêmes de ces négociations pour sortir de cette impasse hypocrite.
La solution ne réside pas dans des réformes mineures mais dans un réveil collectif. Ce réveil doit venir de ceux qui comprennent que les enjeux climatiques ne se résument pas à des objectifs chiffrés, mais touchent aux fondements mêmes des systèmes économiques, financiers et politiques mondiaux.
Vers un multilatéralisme inclusif
L'urgence est de susciter un vaste mouvement mondial capable de remettre en question les fondements actuels des négociations climatiques. Ce mouvement doit œuvrer à l'établissement d'un multilatéralisme inclusif, où chaque pays, chaque peuple, et chaque voix auront un poids égal. Ce n'est qu'en enterrant l'universalisme vertical et en construisant un système basé sur la coopération et la justice climatique que nous pourrons espérer des avancées significatives.
Un chemin à tracer. La COP29 aura marqué une étape, mais le véritable défi reste entier. La planète ne peut plus attendre, et les populations les plus vulnérables ne peuvent plus subir. Il est temps de transformer ces dialogues en véritables actes de justice, portés par un mouvement inclusif et mondial, qui fera enfin passer l'humanité avant les intérêts étroits des grandes puissances.
Koor Mayé est Docteur en géographie, Spécialiste en planification, financement et gestion du développement sobre en carbone et résilient au changement climatique.