LE REQUISITOIRE QUI CONFORTE UNE DISPARITION INQUIÉTANTE DANS L’AFFAIRE DIDIER BADJI ET FULBERT SAMBOU
Le ministre de la Justice Ousmane Diagne, rompu aux affaires criminelles, promet que toute la lumière sera faite sur le sort de deux disparus. Ses paroles, évoquant "commanditaires" et "exécutants", laissent entrevoir une affaire d'État
Samedi dernier, l’affaire des deux sous-officiers des forces armées Didier Badji et Fulbert Sambou s’est invitée lors de la plénière à l’Assemblée nationale. Suite à une question orale, le ministre de la Justice Ousmane Diagne a rigoureusement déclaré que toute la lumière sera faite sur cette affaire. « Et les commanditaires et les exécutants de cette ignoble besogne vont répondre de leurs actes de la façon la plus rigoureuse » a rassuré l’intraitable ancien procureur de la République, un juriste chevronné et expérimenté en matière d’instruction criminelle. Donc sa déclaration sonne comme un réquisitoire qui conforte une disparition inquiétante.
Courant 2022, deux sous-officiers Fulbert Sambou (Gendarmerie) et Didier Badji (Armée) demeurent subitement introuvables. Au lendemain de cette disparition et sur la base des premiers éléments de l’enquête menée par la Brigade prévôtale de la gendarmerie, « Le Témoin » quotidien croyait à l’hypothèse d’une partie de pêche ayant mal tourné dans les rochers hostiles du Cap Manuel à Dakar. Et jusqu’à la preuve du contraire, nous étions convaincus que les deux militaires Fulbert Sambou et Didier Badji ont disparu en mer même si certains véhiculaient à l’époque l’hypothèse d’un assassinat d’État camouflé en noyade accidentelle. Evidemment, « Le Témoin » ne pouvait pas croire à un assassinat dès lors que les deux militaires étaient des sous-officiers subalternes. Ils n’étaient ni des chefs de corps, ni des commandants d’unité d’élite ayant une influence stratégique et opérationnelle susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’État. Donc que gagnerait la Sureté de l’Etat de Macky Sall en liquidant physiquement les deux pauvres soldats ? Peut-être semer la peur et la terreur dans le camp de l’opposition pour mieux traduire la volonté du « Chef » de briguer un troisième mandat. Toujours est-il qu’à un moment donné, le spectre « Pastef » hantait le président Macky Sall au point d’installer le pays dans un climat de barbarie (fusillade, enlèvement, torture, séquestration suivis de mort, répression policière, arrestation massive etc). Des actes de monstruosité et d’horreur tragique qui avaient plongé le Sénégal dansle passé guinéen de Sékou Touré. Hélas ! C’est dans cette atmosphère de répression violente et aveugle que Fulbert Sambou et Didier Sambou ont mystérieusement disparu dans des conditions non encore élucidées.
Lors de la séance plénière consacrée au vote des deux projets de loi portant suppression du Hcct et du Cese, l’affaire Didier Badji et Fulbert Samba s’est invitée dans l’hémicycle. Face aux députés, le ministre de la Justice ministre Ousmane Diagne n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. D’abord, il a tenu à rappeler que le temps de la justice n’est pas celui de la politique. « Il a été ouvert une information de recherche sur la cause de leur mort. Ainsi, l’affaire est en cours d’instruction. Je peux vous indiquer que c’est une question prioritaire. Il va falloir déterminer les conditions dans lesquelles ces deux militaires Fulbert Sambou et Didier Badji ont disparu et faire preuve de la même détermination pour que tous les commanditaires et les exécutants de cette ignoble besogne puissent répondre de leurs actes de la façon la plusrigoureuse », a rassuré le garde des Sceaux.
L’effroi général !
Après avoir longuement observé et regardé le ministre Ousmane Diagne parler aux députés, la plupart des observateurs et juristes avertis ont mis de côté son statut de ministre de la Justice. Et place à Ousmane Diagne, l’homme de droit c’est-à-dire à l’ancien doyen des juges d’instruction et ex : procureur de la République. Donc un juriste voire un magistrat expérimenté et chevronné en matière d’instruction criminelle. Donc si c’est le « procureur » Ousmane Diagne qui vous dit que toute la lumière sera faite sur les conditions dans lesquelles Fulbert Sambou et Didier Badji ont disparu, il faut le croire ! En effet, sa déclaration sonne comme un réquisitoire à charge qui conforte une disparition inquiétante. Oui, la disparition de ces deux militaires ne pouvait etre autrement. Les pénalistes vous le diront, la qualification d’une disparition inquiétante relève du statut de la personne disparue ou des circonstances de sa disparition. Ainsi, la barbarie qu’exerçait le régime de l’Apr de Macky Sall suffit comme indices graves ou concordants que la disparition est inquiétante c’est-à-dire non accidentelle. Pire, l’affaire n’a jamais été élucidée. Ce qui justifie les conséquences funestes dans un Etat de droit comme le Sénégal où la « mort » de ces deux valeurs soldats continue toujours de susciter l’effroi général.
A l’époque, un communiqué…laconique !
Rappelons-le, courant 2022, les sous-officiers Fulbert Sambou ( Gendarmerie) et Didier Badji (Armée) sont portés disparus. Officiellement, il s’agirait d’une partie de pêche ayant mal tourné.
Dans un communiqué, le procureur de la République d’alors Amadou Diouf indiquait que le Parquet du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar avait ouvert une enquête judiciaire confiée à la Brigade prévôtale de la Gendarmerie nationale à la suite de la disparition de l’Adjudant-Chef de la Gendarmerie Didier Badji en service à l’Inspection générale d’Etat et du Sergent Fulbert Sambou de la Direction des Renseignements militaires. Selon le Procureur, dés la disparition des militaires, des recherches par toutes les unités compétentes du pays ont été déclenchées « la géolocalisation des appareils des disparus a permis de les situer consécutivement au niveau des falaises rocheuses du Cap Manuel où ont été retrouvés par ailleurs un filet de pêche tendu, des restes d’appât de crevettes ainsi que des chaussures appartenant aux victimes. La Brigade prévôtale, qui s’est immédiatement transportée sur les lieux, a procédé aux constatations d’usage à l’effet d’élucider les circonstances précises de ces disparitions » relevait à l’époque le communiqué du Procureur de la République Amadou Diouf que la plupart des observateurs avaient jugé « laconique » par rapport à l’ampleur de la tragédie et au statut des deux victimes.