VIDEOAES-CEDEAO, ANATOMIE D'UNE SÉPARATION
Pour Gilles Yabi, le retrait du Niger, du Mali et du Burkina relève davantage d'une stratégie de survie politique. Son analyse révèle les contradictions d'une posture qui pourrait coûter cher à l'avenir de toute la région
Dans un entretien accordé mardi soir à la TFM, Gilles Yabi, fondateur du think tank Wathi, a dévoilé les véritables enjeux derrière l'annonce du retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO. Son analyse révèle une réalité plus complexe que le simple discours souverainiste affiché.
Selon l'expert, cette décision s'inscrit d'abord dans une stratégie politique interne des régimes militaires. Face aux difficultés économiques et sociales persistantes dans leurs pays respectifs, ces dirigeants auraient besoin d'un "discours politique mobilisateur". Le narratif anti-occidental, et particulièrement anti-français, servirait ainsi de levier pour maintenir une adhésion populaire, malgré l'absence d'amélioration concrète des conditions de vie des populations.
L'incohérence de cette posture apparaît notamment dans le maintien de ces pays au sein de l'UEMOA, organisation qui, selon Gilles Yabi, représente paradoxalement une plus forte empreinte de l'héritage colonial que la CEDEAO elle-même. "Si le problème majeur est la France et la colonisation, l'organisation qui incarne le plus la proximité avec la France et l'héritage colonial, c'est l'UEMOA", souligne-t-il.
Plus préoccupant encore, ce retrait s'accompagne d'une dégradation de l'espace démocratique dans ces pays. L'invité de Chérif Diop pointe l'absence totale de débat public autour de cette décision capitale : "Il n'y a pas eu de débat ni au Mali, ni au Niger, ni au Burkina Faso".
Pour Gilles Yabi, la décision de retrait ne peut être dissociée de la façon dont ces régimes sont arrivés au pouvoir. Bien que ces dirigeants militaires bénéficient d'une légitimité de fait, leurs décisions n'émanent pas d'un processus démocratique, ce qui soulève des questions sur la pérennité et la validité de tels choix pour l'avenir de leurs nations.
L'expert met en garde contre les conséquences à long terme de cette fragmentation régionale. Au-delà des implications économiques immédiates, c'est toute l'architecture de la coopération régionale en matière de sécurité qui se trouve fragilisée, alors même que la menace terroriste nécessite plus que jamais une réponse coordonnée entre pays sahéliens et côtiers.