DIAS, LA DÉROUTE D’UN VRAI COMBATTANT POLITIQUE
Derrière son franc-parler et son charisme, se cache un homme forgé par un parcours atypique, marqué par l’exil, les luttes sociales, et une ambition démesurée. Son ascension reflète les espoirs et contradictions d’une jeunesse en quête de changement
À 53 ans, Barthélémy Dias s’impose comme une figure incontournable du rajeunissement de la classe politique sénégalaise. À la fois admiré et critiqué, cet homme à l’allure fougueuse incarne une nouvelle génération d’acteurs engagés, portés par un discours radical et un style en rupture avec les codes traditionnels véhiculés depuis les indépendances. Derrière son franc-parler et son charisme, se cache un homme forgé par un parcours atypique, marqué par l’exil, les luttes sociales, et une ambition démesurée. Son ascension, teintée de succès mais aussi d’épisodes tumultueux, reflète les espoirs et contradictions d’une jeunesse sénégalaise en quête de changement.
Barthélémy Dias n’est pas un produit classique de la politique sénégalaise. Né en 1971 d’un père cap-verdien, Jean-Paul Dias, lui-même acteur politique respecté, il baigne dès son plus jeune âge dans un environnement où débats, positions électorales, discussions et empoignades politiques font partie du quotidien. Cependant, son parcours ne suit pas les sentiers battus. En s’installant aux États-Unis d’Amérique (Usa) pour poursuivre ses études, il s’éloigne temporairement du Sénégal, mais c’est précisément durant cette période de voyage qu’il forge son identité politique.
Un engagement politique dès le bas âge
Aux États-Unis d’Amérique, Barthélémy Dias obtient un MBA en transports, un domaine technique qui aurait pu le conduire à une carrière loin des tumultes de la politique. Mais le jeune Dias est déjà habité par un désir de lutte. Et de luttes politiques et de combats de…rue. Actif au sein de la diaspora sénégalaise, il devient un militant reconnu pour son opposition frontale au régime d’Abdoulaye Wade. Lors des visites de l’ancien président, Dias n’hésite pas à organiser des manifestations et à dénoncer publiquement les dérives du pouvoir. Cette capacité à s’exprimer avec audace, couplée à une aisance oratoire remarquable, le propulse rapidement au-devant de la scène, particulièrement auprès des jeunes sénégalais expatriés.
L’influence de Jean-Paul Dias est centrale dans le parcours de Barthélémy. Ancien proche collaborateur d’Abdoulaye Wade avant de rompre avec ce dernier en 1993,Jean-Paul incarne une certaine éthique politique et un refus catégorique de tout compromis perçu comme contraire à ses principes. Cette intransigeance, Barthélémy l’a manifestement héritée. Pourtant, il ne s’agit pas d’une simple reproduction : là où son père privilégie la discrétion et l’analyse, Barthélémy choisit la confrontation directe et l’action spectaculaire. Les relations entre le père et le fils sont également empreints de tensions, notamment lorsque leurs trajectoires politiques divergent. Mais au-delà des désaccords, il est évident que l’influence de Jean-Paul Dias a ancré chez son fils des valeurs de résilience et un goût prononcé pour le combat politique.
Une entrée explosive dans l’arène politique mais entravée par l’affaire Ndiaga Diouf
Élu maire de Mermoz-Sacré-Cœur en 2009 à seulement 38 ans, Barthélémy Dias devient le plus jeune maire du Sénégal. Ce succès n’est pas dû au hasard. Dias s’impose grâce à un style direct, une présence médiatique percutante et un programme promettant des solutions aux problèmes concrets de ses administrés. C’est un succès éclatant. L’homme a radicalement changé le cadre de vie de la commune. Cependant, sa carrière est rapidement éclipsée par des scandales. L’affaire Ndiaga Diouf, survenue en décembre 2011, est emblématique du caractère explosif de Barthélémy Dias. Alors que des nervis, supposément liés au Parti Démocratique Sénégalais(PDS), approchent la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, Dias n’hésite pas à faire usage de son arme sans hésiter. Ce jour tragique se solde par la mort de Ndiaga Diouf, un lutteur. Les images font le tour du monde. Si Barthélémy Dias plaide la légitime défense et se retranche derrière son permis de port d’armes, cette affaire entache durablement son image. En 2017, il est condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme, une peine qui alimente les débats sur la violence et la responsabilité dans l’arène politique. Cette condamnation, bien qu’un revers personnel, renforce paradoxalement sa popularité auprès d’une partie de l’opinion publique, qui le perçoit comme une victime d’un système judiciaire politisé.
Un bon début de parcours qui souffre de constance
Barthélémy Dias n’a jamais hésité à bousculer l’ordre établi. Membre du Parti Socialiste (PS), il gravite d’abord autour de personnalités influentes comme Ousmane Tanor Dieng, avant de s’émanciper et de se rapprocher de Khalifa Sall, alors maire de Dakar. Cette alliance avec Khalifa Sall, scellée autour d’une vision progressiste et d’une opposition commune à Macky Sall, renforce sa stature nationale.
L’arrivée au pouvoir de Macky Sall en 2012, grâce à une coalition incluant le PS, marque un tournant. Barthélémy Dias devient rapidement l’un des critiques les plus virulents du président, l’accusant de trahir les idéaux des Assises nationales, un cadre de réformes prônant la transparence et la démocratie participative. Cette rupture avec Macky Sall l’isole au sein du PS, où les tensions internes s’accentuent. Mais loin de reculer, Dias transforme cet isolement en force, cultivant une image d’homme politique indépendant, prêt à se battre contre les injustices, même au prix de sa carrière
Barthélémy Dias a su construire sa popularité sur sa capacité à incarner les frustrations d’une jeunesse en quête de repères. Son discours, souvent virulent, cible directement les maux qui gangrènent le pays: corruption, inégalités, instrumentalisation de la justice etc. Mais ce style abrasif divise. Sises partisans saluent son audace, son éloquence et son authenticité, ses détracteurs dénoncent un populisme excessif et une approche parfois irresponsable. Mais Dias s’appuie largement sur les réseaux sociaux pour amplifier son message. Maîtrisant parfaitement les codes numériques, il utilise ces plateformes pour mobiliser les foules et contourner les canaux traditionnels souvent accusés de partialité. Cette stratégie s’avère particulièrement efficace auprès des jeunes, qui voient en lui un leader accessible, un mentor de proximité voire un élu très proche de leurs préoccupations.
La conquête de Dakar avec Ousmane Sonko
La candidature de Barthélémy Dias à la mairie de Dakar en 2022 représentait bien plus qu’un enjeu local. Pour lui, cette élection est une opportunité de démontrer sa capacité à mobiliser au-delà de sa base traditionnelle qu’est Mermoz- Sacré-cœur. Soutenu par une coalition Yéewi Anskan Wi, cette bataille électorale se joue dans un contexte de tensions accrues avec le pouvoir en place, qui multiplie les obstacles administratifs et judiciaires. Mais Barth va trouver un allié de taille au sein de la coalition Yéewi Askan WI, Ousmane Sonko. Les deux hommes ont une trajectoire similaire : ils sont victimes de la machine de guerre du Macky. Les deux jeunes leaders se jettent des fleurs. L’entente était pourtant cordiale. Le leader de Pastef met alors la machine électorale au service de Barthelemy Dias. Le succès est éclatant ! Barthelemy Dias écrase la coalition Benno Bokk Yakaar(BBY) dirigé par Abdoulaye Diouf Sarr à Dakar. En 2023, c’est la fin de la lune de miel. Barthelemy Dias s’éloigne ainsi de Ousmane Sonko qu’il juge « inexpérimenté ». C’est le tollé ! les patriotes crient à la trahison. Certains y voient une main du tout puissant Macky pour diviser l’opposition.
La revanche de Sonko sur Barth
La politique est cruelle ! Trop même. Les amis d’hier sont devenus des ennemis. L’accession au pouvoir du duo Sonko-Diomaye rabat les cartes du landernau politique. Les patriotes tant honnis et bannis parles gardiens du « système » prennent ainsi les commandes. Les patriotes n’ont jamais toléré à Barthélémy Dias d’avoir subitement tourné le dos à Ousmane Sonko. Les élections législatives deviennent ainsi une occasion pour laver l’affront. La défaite cuisante de la coalition Sàmm Sa kaddu dirigée par Dias sonne le glas de celui qui se surnomme « Borom Ndakaru ». Barthelemy Dias n’a pas rempilé. Il n’a obtenu que 92.435 voix. La coalition dirigée par Dias fils avait mené une « campagne de tension ». La défaite écrasante du maire de Dakar face au Pastef qu’il critiquait violemment lors de la campagne électorale marque un tournant décisif dans le paysage politique national. Tout en s’attaquant à son adversaire Ousmane Sonko et son protégé Abass Fall, Barth a échoué à rassembler autour de lui suffisamment de voix pour contrer l’élan de ses concurrents. Aujourd’hui, il est désarmé face à un Pastef qui a tous les leviers du pouvoir en main. Sa destitution suite à une décision de justice lui fait perdre l’Hotel de Ville de Dakar. Une désillusion ! Et pourtant, Barth avait un bon début de parcours politique, mais qui souffre malheureusement de constance. Toujours est-il le désormais maire de Dakar n’entend pas en rester là. En effet, le « Boy Dakar » a juré qu’il allait user de tous ses moyens pour préserver sa…Place de l’Indépendance. Mais qu’importe ce qui arrivera, l’empreinte de Barth sur la Capitale est déjà indélébile.