UNE MÉMOIRE NATIONALE EN DANGER
Depuis leur création en 1913, les Archives nationales n'ont jamais bénéficié d'infrastructures à la hauteur de leur mission de préservation. Le cas des documents relatifs au massacre de Thiaroye, dont on commémore les 80 ans, illustre l'urgence d'agir
Entre manque d’infrastructures et documents en souffrance, le patrimoine historique du Sénégal risque de disparaître.
À l’occasion de la commémoration du massacre de Thiaroye de 1944, un panel organisé au Musée des Civilisations noires a mis en lumière un sujet préoccupant : l’état critique des archives au Sénégal. Ces révélations, portées par M. Makhone Touré, directeur des Archives nationales du Sénégal, soulignent un manque criant d’infrastructures et des documents essentiels en souffrance depuis des décennies. Ce constat alarmant s'inscrit dans un contexte où la mémoire nationale risque de s’effacer si des mesures urgentes ne sont pas prises.
Un patrimoine sous la menace
Depuis leur création en 1913, les Archives nationales du Sénégal peinent à disposer de locaux adaptés. De leurs premières installations dans les caves de Fann au sous-sol du Building administratif jusqu'à leur relocalisation en 2014 pour cause de réfection du Building, au Central Park, situé sur l’avenue Malick Sy, les conditions de stockage restent inadéquates pour assurer la préservation à long terme des documents. Cette situation expose les archives à des risques multiples : humidité, parasites, catastrophes naturelles, et parfois même des destructions délibérées. À cela s’ajoute une dispersion des fonds et des locaux saturés depuis plus de quatre décennies, entravant la réception des archives contemporaines.
Des tresors historiques inaccessibles
Les fonds d’archives sénégalaises comprennent des documents inestimables tels que ceux du Sénégal colonial, de l’Afrique-Occidentale française (AOF) et des documents numériques transmis par la France. Parmi ces trésors, des informations essentielles sur le massacre de Thiaroye en 1944, les tirailleurs sénégalais et d'autres pans majeurs de l'histoire du pays. Cependant, leur exploitation reste limitée, non seulement à cause des infrastructures défaillantes, mais aussi par manque de financement et de stratégie globale de conservation.
Une transmission en péril
L’absence de collecte systématique des archives orales et des fonds privés aggrave encore la situation. Ces archives, qui témoignent de la richesse culturelle et historique du pays, restent largement inexploitées. Selon les experts présents au panel, la postérité pourrait se retrouver dépourvue de tout héritage si des actions concrètes ne sont pas rapidement mises en œuvre.
La maison des archives : une solution urgente
La création d’une « Maison des Archives » est évoquée comme une solution majeure pour pallier ces défis. Ce projet, bien qu’ambitieux, constitue une nécessité pour centraliser, protéger et valoriser les archives nationales. Sans cela, toute politique nationale en matière d’archives est vouée à l’échec, quelle que soit la richesse des fonds ou la compétence des archivistes. Les archives sénégalaises, véritables gardiennes de la mémoire nationale, traversent une crise profonde. Elles sont essentielles non seulement pour la recherche historique, mais aussi pour garantir les droits des citoyens et assurer une gouvernance transparente. Le massacre de Thiaroye, commémoré 80 ans après, illustre la fragilité de notre mémoire collective face à l'oubli. Il est impératif de réagir maintenant pour que ce patrimoine unique ne tombe pas dans l’oubli.