MULTIPLE PHOTOSSONKO S’INVITE À LA RÉCRÉ GÉOPOLITICIENNE DE MACRON
Il est temps que le cartésianisme diplomatique du Sénégal auquel le premier ministre doit être initié assure au pays un niveau de développement économique et social gagé avant tout sur l’idée non moins cartésienne de contrepartie
Le 6 janvier 2025 à Paris, à l'occasion de la Conférence des Ambassadrices et des Ambassadeurs, le président français Emmanuel Macron laisse entendre que « pour tous les gouvernants africains qui n'ont pas eu le courage vis-à-vis de leurs opinions publiques, aucun d'entre eux ne serait aujourd'hui avec un pays souverain si l'armée française ne s'était pas déployée dans cette région ». À cela, le premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko répond en écrivant que « la France n’a ni la capacité ni la légitimité pour assurer à l’Afrique sa sécurité et sa souveraineté ». Plus loin dans son propre discours, Emmanuel contrarie Macron, apportant de l’eau au moulin de Sonko en précisant qu’« on est partis parce qu'il y a eu des coups d'État, parce qu'on était là à la demande d'États souverains qui avaient demandé à la France de venir. » Tout ça pour ça ?
L’exercice élyséen de géopolitique géopoliticienne auquel s’est précipitamment invité Ousmane Sonko distrait d’une extraordinaire avance sénégalaise qui fait que le pays de la Téranga se donne, depuis 2012 disons, chaque jour davantage, les moyens de sa souveraineté internationale et de la paix intérieure dont il a besoin pour sa contribution exceptionnelle aux grands débats africains et son développement économique et social.
De notre souveraineté internationale
En conformité avec l’esprit et la lettre de deux communiqués de l’Union Africaine sur la situation en Ukraine au début des affrontements avec la Russie, le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 2 mars 2022 réaffirme « l’attachement du Sénégal au respect de l’indépendance et de la souveraineté des États, ainsi qu’à l’application sans discrimination des règles du droit international humanitaire notamment en situation de conflit ». S’y ajoute « l’adhésion du Sénégal aux principes du Non-alignement et du règlement pacifique des différends ». « Macky s’aligne sur le non-alignement », titre le quotidien Les Échos daté du jeudi 3 mars 2022. Le journal mentionne alors l’abstention du Sénégal lors de la réunion d’urgence de l'Assemblée générale des Nations Unies examinant la résolution sur la situation en Ukraine.
Même si les données, provenant initialement de l'Economist Intelligence Unit, montrent que le niveau de capacité et de sophistication militaire du Sénégal, classé 1-5 (bas-haut), d’après une évaluation qualitative de la sophistication militaire et l'étendue de la recherche et du développement militaire, est supérieur à celui de tous les autres pays membres de la CEDEAO, le Sénégal demeure attaché à un ordre mondial post-clausewitzien (sans guerre). On comprend alors aisément pourquoi les Nations Unies se tournent vers le Sénégal dès lors qu’il s’agit de maintenir la paix retrouvée en Afrique au Sud du Sahara et partout ailleurs dans le monde.
De la paix internationale et intérieure
En matière de paix, deux indicateurs de la Global Peace Index - et pas les seuls - montrent que le Sénégal a plutôt la stature d’un grand pays. Les indicateurs en question sont le Niveau global de paix classé 1-5 (haut-bas) et le Niveau de financement des missions de maintien de la paix des Nations Unies classé 1-5 (bas-haut) reçu par le pays.
D’après la Global Peace Index - organisme indépendant - le niveau global de paix au Sénégal montre que notre pays se porte mieux que les deux plus grandes puissances économiques du monde que sont la Chine et les États-Unis d’Amérique (Voir graphiques 1 et 2 en illustration du texte)
Comme on l’entend souvent chez nous, « le Sénégal est un pays de paix ». Le Sénégal est même un pays de grande paix comparé à l’Allemagne (Graphique 3) et à la France (Graphique 4).
Il ressort des deux derniers graphiques (3 et 4) que même si l’Allemagne et la France surclassent le Sénégal en matière de Niveau global de paix, notre pays est au secours des deux plus grandes nations de l’Union européenne et de presque toutes les autres nations du monde entier dès lors qu’on s’intéresse au second indicateur de la Global Peace Index (Graphiques 5 et 6), c’est-à-dire le Niveau de financement des missions de maintien de la paix des Nations Unies classé 1-5 (bas-haut) reçu par le pays.
Nous sommes le monde dès lors qu’il s’agit de maintenir la paix. Quid de l’économie, de la monnaie et du développement ?
Il ne fait aucun doute qu’à la lumière de ce qui vient d’être dit, il n’y a pas de corrélation positive immédiate entre la paix et le développement au Sénégal. Nous devons néanmoins nous demander pourquoi notre leadership mondial incontesté en matière de paix intérieure et de maintien de la paix dans le monde ne nous vaut toujours pas la contrepartie que les Sénégalais sont en droit d’en attendre. Nos dirigeants depuis notre accession à la souveraineté internationale sont tous légitimés à exiger ladite contrepartie en échange de notre engagement sur tous les terrains de conflit dans le monde. Lorsqu’elle ne se manifeste pas sous forme de financements massifs venant des pays industrialisés qui regardent du côté du Sénégal pour le retour de la paix dans le monde, notre pays est fondé à obtenir, du fait de son leadership mondial en matière de paix, une voix prépondérante qui l’autorise définitivement à indiquer une direction suivie par tous nos partenaires techniques et financiers et les Nations Unies dans les domaines cruciaux que sont la souveraineté monétaire à travers l’Eco ou tout autre mécanisme alternatif, la croissance inclusive et le développement économique et social.
Il est temps que le cartésianisme diplomatique du Sénégal auquel Ousmane Sonko doit être initié assure au pays un niveau de développement économique et social gagé avant tout sur l’idée non moins cartésienne de contrepartie. C’est à cette réflexion que nous invitons le premier ministre pour sortir des jugements globaux dont l’électorat de sa faction est de moins en moins dupe pour cause de désenchantement postélectoral chaque jour grandissant. Pourtant le président Diomaye avait été clair avec son premier ministre le 31 décembre 2024 : « Je sais que chaque foyer sénégalais aspire à de meilleures conditions de vie, à une justice sociale accrue et à la certitude que l’État sert véritablement l’intérêt général. C’est pour répondre à cette légitime aspiration que le Premier ministre, Monsieur Ousmane Sonko, à qui je réitère ma confiance absolue, a présenté devant l’Assemblée nationale sa Déclaration de Politique Générale. »
Une chose est sûre : les données brutes mises en lumière dans cette tribune montrent qu’il ne suffit pas de s’inviter à la folle récréation parisienne de géopolitique géopoliticienne pour se conformer, encore qu’il est temps, à l’esprit et à la lettre de la dernière adresse à la Nation du président Faye. Ce dernier paraphera, le moment venu, les petits et moins petits accords entre diplomates sénégalais et français pour le compte des deux États souverains.