IDRISSA DIARRA, GARDIEN DES CONTES DE CHEZ NOUS
À Bakel, sur les rives du fleuve Sénégal, vit un homme dont la vie ressemble à ses histoires : riche, profonde et guidée par une passion inflexible pour la culture et la nature
À Bakel, sur les rives du fleuve Sénégal, vit un homme dont la vie ressemble à ses histoires : riche, profonde et guidée par une passion inflexible pour la culture et la nature.
Idrissa Diarra, ancien enseignant et directeur d’école, a passé plus de quarante ans à transmettre son savoir aux générations futures. Mais cet homme au sourire chaleureux et au regard pétillant ne s’est pas arrêté là. Aujourd’hui, il est conteur, écrivain et guide touristique, portant haut les couleurs de ses racines soninkées et de son amour pour la nature.
En 2023, lors d’un séminaire à Bakel, une idée germe dans l’esprit d’Idrissa. Inspiré par le fleuve Sénégal, ce trait d’union entre les villages, il imagine une histoire où ce cours d’eau devient la frontière entre deux mondes : celui des hommes et celui des animaux.
Dans La Grande Décision, les animaux, exaspérés par les festivités humaines marquées par des sacrifices excessifs et des destructions, décident de se rebeller. Le conflit qui s’ensuit force les hommes à réfléchir et, pour la première fois, à dialoguer avec les animaux. Ensemble, ils trouvent un compromis : protéger la forêt, réduire les abus et vivre en harmonie.
Ce conte, bien plus qu’une simple histoire, est un miroir tendu à nos sociétés. Avec une sensibilité désarmante, Idrissa nous pousse à nous interroger sur notre rapport à la nature et sur l’urgence de préserver notre environnement.
Le livre a été chaleureusement accueilli, notamment dans sa région natale, où les enseignants l’ont adopté comme un outil pédagogique précieux. Mais son écho a également traversé les frontières, séduisant même des lecteurs en France.
Trois ans plus tard, en 2025, Idrissa revient avec un nouvel ouvrage, Les Contes du Gadiaga, un recueil de onze histoires tirées des traditions orales soninkées. Ces récits, racontés autrefois autour d’un feu de bois, sous les nuits étoilées de la pleine lune, capturent l’essence même de la vie communautaire.
Dans cet univers, les animaux sont les héros. Ils parlent, pensent et agissent comme des humains, révélant des vérités qu’il serait parfois difficile de dire autrement. Justice, respect, solidarité, protection de la nature… chaque conte est une leçon, une invitation à réfléchir sur notre façon d’être et de vivre ensemble.
Publier un livre, surtout en autoédition, n’est jamais facile. Mais cela n’a pas découragé Idrissa. Avec ses propres économies, il a investi près de 800 000 francs CFA pour imprimer Les Contes du Gadiaga. Chaque exemplaire est vendu à 5 000 francs CFA, un prix qui ne couvre même pas les frais. Mais pour lui, ce n’est pas l’argent qui compte. Ce qui importe, c’est que ses histoires atteignent les jeunes, qu’elles éveillent en eux une curiosité, un amour pour la lecture et une fierté pour leur héritage culturel.
À travers ses deux livres, Idrissa Diarra ne fait pas que raconter des histoires. Il crée des ponts : des ponts entre les générations, entre les hommes et la nature, entre les traditions anciennes et les défis modernes. Ses contes rappellent que, parfois, pour avancer, il faut regarder en arrière, écouter les voix du passé et apprendre des leçons qu’elles portent.
Idrissa n’est pas seulement un écrivain. Il est un gardien, un passeur d’histoires, un homme qui croit profondément en la puissance des mots pour changer les cœurs et éveiller les consciences. Son travail est un appel, à la fois humble et puissant, pour un monde plus respectueux, plus harmonieux.
Lire ses contes, c’est entrer dans un univers où chaque ligne respire l’authenticité, où chaque personnage, qu’il soit homme ou animal, a quelque chose à nous apprendre. Et à la fin, on ne peut qu’être touché par cette voix, celle d’Idrissa, qui résonne comme une invitation à repenser notre rapport à la vie, à la nature et à nos traditions.