L'ULTIMATUM DE LA CITÉ FAYÇAL
Cinquante-deux familles, dont d'anciens hauts fonctionnaires et ministres, font face à des sommations de déguerpissement malgré leurs baux emphytéotiques de 99 ans signés en bonne et due forme

La très paisible cité Fayçal est devenue bruyante depuis que la Sogepa dirigée par l’ancien patron du syndicat des impôts et domaines Elimane Pouye a envoyé des sommations de déguerpissement à 52 familles parmi lesquelles d’anciens hauts fonctionnaires et d’anciens ministres de libérer les lieux, malgré le fait que les occupants disposent de baux emphytéotiques en bonne et due forme.
Située dans la commune de Golf Sud sise dans le département de Guédiawaye, la Cité Fayçal est au-devant de l’actualité avec la décision du nouveau gouvernement dirigé par des inspecteurs des impôts et domaines de reprendre en main les maisons et d’expulser les occupants dont certains y vivent depuis plus de 40 ans. Aux 52 ans familles, il est demandé de quitter les lieux avant le mois d’août prochain, cela malgré le contrat de bail de 99 ans qui lie l’Etat à l’occupant. En réaction, le collectif mis en place par ces hauts fonctionnaires ayant servi l’Etat avant de faire valoir leurs droits à une retraite paisible a répondu à la Sogepa avec ampliation au président de la République pour s’opposer à cette mesure «inique» qui fragilise l’Etat de droit.
Pour ceux qui ne connaissent pas la cité Fayçal, il faut savoir que c’est un projet immobilier d’El Hadji Djily Mbaye qui l’a réalisé dans les années 1980 en prélude au sommet de l’Organisation de la conférence islamique. L’Etat prévoyait d’y loger ses hôtes lors du sommet de l’Oci tenu finalement au Sénégal en 1991. Mais l’aéroport étant éloigné de cette cité, le Roi Fahd, à l’époque pour des raisons de sécurité, a fait construire l’hôtel King Fahd pour y loger ses hôtes de marque. L’Etat du Sénégal a, par la suite, racheté la cité Fayçal de El Hadji Djily Mbaye pour y loger ses hauts fonctionnaires. Ce qui n’est pas un phénomène nouveau. Les présidents successifs dont Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade ont autorisé les ventes de villas administratives à d’éminentes personnalités dont on ne peut douter de leur probité morale, intellectuelle et professionnelle. Seulement, la Sogepa trouve cette mesure illégale. D’après Elimane Pouye et Cie, une transaction sur le patrimoine bâti de l’Etat relève d’une loi devant être adoptée par l’Assemblée et non d’un décret comme cela est le cas dans cette affaire dite de la cité Façal.
Le ministre Ousmane Diagne sur la liste
Et pour le cas spécifique de la cité Fayçal, les occupants sont pour la plupart des retraités de l’État du Sénégal qui ont passé plus de 30 ans dans leurs villas. Ils ont été affectataires depuis 1990 pour certains. Et compte tenu du niveau des charges d’entretien des villas, le président Abdou Diouf avait décidé de vendre les villas aux occupants. Un vœu qu’il n’a pas pu réaliser. Et c’est le Président Wade qui le fera plus tard et en a fait bénéficier d’autres occupants qui étaient dans le gouvernement. C’est le 26 février 2008 qu’il a émis cette lettre décision de vente des villas imputée à l’ancien ministre d’État chargé des Finances, Abdoulaye Diop. Ainsi, l’État a délivré des «baux emphytéotiques» compris entre 50 et 99 ans aux occupants. Ces baux donnent des droits réels aux bénéficiaires. Parmi les bénéficiaires, il y a des anciens ministres, des Ige, des magistrats de tous les régimes qui se sont succédé. On peut citer l’actuel garde des Sceaux Ousmane Diagne, l’Ige et l’ancien ministre Sg de la Présidence Maxime Jean Simon Ndiaye, l’ancien Sg du gouvernement Ousmane Ndiaye, les anciens Dg Cheikh Issa Sall, Maguette Sène, Aliou Sall, les anciens ministres Kouraichi Thiam, Kansoumbaly Ndiaye, l’ancien vice-président du conseil constitutionnel, le professeur Abdoulaye Elimane Kane, etc. Si certains ont vendu, d’autres étant confortables dans leurs droits y ont investi plusieurs millions pour continuer non seulement à rendre habitables les villas mais aussi améliorer l’environnement de la cité souvent exposée à « des inondations» provenant du refoulement des eaux du Lac Technopôle et des pluies. D’ailleurs, une visite de la cité nous a permis de constater plusieurs désagréments. Il y a actuellement une maison inoccupée construite depuis 1990, devenue la niche de chiens errants comparée à certaines occupées bien entretenues par leurs résidents qui y ont même fait des modifications.
Pire encore, une partie du mur qui sépare la cité au Lac Technopôle est complètement abimée. Les rues ont perdu leurs revêtements à l’exception de celle dite de contournement qui a été refaite en autobloquant grâce au concours des gens de la cité. Nos sources nous renseignent d’ailleurs qu’une collecte a été effectuée auprès des résidents pour remettre en service l’éclairage public de Fayçal, exposée à l’insécurité due à des agressions et vols de jour comme de nuit ainsi qu’une fréquentation de reptiles sauvages dont des varans et autres bêtes provenant du Lac et de ses envions. «Sans les efforts conjugués par les occupants, la cité Fayçal allait disparaître du patrimoine de l’État du fait de l’état de ruine très avancé des villas construites depuis les années 1980», confie un occupant. Avec leurs titres, ils s’acquittent des redevances à l’État sur la base de la valeur vénale expertisée et contenue dans ces baux en loyer au niveau de l’administration. Pour le loyer annuel, il est égal à la valeur vénale du bien immobilier divisé par la durée du bail. « Ces loyers sont payés sur la base de modiques pensions de retraités de ces hauts fonctionnaires qui ont tout donné à l’État. Et n’eût été l’assistance de leurs enfants, l’État les aurait abandonnés dans la pauvreté et la misère totale du Sans domicile fixe», ditil.
En lieu et place de 52 villas, explique-t-on, c’est 45 familles qui sont visées par les avis. «Au moment où l’État achetait les maisons à El Hadji Djily Mbaye, il faut soustraire une maison de la veuve du riche homme d’affaires et 02 propriétaires privés et les 04 villas réservées et à des adjoints au Gouverneur, soit au total 07 maisons. Ce qui porte donc à 45 au total le nombre de villas occupées par de hauts fonctionnaires qui sont pour la plupart des retraités. «Nous avons l’impression que l’État n’a pas de mémoire, ni d’archives sur le foncier pour la bonne et simple raison que ces dignes fonctionnaires se sont réveillés un jour devant un avis de résiliation de baux emphytéotiques servis par ce même Etat alors qu’il est attesté qu’un bail emphytéotique de 99 ans ne peut être résilié que par un juge. Ce qui veut donc dire que l’État ne peut pas être juge et partie à un contrat qu’il a lui-même établi et qui de surcroît est un contrat d’adhésion. Donc cet avis est un document nul et non avenu. Il doit donc être annulé». C’est ce que notre interlocuteur demande à l’actuel directeur de la Sogepa, Elimane Pouye qui les a reçus le 13 août 2024.