ET SI ON PARLAIT DE LA BANQUE DE LA DIASPORA SÉNÉGALAISE ADOSSÉE À L’ÉCONOMIE DE L’HUMAIN ?
Le prêt à taux zéro tant rêvé pourrait refaire surface pour nos pauvres fatou-fatou et gorgolous. Il nous faudra nous appuyer sur nos convictions profondes et la transparence de l’utilisation de ces fonds

Cri de cœur, cri de joie, cri de bonheur mais quelques cris étouffés par l’enfumage de cette nouvelle croustillante mais en même temps une chimère emmitouflée en un éléphant blanc auquel s’est exercé le Premier ministre sénégalais, en l’occurrence Ousmane Sonko, lors d’une visite dans le nord du pays. Mais lequel de ces cris devrons-nous comprendre ?
Nous membres de la diaspora sénégalaise, nous Sénégalais d’ici et d’ailleurs éparpillés sur quelques continents. En effet, la crise de la dette s’accentue ; le monde devient bipolaire et l’élection de Trump a bouleversé la planète. Cette dernière est tourneboulée, les tendances et le creuset entre nations s’accentuent. Division de la planète en trois blocs de puissances ; les Etats-Unis d’Amérique, l’Europe recroquevillée sur elle-même et la Chine ragaillardie. La Russie en spectateur très actif. L’Afrique en spectateur passif comme à l’accoutumée et posant son postérieur sur des œufs.
Dans ce contexte très tendu de la géopolitique financière remplie d’enjeux stratégiques, l’exécutif sénégalais joue à la montre russe ; capter la manne financière de sa diaspora très disposée et très encline au développement du pays ou laisser tomber cette occasion en or et tant espérée. De l’espoir naîtra la réalité, dit-on. Marre d’être une vache à lait pour le reste du peuple resté sur les bords de la Méditerranée et sur les bords de l’Atlantique, la diaspora est cette fois-ci prête à jouer son rôle de créancier et de catalyseur de devises pour l’économie du pays. Marre d’être laissée en rade, la diaspora veut jouer le rôle de banquier. D’où une banque de la diaspora germant dans les esprits mais devant être adossée à l’économie de l’humain basée sur l’éducation et la santé. Deux acceptions s’imbriquant et devant jouer un rôle crucial dans ce Sénégal 2050 tracé dans le programme de gouvernance festoyé à Diamniadio dans une ambiance à la bonne franquette.
En effet, l’argent de la diaspora ne doit plus servir à couvrir les frais de bouche, les cérémonies de baptême, de décès et tutti quanti. Ne devant plus servir à construire des maisons individuelles et advitam aeternam, cette manne tombée non du ciel mais des fruits de dur labeur doit servir à construire infrastructures publiques et privées. Israël et l’Ethiopie sont des exemples de haute portée. En effet, ces deux nations ont été construites en partie par leur diaspora. Le don de soi est passé par là. Et l’argent récolté devra servir à créer de l’emploi, construire des hôpitaux, des aéroports, des usines de transformation de fruits, des firmes agricoles, etc.
La diaspora doit être un des créanciers de l’économie sénégalaise. Et face à une dette qui a franchi 99,67% du PIB et un déficit budgétaire ayant franchi 13% du PIB sous le régime de Macky Sall, l’heure est à l’action ce que la parole fut durant les législatives de novembre dernier. Il urge désormais de convaincre et de passer à l’action. Nous devons nous retrousser les manches même si s’endetter devient un exercice très périlleux dans ce monde. Le repli sur soi est devenu une politique de gouvernance. Le président Donald Trump a pris comme résolution de ne plus dépenser les fonds américains. America first est passé par là. Arrêt budgétaire de quelques aides bilatérales comme celle de l’UsAid destinée à bon nombre de pays africains et d’Amérique latine.
Face à ce qui se trame, l’exécutif sénégalais pourrait jeter son dévolu sur les Diaspora bonds comme source de diversification de l’endettement national. En 2023, les Sénégalais de la diaspora et surtout l’essentiel installé en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique ont envoyé plus de 1800 milliards de francs Cfa, environ 12% du PIB national. En effet, il est un montant qui dépasse largement les aides publiques au développement fournies par les institutions internationales et quelques bailleurs de fonds bilatéraux. Avec la naissance de cette banque, l’idée ingénieuse est d’en faire une institution financière d’épargne, de crédits et d’investissements. Et surtout respectivement d’investissements et d’épargne pour l’emploi des jeunes et la retraite de la diaspora. L’argent doit servir à travailler et à développer un pays et non dormir dans les banques. Trivialement parlant « xaliss warul nélaw, dafa wara liggéy am réw ». Transférer autrement et investir autrement, tel doit être le credo de la Banque de la diaspora sénégalaise (BdS).
En effet, le Premier ministre Ousmane Sonko doit être le premier ambassadeur de ce travail de longue haleine et d’espoir. A lui seul, les montagnes bougent. En effet, le «Sonko yaw laniu gëm » reprend tout son sens dans cette situation. Une fois encore, Dakar doit être la future place financière de l’Afrique de l’Ouest. Et si on parlait de la banque de la diaspora adossée à l’économie de l’humain, actrice des transformations profondes qu’attend ce Sénégal qui nous interpelle. Pour la réussite de ce grand deal bancaire, il nous faudra nous appuyer sur nos convictions profondes et la transparence de l’utilisation de ces fonds. Et la communication ne doit pas être en reste. Et surtout l’implémentation et le siège voire les métiers composant cette future banque qui risque de secouer l’écosystème et le paysage bancaires du Sénégal. Capter les revenus de la diaspora doit être désormais un sacerdoce.
En fait, les lignes bougent depuis l’avènement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Un vent d’espoir souffle sur ce pays longtemps martyrisé par les régimes d’Abdoulaye Wade et de Macky Sall qui se sont succédé même si ce dernier s’est singularisé par un carnage de nos pauvres deniers publics. La Cour des comptes dans son dernier rapport en a fait l’illustration. En fait, cette banque servirait aussi de relais aux PME formant plus de 90% du tissu économique de ce pays. Le prêt à taux zéro tant rêvé pourrait refaire surface pour nos pauvres fatou-fatou et gorgolous. L’idée d’une banque créatrice d’emplois à travers ses filiales et filières économiques. Et devant être couplée à la Caisse des dépôts et Consignations (CdC). Cette banque de dépôt du trésor de la nation devant être entièrement renforcée. Mais mettre en place l’idée des obligations diasporiques (Diaspora bonds) relève aussi d’un malentendu devant être résolu à cause d’une méfiance et d’un scepticisme de bon nombre de nos concitoyens à l’aune d’expériences vécues dans le secteur bancaire et celui de l’immobilier.
A nous Sénégalais de la diaspora de suivre ces sillons frais du développement. A nous de nous saisir de la balle au rebond. A nous de tracer et de labourer ce beau champ qu’est ce pays de la Téranga. A nous chantres d’un développement futur bâti sur l’économie de l’humain. Une économie de la dignité centrée sur l’humain à l’heure où l’Afrique est laissée sur le bord de la route. La banque de la diaspora devrait servir de catharsis économique et développer l’éducation et la santé, vecteurs d’un développement harmonieux et prospère. Un grand réveil économique doublé d’un grand bond en avant. Mais bon an, mal an et pourvu que le printemps fasse fleurir quelques bourgeons et fasse entrevoir l’espoir de lendemains chantants.
Ibra Pouye est éditorialiste et contrôleur des finances publiques.
Djibril Keita est sociologue, enseignant en santé publique et politiques sociales,
co-fondateur de l’Institut Esprit Public Stratégies et Intelligences (IEPSI).