LES DEUX VIES DE MACKY SALL
Entre ses nouvelles fonctions au sein du prestigieux think tank Atlantic Council et les ambitions qu'on lui prête pour le secrétariat général des Nations Unies, l'ancien chef d'État semble vouloir tourner la page de la politique sénégalaise

(SenePlus) - L'ancien président Macky Sall semble avoir entamé une nouvelle étape de sa vie, partagée entre ses activités de consultant au Maroc et les remous politiques qui agitent son pays natal. Selon un récent article de Jeune Afrique, l'ancien chef d'État cherche à prendre ses distances avec la scène politique sénégalaise, tout en conservant son influence sur son parti, l'Alliance pour la République (APR).
Depuis son départ du pouvoir après l'élection présidentielle de mars 2024, Macky Sall a choisi de s'installer à Marrakech, au Maroc. Il y a lancé en novembre 2024 son cabinet de conseil, Semo Holding. Parallèlement, il a rejoint le conseil consultatif de l'Atlantic Council, un think tank américain spécialisé dans les relations internationales. D'après Jeune Afrique, "certains de ses proches le verraient bien, à terme, décrocher le poste de secrétaire général des Nations unies", bien que sa décision controversée de reporter l'élection présidentielle en février 2024 ait pu ternir son image internationale.
Pour ses activités, Macky Sall continue de s'appuyer sur son ancien premier conseiller diplomatique, Oumar Demba Ba, qui l'accompagne lors de ses déplacements et coordonne les activités de sa fondation dédiée aux questions de paix et de développement.
Le séjour prolongé de l'ancien président au Maroc alimente les spéculations au Sénégal. Selon Jeune Afrique, la publication en février d'un rapport de la Cour des comptes mettant en cause sa gestion des finances publiques a ravivé les tensions. Le document affirme que "Macky Sall et son administration auraient minimisé l'ampleur de la dette et du déficit à travers une série de pratiques opaques".
Les déclarations du porte-parole du gouvernement, Moustapha Ndjekk Sarré, ont particulièrement attisé la polémique. Jeune Afrique rapporte qu'il a déclaré le 28 février qu'il était "inévitable" que Macky Sall finisse par faire "face à la justice", allant jusqu'à le qualifier de "chef de gang qui a commis des actes criminels", avant de revenir sur ses propos face à l'ampleur de la controverse.
Face à ces accusations, l'ancien président s'est défendu lors d'un entretien avec Jeune Afrique à Johannesburg, qualifiant de "ridicules" les accusations portées contre lui. "Je n'ai peur de rien. Rien ne m'empêche d'aller au Sénégal et je n'exclus pas d'y retourner", a-t-il affirmé.
En l'absence physique de son leader, l'Alliance pour la République traverse une période difficile. "Macky Sall veut s'éloigner de toutes ces affaires. Mais il demeure à la tête d'un parti qui traverse une crise de leadership", confie à JA l'un de ses intimes.
Le magazine panafricain révèle que la formation politique peine à se remettre de sa défaite électorale. Plusieurs cadres ont quitté le pays après la présidentielle, et certains font face à des poursuites judiciaires. C'est notamment le cas de l'homme d'affaires Farba Ngom, "proche de Macky Sall qui a été placé sous mandat de dépôt début mars", ou encore de l'ancien ministre Lat Diop, "qui se trouve lui aussi derrière les barreaux".
Plus récemment, Mansour Faye, ancien ministre et beau-frère de l'ex-président, a été empêché de quitter le territoire, suscitant l'indignation de l'ancienne première dame. "Ce qu'il s'est passé est un abus de pouvoir. Mon grand frère n'a rien fait. Depuis neuf mois, ils le traquent, mais ils n'ont rien trouvé. Nous allons faire face", a réagi Marième Faye Sall sur les ondes de la radio RFM, selon Jeune Afrique.
Comment fonctionne l'APR en l'absence de son fondateur ? "Le parti se gère de manière collégiale. Les réunions sont présidées à tour de rôle par les ténors de la formation politique", explique à Jeune Afrique le député Abdou Mbow. D'après le magazine, c'est d'abord l'ancien président de l'Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, qui s'en est chargé, avant de céder sa place à Sidiki Kaba, dernier Premier ministre de l'ère Macky Sall.
Ce dernier présenterait "l'avantage d'être moins clivant que Mahmoud Saleh", un ancien directeur de cabinet politique que Macky Sall avait initialement envisagé pour réorganiser le parti.
Malgré cette distance géographique, l'ancien président continuerait à exercer son autorité sur son parti. "Macky Sall reste le chef, et pilote de loin. C'est lui qui donne les grandes lignes et les orientations de ces réunions", affirme à Jeune Afrique un responsable de l'APR.
L'un des objectifs principaux du parti est désormais de "resserrer les rangs et trouver de nouvelles recrues", notamment en s'ouvrant aux voix critiques envers le régime actuel. "Nous sommes très attentifs à ce qui se passe sur la scène politique et aux voix qui émergent contre Pastef", conclut Pape Malick Ndour, ancien ministre de Macky Sall, dans les colonnes de Jeune Afrique.