POUR L’EUROPE, LA FIN DU PARAPLUIE AMÉRICAIN
Alors que 55% des Européens craignent un conflit sur le continent, l'idée d'une défense européenne autonome gagne du terrain et séduit désormais une large majorité des opinions publiques

(SenePlus) - Un récent sondage paneuropéen révèle une inquiétude croissante des citoyens européens concernant les risques de conflit et une méfiance prononcée envers Donald Trump, poussant une majorité d'Européens à souhaiter une défense européenne autonome.
Le baromètre de l'opinion publique européenne "Quelle défense pour l'Europe ?", réalisé en mars 2025 par Le Grand Continent et Cluster17 auprès de 10 572 personnes dans neuf pays de l'Union européenne, met en lumière un sentiment d'insécurité généralisé et une volonté d'indépendance stratégique face aux États-Unis.
Plus de la moitié des Européens (55%) perçoivent le risque d'un conflit armé sur le territoire de l'Union européenne comme "élevé" ou "très élevé", avec des disparités importantes selon les pays. Sans surprise, les pays de l'Est sont les plus inquiets : 74% des Roumains et 71% des Polonais considèrent ce risque comme élevé, contre seulement 49% des Italiens.
Cette perception de menace s'accompagne d'une défiance marquée à l'égard de Vladimir Poutine, qui recueille le plus faible niveau de confiance parmi les dirigeants mondiaux avec une note moyenne de seulement 1,5 sur 10. À titre de comparaison, Volodymyr Zelensky obtient une note de 4,8 sur 10.
Trump perçu comme une menace, pas comme un allié
La méfiance envers Donald Trump est particulièrement prononcée. Près de deux tiers des sondés (63%) estiment que son élection a rendu le monde "moins sûr", et 51% le considèrent comme "un ennemi de l'Europe". Seuls 9% le voient comme "un ami de l'Europe".
Cette perception négative se retrouve dans l'opinion des Européens vis-à-vis des entreprises technologiques américaines, que 62% des sondés considèrent comme "une menace pour la souveraineté européenne". Une défiance qui touche également Elon Musk, perçu négativement par 71% des personnes interrogées, avec 55% estimant qu'on ne peut "pas du tout" lui faire confiance.
Face à ces menaces, une nette majorité d'Européens (70%) estime que "l'Union européenne ne doit compter que sur ses propres forces pour assurer sa sécurité et sa défense", contre seulement 10% qui pensent pouvoir s'appuyer sur les États-Unis de Donald Trump.
L'idée d'une défense européenne commune recueille un large soutien : 60% des personnes interrogées considèrent qu'une "défense européenne, avec une armée commune pour les pays de l'Union européenne" constitue la meilleure solution pour assurer leur sécurité, loin devant l'OTAN (14%) ou une armée nationale (19%).
Cette volonté d'autonomie stratégique se traduit également par un soutien majoritaire (71%) à l'idée d'obliger les pays membres de l'UE à "se fournir uniquement dans l'Union européenne pour renforcer la souveraineté militaire européenne", plutôt que d'acheter des armements américains comme c'est actuellement le cas pour plus de la moitié des importations d'armement.
Des Européens prêts à des efforts pour leur défense
L'enquête révèle également que 43% des Européens sont favorables à une hausse significative des dépenses militaires, estimant qu'il est "urgent de passer à 5% du PIB de l'Union européenne investi dans la défense pour se protéger des menaces militaires extérieures", contre 34% qui jugent qu'il y a "d'autres dépenses plus urgentes".
Plus surprenant, 52% des sondés se disent favorables à "l'établissement d'un service militaire obligatoire de 12 mois pour garantir la défense de l'Europe", avec un soutien particulièrement fort en Allemagne (68%).
L'extension de la dissuasion nucléaire française à l'ensemble des membres de l'UE est également soutenue par 61% des personnes interrogées, bien que de façon paradoxale, les Français soient parmi les moins enthousiastes (52% de soutien).
Concernant l'Ukraine, les avis sont plus partagés. Si 54% des Européens se disent favorables à ce que l'UE "s'engage militairement davantage auprès de l'Ukraine" face au retrait américain, 47% estiment que l'Ukraine "doit accepter de signer un traité de paix même si cela doit la conduire à céder la partie de son territoire occupé par la Russie", contre 35% qui soutiennent un engagement militaire "jusqu'à ce qu'elle reprenne le contrôle de ses territoires occupés".
Malgré cette lassitude, une majorité d'Européens (56%) reste favorable à l'intégration de l'Ukraine dans l'UE d'ici 2030, avec des variations importantes selon les pays : de 69% au Danemark à seulement 45% en France.
Une classe politique jugée insuffisante
L'enquête met également en lumière un mécontentement vis-à-vis des dirigeants européens, puisque 64% des sondés estiment que "les leaders européens ne sont pas à la hauteur des défis posés par la situation internationale". Seuls 36% jugent qu'ils sont à la hauteur, avec le Danemark comme exception notable (74% de satisfaction).
Face à l'administration Trump, les Européens privilégient majoritairement une attitude de "compromis" (47%) plutôt que "d'opposition" (33%) ou "d'alignement" (13%).
Ce sondage, réalisé du 11 au 14 mars 2025 selon la méthode des quotas, offre un aperçu inédit de l'opinion publique européenne face aux défis géopolitiques actuels et révèle une aspiration grandissante à l'autonomie stratégique de l'Europe, dans un contexte international perçu comme de plus en plus menaçant.