ENTRE ASPIRATIONS MONÉTAIRES ET RÉALITÉS POLITIQUES
Pour que l’ECO devienne une réalité tangible, un dialogue approfondi entre les principales puissances économiques et les autres États membres s’impose

L’instauration d’une monnaie unique, baptisée « ECO » – acronyme dérivé de l’ECOWAS en anglais – demeure une problématique centrale au sein de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Récemment, cette initiative a occupé une place prépondérante dans les débats menés lors d’une réunion des États membres de cet espace communautaire. Toutefois, sa concrétisation se heurte à de multiples entraves, aussi bien d’ordre économique que politique, en raison des réticences exprimées par les principales puissances économiques de la région.
Bien que l’intégration monétaire suppose un engagement collectif, les économies dominantes de la CEDEAO – en particulier le Nigéria, la Côte d'Ivoire et le Ghana – manifestent certaines réserves. Le Nigéria, en tant que moteur économique de la région, craint de voir son influence s’amoindrir en intégrant une monnaie qui ne refléterait pas exclusivement ses priorités économiques. De même, la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont, par le passé, ralenti le processus, compromettant ainsi les espoirs d’une mise en œuvre rapide. Tant que ces nations clés ne clarifieront pas leur position en faveur du projet, la concrétisation de l’ECO restera hypothétique. Ensuite, la CEDEAO fait face à des tensions internes qui complexifient davantage ce projet. La scission induite par le retrait des États membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger, constitue un frein majeur à l’unité régionale. En imposant des sanctions à ces Etats, la CEDEAO a creusé un fossé qui compromet ses ambitions d’intégration monétaire et politique. De surcroît, des États à l’image du Togo adoptent une posture ambivalente vis-à-vis de leur relation avec l’AES, rendant incertaine l’adhésion pleine et entière de tous les membres de l’organisation.
Une intégration des peuples encore lointaine
Si la monnaie unique devrait incarner un symbole d’unité, force est de constater que la CEDEAO des peuples demeure une utopie. Les disparités économiques entre les pays restent considérables, et la mobilité des populations ainsi que les échanges intra-régionaux sont encore trop limités. Sans une véritable convergence des politiques économiques et sociales, l’adoption de l’ECO risquerait d’exacerber ces disparités plutôt que de renforcer l’intégration régionale.
Pour que l’ECO devienne une réalité tangible, un dialogue approfondi entre les principales puissances économiques et les autres États membres s’impose. Une plus grande flexibilité dans les critères de convergence, couplée à une coopération monétaire progressive, pourrait encourager l’adhésion des nations réticentes. Il est également impératif de restaurer la confiance entre les États membres en recherchant une solution politique aux tensions opposant la CEDEAO à l’AES.
Vers une coopération monétaire pragmatique ?
À défaut d’une adoption imminente de l’ECO, une alternative consisterait à renforcer les mécanismes de coopération monétaire au sein de la CEDEAO. La mise en place d’un système de paiement régional permettant de faciliter les transactions sans recourir aux devises occidentales pourrait amorcer une transition vers une monnaie unique plus stable et inclusive. En définitive, si l’ambition d’une monnaie unique demeure vivace, sa concrétisation dépendra de la capacité des dirigeants à faire preuve de pragmatisme et de solidarité. L’intégration monétaire ne saurait être un succès sans une véritable intégration des peuples et une harmonisation des politiques économiques régionales.