LE JOURNAL DE Dakar’Art

SOLITUDE
La solitude construit un socle de silence et donne à tout artiste un regard particulièrement aiguisé.
Osons donc affirmer que les œuvres exposées, dans le cadre de cette 11e Biennale de l’art contemporain africain, sont autant de solitudes que de silences.
On ne crée pas dans le bruit, mais dans la solitude. Si bien vrai que l’écrivain d’origine égyptienne Edmond Jabès disait : «On parle pour rompre le silence, on écrit pour le prolonger.» L’artiste, qui décrit des formes et des volumes sur la pierre, la toile, le fer ou autre support, prolonge le silence, élément dans lequel se construisent les grandes choses. Trouver le silence, c’est se mettre en solitude. Cette solitude qui affirme et inspire le créateur. C’est en écoutant le silence que s’instaure le dialogue intérieur, que se développe la pensée. Il n’est point étrange ou asocial, pour l’artiste, de s’entourer du halo de la solitude, du recueillement, de la concentration, de la magnificence et du respect dû à la matière qui exprimera ce qu’aucun mot ne pourra traduire.
Alors, s’il vous arrive de voir un artiste au travail, ne troublez point son silence, ne perturbez pas sa solitude. Respectez son silence. Baba DIOP
ÉDITORIAL
L’ARTISTE ET LE GALERISTE
Entre relations d’affaires et promotion d’ART
SILENCIEUSE Parole
R E F L E X I O N LE QUOTIDIEN DE LA BIENNALE DES ARTS DE DAKAR
actu
ACTUALITÉ
EXPO INTERNATIONALE
En Bref
PEINTRE SENEGALAIS
Amary Sobel Diop, fabricant de paix
Le peintre Amary Sobel Diop, 43 ans, vit et travaille dans son atelier à Keur Mbaye Fall, en banlieue dakaroise. Habitué du Off, il expose pour la première fois dans le In de Dak’art. Le travail qu’il présente à cette 11e Biennale, Apologie pour la paix, rend hommage aux femmes. Il propose des portraits de fortes personnalités féminines, comme Ellen Johnson Sirleaf, Présidente du Liberia, ou la résistante sénégalaise anti-coloniale Aline Sitoe Diatta. Ses œuvres sont conçues à partir d’assemblages de tubes en alu de déodorants et de fil de cuivre.
Amary Sobel Diop explore ainsi une nouvelle esthétique axée sur la récupération. Sa technique, dénommée «assemblage-couture», lui permet de coudre, de coller et de peindre le matériau recyclé pour exprimer ses émotions et véhiculer des messages de paix et d’humanisme.
Amary Sobel Diop est le lauréat 2014 du Prix Oumar Ndao, offert par Vives Voix.
Fatou Kiné SENE
(Sénégal)
SCULPTURE ALGERIENNE
Yahiaoui,l’insoumis
A la fois peintre et sculpteur, le travail de l’Algérien Kamel Yahiaoui se développe sur des supports et des matériaux anciens. Baptisée, Le poids des origines, l’œuvre qu’il présente à ce Dak’art 2014 est une installation à la technique mixte sur une vieille balance en ferraille. «C’est une bascule des années 20 que j’ai récupérée. J’aime prendre une distance par rapport à l’histoire immédiate», explique l’artiste. Yahiaoui intègre divers éléments, physiques ou virtuels, détournés de leurs fonctions initiales, comme le masque et le casque colonial. Son langage pictural décrit une esthétique de l’engagement. «Je suis un insoumis, je suis contre la domination», dit-il.
Cet admirateur de Fanon et de Césaire vit et travaille à Paris depuis près d’un quart de siècle. Un peu malgré lui. Après ses études en France, il a voulu rentrer au pays. Sous la menace des islamistes, qui lui reprochent ses prises de position, il est contraint de rester dans l’Hexagone. Depuis, il travaille beaucoup sur l’exil, la justice, l’identité. «Sur le commun et sur ce qui nous ressemble», résume Yahiaoui. Cette vieille bascule détournée, il la présente somme une affirmation de l’identité africaine de l’Algérie. «Il faut que le pouvoir algérien sache que l’Algérie est définitivement africaine», proclame Yahiaoui.
Abdou Rahmane MBENGUE
(Sénégal)
L’art contemporain dans tous ses éclats
Le samedi 10 mai 2014, l’expo internationale, qui réunit 61 artistes, a été ouverte au Village de la Biennale sous la présidence du ministre de la Culture et du Patrimoine du Sénégal.
C’est une sélection riche, une mosaïque éclectique accueillant les arts les plus classiques et aussi les plus révolutionnaires. Des performances, des installations vidéo, du dessin, du design, de la BD, de la céramique, de la peinture. En somme, l’art contemporain africain s’épanouit en un vaste éventail à cette Biennale tel un feu d’artifice. Mais, de manière générale, c’est un art qui questionne un quotidien éminemment politique et qui est ouvert sur l’histoire de l’art.
On peut relever quelques œuvres qui ont fortement impressionné le public. La performance de l’Algérien Slimane Raïs, avec son installation Célébration, est un hommage aux tirailleurs sénégalais. L’artiste en treillis fait exploser des grenades, et, de leur déflagration, naît une pluie de 54 000 étoiles d’or. Et l’installation Le Fantôme de la liberté de la Tunisienne Faten Rouissi faite avec une table ronde avec de bidets comme sièges, du papier hygiénique et des micros pour dénoncer la confiscation de la révolution tunisienne.
Un clin d’œil à la Fontaine de Duchamp, mais en lestant la subversion du ready made une charge plus politique. Et l’installation My Dream, my words must tell after hell de l’Américaine Simone Leight, qui montre un dos de femme dont la tête disparaît sous les gravats. Cette œuvre fait la nique à l’Origine du monde de Courbet en dynamitant la représentation voyeuriste du nu féminin dans l’art.
Le public adhère et se retrouve dans ces œuvres, car comme le souligne fort justement le critique d’art ivoirien Yacouba Konaté : «On ne doit pas pour autant oublier que la réception d’une œuvre ne dépend pas exclusivement de son origine ou de sa teneur, mais aussi de sa capacité à faire entrer le public dans le dispositif des rêves qu’elle propose.»
Saïdou Alcény Barry
(Burkina Faso)
Trois Question à....
SLIMANE RAÏS, ARTISTE ALGERIEN
«Mes créations se spécifient à un espace»
Célébration est le titre de l’installation sélectionnée à la Biennale de Dakar. Comment la résumez-vous ?
J’étais invité à Dak’art, il y a quelques mois, pour y participer, et la première chose qui m’est venue en tête, c’est de penser à une œuvre uniquement et spécifiquement pour le Sénégal. J’ai repensé très vite à mon grand-père qui fut tirailleur sénégalais dans l’armée française. A travers cette œuvre, je rends donc un triple hommage : à mon grand-père, aux 70 soldats massacrés en 1944 dans la banlieue de Dakar (Thiaroye) et aux 54 000 tirailleurs sénégalais morts sous le drapeau français, entre la Première et la Seconde Guerre mondiale.
Quelle est la particularité que l’on retrouve dans vos différentes réalisations ? Sachez, tout d’abord, que je refais rarement les mêmes œuvres. Mes créations se spécifient à un espace, à un lieu, à un contexte, à un pays. Il est très rare que je présente deux fois une même pièce où alors c’est exceptionnel. Je m’intéresse avant tout à un art qui fait réagir, interagir avec le monde qui nous fait réfléchir.
Nous avons appris qu’après Dak’art, une autre exposition vous attend. Vous le confirmer ?
Exactement. Je prépare une exposition qui aura lieu très prochainement avec l’un des commissaires de cette 11e Biennale, Abdelkader Damani. Une autre exposition m’attend aussi à Paris.
Patrick Nzazi
(RD Congo)
2 Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014
ACTUALITÉ
EXPO «DIVERSITE CULTURE»
Regard croisé d’artistes sur
les problèmes environnementaux
Le musée Théodore Monod baigne dans un décor multicorps, multiforme, à cette 11e Biennale de l’art africain contemporain. Il bouillonne de créations artistiques aux formes, couleurs et styles assez diversifiés. Sculptures, peintures, installations et vidéos donnent à manger aux yeux dans cet espace très célèbre par son pacte avec l’art. De la réunion de toutes ces œuvres, une idée majeure se dégage : la défense de l’environnement. Ici, l’environnement est à la fois atmosphérique, psychique et organique.
Il faut partir de l’installation sculpturale du Béninois Zount pour rentrer dans cette exposition. Il présente les Messagers de l’environnement. Trois musiciens avec gongs, trompette et tambour à qui tournent le dos un éléphant et un grand oiseau. Nous sommes dans le «temps présent», un appel à la fin de la destruction très avancée de l’écosystème. L’œuvre de Zount pose la même problématique que celle de
MBAYE BABACAR DIOUF
Momar Seck, qui donne une belle caricature du bouchon au quotidien dans les différentes capitales du monde. Il baptise d’ailleurs son œuvre Embouteillage, une installation impressionnante de ce que peut-être un embouteillage aux heures de pointe ou pendant les grands travaux urbains. De ces bouchons résultent la pollution atmosphérique, des affections pulmonaires et autres. De là à aborder les toiles La malédiction des ressources naturelles, Julien Grossmann et Flou-net de Barkinado Bocoum, on se retrouve toujours dans le débat sur les questions environnementales. Du coup, Zount voit l’homme au cœur de la destruction du monde. Mais de cet homme, il extirpe des artistes musiciens pour agir sur les consciences avec des instruments sonores qui ont été souvent utilisés par les peuples pour appeler à la paix, pour porter loin un message. Tout comme Mbaye Babacar Diouf, ils font une Médiation sur l’humanité. Le tout couronné par le Mal chauvinisme du Ghanéen Ray Agbo. Ici, il s’agit d’une installation qui choque, repousse et attire à la fois. La matière est le sexe masculin sculpté massivement. Pour l’artiste, c’est un hommage à la femme détentrice du pouvoir et l’homme de la force. Et Nico vient tout apaiser avec son Pousse-pousse d’amour.
Fortuné SOSSA (Bénin)
Mémoire et richesse des signes
Pour sa première participation au In à Dak’art, Mbaye Babacar Diouf a choisi d’offrir aux regards des visiteurs l’humanité en interrogation à travers ses peintures Méditation sur l’humanité et Signes et symboles visibles au musée Théodore Monod, dans le cadre de l’exposition «Diversité culturelle» qui réunit 33 artistes de différentes nationalités.
Les deux œuvres du jeune artiste sénégalais – il est né en 1983 impriment une force d’expression des lignes, empreinte de spiritualité, puisée aux sources de la lecture du signe et de l’écriture, lieu-mémoire de la condition humaine, de la transpiration de l’humanité dans la marche du temps. C’est peut-être pour des raisons de scénographie ou de faire peser l’image et son discours que Diouf a mis en rapport des formats d’inégale dimension, mais aussi en opposition de ton.
Si Méditation sur l’humanité, (200 x 150 cm) est très vive par la variété des tons et imposante par son envergure, Signes et symboles, de format moyen (80 x 60 cm), attire le visiteur sur une surface picturale visuellement beaucoup plus simple, mais dense dans sa composition en noir et blanc.
«Nous sommes toujours avec les signes depuis la peinture rupestre jusqu’à l’écriture numérique. Je ne crée pas un langage pour déchiffrer, mais pour toucher autant de formes produites par les civilisations humaines, rappeler notre responsabilité individuelle face à l’humanité», explique Diouf, enseignant d’art, par ailleurs étudiant en Master 2 en Art et Culture à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Martin ANGUISSA (Cameroun)
Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014 3
NEWS & CRITICS
Kenyan Debate Finds Space at the Dak’Art Biennale
It is funny that political conversations that I have been involved in for the last six to seven months should follow me (or is it the other way round) to Dakar. When I left Kenya for my “art pilgrimage” to courtesy of the Dak’Art 2014, part of the political discourse in the country then was on the new regulatory legal framework that is supposed to help improve the Public Benefit Organisations also known as the Non-Governmental Organisations (NGOs) to serve the public better.
The hot debate around this new legal framework has been heightened by the government’s attempt, late year, to try and introduce some amendments that were by and large going to either cripple or kill the NGOs sector, inspite of their significance and input to development.
There is now a new confrontation pitying the government that argues that they need more regulations that to reform the sector and the stakeholders with the NGOs who argue that the move
Ezra Wube is a stop action animation video artist who hails from Ethiopia but now calls the USA home. Of life in America, he said “I just don’t want to be called ‘the Ethiopian artist’ I feel like that’s becoming problematic for me I just want to be ‘artist’”.
He is exhibiting two video installations at this year’s Dakar Biennale, which are inspired by traditional Ethiopian folklore and the desire to preserve stories. The one video features stop frame animated paintings and tells the story of three animals: a dog, a goat and a donkey catching a taxi ride. Wube said that the story is a is ill timed. Those opposed to the government move argue that the new regulation that become law early last year (2013) has not been tested because the government minister in charge has been reluctant to commence the new law.
The opponents argue that changing the new law and making it more punitive before it is even tested is insensitive. Supporters of the new law argue that it was developed in a participatory way. It took about four years to develop it and the process brought together representatives of a wide spectrum of NGOs and even government bodies and departments. NGOs maintain that the new law is good.
However, even as this debate goes on in the government offices and NGOs spaces, ordinary citizens are holding their own debates and points of view. One of this point of view by the citizen has received space at this year’s Dak’Art biennale and while subtle, it speaks volume. The role and significance of NGOs is discussed by Kenyan- common story in Ethiopia, “... it’s something you would hear in a coffee house or on a bus something like really very mundane it’s not taken seriously ... it actually interests me because like it’s so insignificant but if you really look at it, I feel like it’s actually very poetic and it has lots of larger social political context.”
The story is also symbolic on a deeper level. “It’s also about this never ending tension between tradition and modernity, between nature and machine you know because you always struggle with people and progress,” explained Wube.
The second video, a more perso based artist Sam Hopkins with his installation Logos of Non Profit Organisations working in Kenya (some of which are imaginary). A silk screen measuring 80x230x5 cm each and started in 2010, the project is an ongoing interrogation.
“That the NGO sector is very important in Kenya is without doubt,” Sam pointed out. “However, what is not clear is what qualifies as charity, development or aid.”
Sam Hopkins addresses this wide assortment of NGOs and their diverging missions by focusing on the aesthetics of their logo designs.
It is not only Sam Hopkins, who discussed politics at this year’s Dak’Art biennale. It is a recurring theme that is openly discussed by some artists and others are subtle. The work is presented as paintings, sculptures, installations and even videos.
Amary Sobel Diop’s Apologie pour la paix (Apology for Peace) pays tribute to the women of the past few decades responsible for a fragile that is maintained through their actions. These women include Tawakal Karman, Alione Sitoe Diatta, Ellen Johnson Sirleaf, Leyman Roberta Gbowee and Rigobert Manchu Tum.
Halida Boughriet’s HD video dubbed Transit touches on politics. Linked to both her Arabic background and Western culture, Halida shows how human relationships are powerful and violent. Her work involves political, social and aesthetic matters.
Serge Olivier Fokoua’s installation Emprise falls into this category too. Emprise questions the motives of democratic representatives. How can we trust those who “only think with their gut?”
Kimani J. LEVIS (Kenya)
Ezra Wube
Ethiopian folklore brought back to life in stop action animations
4 Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014
Note
In the last edition of Dak'art Daily News, we've made a mistake about a story on page 5. Notice that the author of the story untitled '' Global Unity and accountability tacled throught artworks '' is written by Kyla Hermannsen and not Kimani wa Wanjru.
nal piece, is based on a story Wube’s grandmother told him while sitting in her kitchen one day. After her death, Wube decided to visually depict the story – animating it with objects from a kitchen. “I was using elements in the kitchen like the food like types of grains likes beans all that stuff she raised me with,” said Wube, “its about modernity and tradition, keeping the past and moving forward.”
Explaining his love for animation, Wube said “Traditional culture is not a static one-faced reality it’s always losing and gaining I think animation for me kind of has that its morph-able it’s adding, losing and it kind embraces it and celebrates it.”
This is Wube’s first time in West Africa and he said it is an honour to be part of the Biennale. “It’s so amazing just being on the continent and just meeting all these various points of views and perspectives, it has huge symbolism for me emotionally, you know,” said Wube.
Kyla HERMANSSEN
DECOUVERTE
FLASHBACK
Younès Baba Ali
«Un jeune artiste a besoin de cette reconnaissance»
Que vous a apporté le Grand Prix Léopold Sédar Senghor remporté à la dernière édition ? Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
Plein de choses... Sur le moment, c’était une belle surprise. On était dans une énergie de travail de dernière minute, mais cela m’a beaucoup boosté ; c’était un soutien énorme. Un jeune artiste a besoin de ce type de reconnaissance, c’est sa nourriture, surtout dans mon champ de travail qui utilise le son, la vidéo, c’était frais et c’est bien d’exister en tant qu’artiste avec ces médiums. C’est une valorisation, il y a eu un intérêt pour mon travail et cela m’a surtout beaucoup lié à la ville de Dakar, j’ai une belle relation avec cette ville, notamment grâce à ma résidence à Vive Voix et le travail effectué avec Kër Thiossane...
Justement, votre présence à Dakar et plus particulièrement lors de votre résidence à Vive Voix, a-t-elle influencé votre travail ?
Cette résidence m’a permis de réfléchir à de nouveaux projets avec la ville de Dakar. J’ai fait quelques essais, je voulais travailler avec les lutteurs professionnels dans l’espace public, les mettre en situation, les faire lutter avec des objets du quotidien, contre une chaise en plastique, un téléphone portable... Cela sous forme d’interventions dans la ville, des combats avec tout le rituel : préparation, bénédiction, gris-gris... Ma démarche met à jour les relations de consumérisme avec les coutumes du pays. La lutte est ici vraiment le sport national, comme le football au Maroc. Cela révèle beaucoup de choses sur la relation au corps, la dimension spirituelle... C’est un projet en cours, quelque chose que j’aimerais travailler sous forme d’actions. J’ai également un deuxième projet sur le marchandage, la négociation, où on retrouve une notion de survie où l’on négocie sa propre existence. Cela prendra la forme d’une performance où je me promènerai en acceptant toutes les propositions des marchands ambulants rencontrés sans négocier. J’accepterai tout d’emblée ! La forme finale du travail sera un témoignage vidéo ainsi qu’une accumulation de tous ces objets, qui prendra la forme d’une sculpture sociale.
Quel est votre sentiment sur la nouvelle édition de cette année ?
Les commissaires ont fait un travail très important. J’apprécie beaucoup la démarche d’Abdelkader Damani – chargé de la sélection des artistes d’Afrique du Nord que j’ai eu la chance de rencontrer lors de la dernière édition. Il y a une continuité dans l‘engagement à défendre l’art contemporain africain comme il est, ainsi que celui de la diaspora. Cette année, il y a un équilibre dans le choix des artistes, qui mélange artistes confirmés et plus jeunes. J’aime beaucoup le travail de Mehdi-Georges Lahlou par exemple, c’est une audace de montrer son travail... Moimême, j’avais été surpris d’avoir été primé pour ma pièce Call for Prayer – Morse, qui est un questionnement critique. Il y a une audace sincère dans cette Biennale et on en a besoin. Il y a une grande qualité des choix curatoriaux qui promeuvent des travaux ancrés et non des «copier/coller», et il y a une belle confrontation entre l’art africain contemporain et son esthétique, et un art plus conceptuel, influencé par les écoles européennes.
Syham Weigant
(Maroc)
PROFIL
Worou Ayeditin AKPO
(Ishola), photographe et artiste multimédia
Présent à la Biennale de Dakar dans le cadre du Off organisé par la Wallonie-Bruxelles, Ishola n’a pas usurpé sa place. Performance d’Ishola Akpo à Cotonou © Eustache Agboton Passionné d’art et des nouvelles technologies, Ishola a su s’inventer son métier, combinaison de ses deux passions : photographie et multimédia. Né en 1983 en Côte d’Ivoire, Ishola Akpo vit et travaille à Cotonou (Bénin). Pour lui, une image n’a de sens qu’après avoir été traitée par ses soins.
La reconnaissance artistique du jeune Ishola Akpo commence d’abord à l’extérieur avant de gagner ses compatriotes qui ne comprenaient pas sa démarche artistique. Il participe à deux reprises au Forum Transculturel d’art contemporain de Port-auPrince en 2008 et en 2011, et fera une résidence à Dakar en 2012, à l’occasion de la Biennale de l’art contemporain de la capitale sénégalaise.
Lauréat de plusieurs prix dont celui de la Fondation Heinrich Böll et de la session Freelens du Webdoc (Festival de Photographie de Toulouse, 2012) c’est surtout sa série Les redresseurs de Calavi qui révèlera vraiment Ishola Akpo. Cette série sera sélectionnée au 11e Aleppo International Photography Festival en Syrie puis à Photo Off Paris, Mois de la Photo 2012 en France. Ishola Akpo a participé également aux éditions de Périféeriques # 1 et # 2 au Bénin puis Sénégal.
Sa première exposition au Bénin, Ishola Akpo la fera du 25 janvier au 22 mars 2014 à l’Institut français de Cotonou où il présentera Pas de Flash s’il vous plaît, une installation réalisée après une résidence de trois mois à la Cité des Arts à Paris, dans le cadre du dispositif Visa pour la Création (Institut Français) dont il est le lauréat en 2013.
Eustache AGBOTON
(Bénin)
Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014 5
REFLEXION
L’ARTISTE ET LE GALERISTE
Entre relations d’affaires et promotion d’ART
La 4e table-ronde des Jean Loup Pivin a indiqué d’années de galeriste, qui guette Malemba. A sa suite, rencontres scientifiques de cette 11e Biennale de l’art africain contemporain a cristallisé, hier, les réflexions des participants sur la relation entre l’artiste et le galeriste. Une «idylle» souvent contrariée par les contingences du marché de l’art.
Entre l’artiste et le galeriste, ce devrait être l’accord parfait. Le premier a besoin du second pour s’offrir une visibilité sur le monde. Le second s’appuie sur le premier pour faire de bonnes affaires, tout en promouvant la création artiste. Entre ces deux entités, la relation est si étroite et si complexe, que la Biennale a décidé, cette année, de poser le débat sur les liens du couple artistegaleriste.
Ainsi, pour cette 4e tableronde des rencontres et échanges du Dak’art 2014, sept panélistes, dont deux artistes, ont porté, chacun, sous la modération d’Alioune Badiane, un regard sur la collaboration entre l’artiste et le galeriste.
Architecte et critique d’art,
qu’un artiste inconnu et un artiste largement reconnu n’ont pas la même relation avec un galeriste qui achète et vend les œuvres. «Indépendamment de la reconnaissance de l’artiste, il y a aussi des pratiques artistiques qui ne sont pas liées au marché de l’art, et où le galeriste deviendra plus agent d’artiste que réel vendeur», a-t-il ajouté.
Selon Pivin, les grandes galeries d’aujourd’hui suivent et accompagnent les carrières des artistes reconnus, tandis que les petites jouent le rôle de découvreuses. Et entre les deux, il y a «toute la variété des pratiques». Jean Loup Pivin précise également que les grandes galeries ne signent pas de contrats d’exclusivité avec les artistes, ce sont les petites galeries qui le font, même si elles ne peuvent pas empêcher les artistes de partir.
Toutefois, il reste convaincu que les galeries sont les seuls outils pour les artistes d’aller plus loin.
Ensuite, Jean-Philippe Aka, Directeur de la Heart Galerie à Paris, a partagé succinctement son expérience d’une quinzaine
«vend» divers artistes en Europe, aux Etats-Unis et en Afrique, où il commence à s’installer depuis 4 ans.
«Notre reconnaissance doit venir de l’Occident»
Responsable des arts vivants et visuels à l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), Huguette Malemba a rappelé que l’approche de son institution se décline en trois volets : la formation des artistes, l’accès au réseautage international et l’appui structurel aux artistes et aux grands rendez-vous, comme la Biennale. Selon elle, l’OIF accorde une attention particulière à la créativité, à l’innovation. «Ce qui nous intéresse, c’est le regroupement des projets communs portés par plusieurs structures», a-t-elle précisé, notant au passage que l’OIF accompagne, par exemple, la Biennale. «Nous sommes passés de l’appui ponctuel à l’appui structurel. Nous intervenons sur plus d’une centaine de projets. Notre apport à la Biennale est importante parce qu’elle nous permet de gagner de la visibilité et aussi d’accompagner les artistes», a conclu Hu-
M. Francisco d’Almeida, expert OIF, a relevé la nécessité pour ce secteur de mettre en place des stratégies d’accompagnement. Et sa vitalité, aux yeux de M. d’Almeida, dépend justement de l’accompagnement qui lui est fait.
Très concernée par cette thématique, Mme Thérèse Turpin Diatta, Présidente du Comité d’orientation de Dak’Art, et également galeriste, a déploré l’absence d’appui au secteur privé, qui devrait permettre aux galeries d’accompagner les artistes. Et elle encourage la coopération Sud-Sud parce que, ajoute Mme Turpin Diatta, «il ne faut pas penser que notre reconnaissance doit venir de l’Occident, elle doit venir plutôt du continent». Enfin, deux artistes photographes, l’Ethiopienne Aida Muluneh et l’Ivoiro-Français François-Xaviert Gbré ont partagé avec l’auditoire leurs expériences de collaborations avec des galeries, qui, si elles sont fructueuses, peuvent aider l’artiste à émerger.
Yacouba SANGARE
(Côte d’Ivoire)
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Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014
OFF
A LA BISCUITERIE DE LA MEDINA
Les Congolais s’unissent AUTOUR DE L’ART
A l’occasion du Dak’art 2014, des artistes des deux Congo parlent d’une voix, à l’initiative du centre d’art Les ateliers Sahm que dirige la plasticienne congolaise Bill Kouélany.
Au total, quinze artistes brazzavillois et Kinois conjuguent leurs ef-
forts pour offrir aux biennalistes une exposition de haute portée, avec pour titre : Congo (s), esthétiques en partage ; audelà des géographies. Le vernissage a eu lieu le samedi 10 mai 2014 à la place de la Biscuiterie de la Médina, en présence de plusieurs amoureux des arts visuels contemporains.
Sur place, Frangeska Mbouma, Boris Diaboua, Van Andréa, Doctrovée Bansimba, Paul-Alden M’vout, Gad Louckombo, Shaggy Luamba, Jordy Kissy Moussa, Pierre Man’s et Ori Huchi Kozia, Eddy Kamwanga, Ange Swana, Jusie Nsana, Jérémie Kum’s, Francis Tenda et autres nous plongent dans une universalité des techniques et médiums. Peinture, sculpture, vidéo, installation... sont au rendez-vous.
Sur le site, plusieurs créations sont à découvrir absolument.
C’est le cas de l’œuvre de Paul Alden intitulée Chiffre 3. Ce travail artistique décrit clairement la situation sociale de certains jeunes Africains. Leurs préoccupations se résument à trois choses : la bière, la femme et le vêtement. Au détriment de certaines vertus pouvant développer le continent. Ce n’est pas tout ! Il y a encore de plus captivant. Comme la création proposée par Eddy Kamwanga, qui revient sur le métissage culturel.
Pour les initiateurs de cette exposition Off, l’enjeu, avec ce projet, est d’inviter les participants à réinvestir la pluralité de sens du mot atelier. Il renvoie à un lieu de travail, à une communauté plus ou moins restreinte, regroupée pour œuvrer à une même entreprise.
La plupart de ces artistes ont déjà participé activement à des rencontres internationales d'art contemporain initiées par Les ateliers Sahm. D’où leur sélection.
«C’est un cheminement. Ces sont des artistes que j’ai eu à découvrir, il y a plus d’une année, et je connais l’évolution de leur travail. Certains d’entre eux ont été en résidence au centre», souligne Bill Kouélany, Directrice artistique des ateliers Sahm. Elle ajoute : «Dak’art 2014 n’est qu’un premier acte que fixe notre centre d’art. Il s’agit de soutenir et d’accompagner les jeunes talents à représenter le grand Congo aux plus hautes instances de la création artistique contemporaine.»
Cette exposition se tient au moment où les relations diplomatiques entre la république du Congo et la République démocratique du Congo sont presque brouillées. Malgré cette petite crise passagère, les artistes des deux rives parlent d’un même langage. Ce, avant que l’option du dialogue entre les acteurs politiques soit prise. Vu que les deux peuples sont dans l’obligation de faire de ces pays un moteur du développement économique de l’Afrique centrale.
Patrick NZAZI (RD Congo)
RENCONTRES ET ECHANGES
Monde multipolaire, inter-culturalité, esthéticiens...
Ces défis qui interpellent l’historien d’art
La posture de l’historien d’art a connu une évolution qui a épousé les différents contours de la marche du monde. Si les années 1960-1970 ont été marquées par l’apparition d’un courant artistique lié à l’art abstrait, celles qui ont suivi ont vu une multiplicité de pratiques artistiques.
Ainsi, le monde de 1960, qui était unipolaire, va devenir multipolaire aussi bien sur le plan politique qu’artistique. Ce monde multipolaire partage ses «exotismes» et va enregistrer des «productions artistiques mondialisées, mais aussi et surtout localisées».
Professeur d’esthétique et d’histoire de l’art à l’Université Bordeaux-Montaigne, Bernard Lafargue, qui livre cette analyse, note que l’historien d’art est appelé à réussir son insertion dans ce monde multipolaire, marqué par une «infinité de critères» ; en plus de devoir travailler de concert avec des anthropologues, esthéticiens, entre autres. Chaque artiste, appartenant à un contexte, une entité locale, doit pouvoir se renseigner sur tout ce qui se fait de par le monde. Et suivant cet esprit, note le Pr. Lafargue, l’historien d’art doit faire sien le concept «glocal» ; autrement dit «globalisation et localisation».
Ce débat autour de l’historien d’art posé dans le cadre de la 11e Biennale de Dakar aura permis au sculpteur nigérian, le Pr. Frank Ugiomoh, de repréciser le rôle de ce rendez-vous de l’art contemporain : «Etant donnée la réalité de l’inter-culturalité et de la politique de reconnaissance, le Dak’art est une arène africaine à l’intérieur de la modernité globale.» En plus d’encadrer le modernisme africain, la Biennale offre «un espace particulier (...) pour l’art africain en tant que pratique au sein du discours de l’art mondial contemporain». Aujourd’hui, la «biennalisation» fait que «l’historien d’art est agressé par les œuvres qu’il doit comprendre et faire comprendre».
Mbagnick NGOM
(Sénégal)
Dak’art actu N°4 Lundi 12 mai 2014 7
INFOS PRATIQUES
AGENDA DES VERNISSAGES Dak'art 2014 (OFF DU 12 MAI)
N 'oubliez pas de consulter votre guide et programme IN et OFF
Contact
Biennale de l’art africain contemporain Email : info@biennaledakar.org Site web : www.biennaledakar.org Tél : +221 33 823 09 18
Fax : +221 33 821 16 32 Secrétariat Général de la Biennale des Arts de Dakar
19, Avenue Hassan II
BP 3865 Dakar RP
Dakar Sénégal
Site internet
www.biennaledakar.org www.biennaledakar.com www.biennale-dakar.org www.biennale-dakar.com
11 h00
Galerie Arte Rue Victor Hugo
Konton’oo’ Zinkpe, Tchief ( Bénin)
16 h 30
Centre hospitalier de Fann Atelier de Patients en Psychiatrie
Fondation Friedrich Naumann
16, Rue Léon Gontrand Damas
Deux Générations de Femmes
Par le Musée de la Femme Henriette Bathily<
17 h 00
Place du Souvenir ( Coupole A)
Sélection d’artistes par la Royal Air Maroc
A l’étage ; Barkinado Bocoum
17 h 00
Place du Souvenir ( Coupole B)
Sélection d’artistes par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel
17 h 30
Maison des élus locaux Ndadié 9, Adama Boye et artistes invités
18 h 00
Villa Mermoz-Sotrac Mermoz–Tél.:338650800
Tafsir Guèye, Wamba Lomombla
18 h 00
Soly Cissé, Serigne Cissé Hôtel de Ville de Dakar
18 h00
Koba Club, Face Hôtel de Ville de Dakar
Viyé Diba, Touré Béhan, Jean Tamba, Coichiolo, Mbengue
18h00
Place de la Gare -Dakar Sculptures de Balla Ndao
18h00
Le Toukouleur, rue Moussé Diop
Mamady Seydi Sculptures
18h00
Monument de la Renaissance africaine
Jean Cassien Guèye, Djibril Goudiaby
et artistes invités
18 h 30
Atelier Fer et Verre Résidence ABC Av. Bour-
guiba
Formes et matières di-
verses dans l’atelier d’Anta Germaine Gaye
19 h 00
Keur Thiossane, Sicap Liberté 2
Afropixel 4
19 h 00
Espace Médina rue 33 X10
Moussa Traoré, Ricardo Pirovana, Lipo Romuald, Enzo
19 h 00
Galerie Kemboury 2 Piscine olympique Temandrota, Tahina Rokotaarivony
et Zakaria Azaly (artistes malgaches)
19h00
Galerie Kemboury 1 Canal 4
Mbaye Babacar Diouf et Kiné Aw
20h00
Hôtel Diambour, 121 rue Carnot