LA BOULETTE DE POLICE
NOUVEAU SCANDALE DE DROGUE
L’Ocrtis allume les contre-feux. En conférence de presse hier, le patron de l’Office central de répression du trafic illicite de drogue a lâché Ibrahima Dieng arrêté avec des boulettes conditionnées de cocaïne. Mame Seydou Ndour se démarque de ses actes et soutient que l’Ocrtis n’a rien à voir dans cette affaire.
L’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) est sous le halo des projecteurs. L’arrestation du policier Ibrahima Dieng, jusqu’ici en poste dans ce service, le met dans une situation de malaise.
Arrêté en pleine transaction de boulettes de cocaïne conditionnées avec un narcotrafiquant nigérian par la Section de recherches de la gendarmerie, le limier remet son corps au cœur d’un nouveau scandale. Mais le directeur de l’Ocrtis préfère banaliser cette affaire en l’assimilant à un simple fait divers qui peut toucher tous les corps rongés par des brebis galeuses.
Très amer, le commissaire divisionnaire Mame Seydou Ndour a admis que Ibrahima Dieng fait partie du personnel de l’Ocrtis. Mais il s’est rapidement démarqué de ses agissements qu’il ne peut évidemment pas cautionner dans un contexte où la police tentait de recoller les morceaux de sa crédibilité après les révélations fracassantes de Keïta.
En marge d’un point de presse organisé par l’Ocrtis sur ses dernières saisies de drogue, il tranche net : «Là je n’irai pas loin. Tout ce que je peux vous dire c’est que l’Ocrtis n’a rien à voir avec cette affaire.» Il l’«incinère» en soutenant que Ibrahima Dieng a agi en dehors de son service.
«Le fonctionnaire qui quitte son service et rentre chez lui est un citoyen comme vous, comme moi. Il peut avoir ses propres agissements. On ne peut pas mettre derrière chaque agent un autre pour le surveiller toute la journée et même quand il dort.
Ce n’est pas possible. Quand vous rentrez chez vous, ce que vous faites n’engage que vous. C’est un acte qui n’a rien à voir avec le service. C’est un acte individuel», botte-t-il.
En suivant son raisonnement, il l’assimile à une brebis galeuse égarée en bord de route. Passablement agacé, le directeur de l’Ocrtis invite «à garder raison» en soutenant que l’enquête est en cours. «Et nous sommes tenus de respecter les secrets», martèle-t-il.
Catégorique, il promet que l’Ocrtis «va sévir au cas où son agent est reconnu coupable» des délits de trafic international de drogue. «Si on trouve que l’agent a fauté, il sera sanctionné conformément à la loi et à son statut.
Par rapport à cette affaire, je ne vais pas me lancer outre mesure, nous allons écouter, suivre l’enquête, voir ce que cela va donner et nous prendrons nos responsabilités en conséquence», rassure-t-il
Le successeur de l’ex-commissaire Cheikh Keïta à la tête de l’Ocrtis a insisté sur la bonne réputation de son service. Il ne réfute pas néanmoins l’existence de brebis galeuses au sein de ce démembrement de la police censé réprimer le trafic de drogue.
Il dit pour gommer les dernières résistances : «Parmi les citoyens, vous verrez des gens qui feront normalement leur travail. Vous verrez d’autres qui vont dévier. Cela va de soi, nous recevons tous la même formation, mais quand nous devons travailler, il y a des gens qui auront un autre caractère, les uns vont vers la droite d’autres vers la gauche. Il y aura qui auront un caractère droit tel qu’ils ont été éduqués.
Dans une famille vous pouvez avoir du tout. Ce qui s’est passé ici s’est passé ailleurs et se passera encore ailleurs», a-t-il ajouté. Les faits sont-ils si têtus ?
Loin d’être ébranlé par cette affaire, il se réjouit «du bon travail qu’il a abattu à l’Ocrtis» en compagnie de son «équipe».
«Je suis en train de faire un travail et je le fais consciencieusement et ça donne des résultats. Depuis qu’on est là, on peut faire état de tous nos résultats et je ne baisserai pas la tête», se glorifie-t-il.
L’Ocrtis saisit 1 tonne 36 kg de brown en deux jours
Ces derniers jours, les agents de l'Ocrtis n’ont pas chômé. Ils affichent des résultats qui justifient la création de cette structure. Dans la nuit du lundi au mardi, ils ont mis la main sur 1 tonne 10 kg disséminés dans 21 sacs de 50 kg à Pout. Depuis plusieurs jours, l’équipe opérationnelle de l’Ocrtis filait un trafiquant de drogue qui avait loué deux chambres dans les champs fruitiers de Pout et qu’il payait 75 000 francs la pièce.
Après 48h de planque, l’Ocrtis a réuni toutes les informations qui justifient l’assaut.
Le présumé trafiquant a été arrêté à 00h 25mn. De nationalité malienne, Ibrahima Kanté, né en 1975 à Bamako, était couvert de ses activités de commerçant établi dans la capitale malienne.
Mame Seydou Ndour, directeur de l’Ocrtis, a dévoilé sa prise lors d’un point de presse. Sous le crépitement des flashs, le mis en cause, qui trafiquait le brown, est mis à nu : Menotté, il est immortalisé par les photographes devant la drogue qu’il comptait écouler sur le marché.
Le commissaire divisionnaire savoure cet instant de gloire en soutenant qu’il n’est pas inconnu du fichier de la police.
«Il n’est pas à son coup d’essai, selon les informations que nous avons reçues sur lui. Il est poursuivi pour détention et trafic international de drogue», informe le commissaire Ndour. «Même son fournisseur a été identifié. Mais en raison de l’enquête qui suit son cours», il se réserve de donner plus d’informations sur lui.
4 millions pour corrompre la police
En dehors de cette saisie, les éléments du commissariat de police de Rufisque ont arrêté aussi d’autres trafiquants avec 260 kg de drogue semblable à celle en provenance du Mali. Parmi ces quatre trafiquants interpellés par les éléments de l’Ocrtis, un est poursuivi pour trafic international de drogue et les trois autres pour complicité.
C’est au cours d’une opération que l’attention des policiers a été attirée par un comportement suspect des individus qui s’affairaient autour d’un camion. Au moment d’inspecter le camion, ils ont essuyé des coups de feu. La police réagit.
Le chauffeur, qui a senti l’étau se resserrer autour d’eux, a pris les clefs du camion avant de prendre la fuite en laissant derrière lui son apprenti, Baye Badiane Ndiaye, et un chargeur garni de 20 cartouches.
Arrêté, l’apprenti est soumis à un interrogatoire serré des limiers. Alors qu’ils n’ont pas encore fini de cerner les contours de ce trafic, le propriétaire de la drogue appelle, informe M. Ndour, pour rencontrer le chef de l’opération.
Localisé à Kaolack, il lui propose la somme de 4 millions de francs pour la libération de son «dealer» et du camion. Les agents de l’Ocrtis jouent le jeu en acceptant la proposition. Il envoie trois émissaires pour remettre à la police ladite somme.
Au moment de la transaction, ils sont arrêtés et jetés dans le panier à salade. En définitive, ils seront poursuivis pour complicité de trafic international de drogue.
«L’incinération se fait en conformité à la loi»
C’est un cérémonial escorté de doutes. Interpellé sur l’incinération de la drogue saisie, le patron de l’Ocrtis constate qu’il y a trop de spéculations autour de cette question.
«Quand je regarde la télévision, j’entends des gens dire après un jugement où se trouve la drogue. C’est méconnaître les choses. L’Ocrtis est gardienne de la drogue et nous connaissons la destination de la drogue saisie», dit-il.
«Nous nous basons sur le Code de la drogue qui parle de la procédure sur la saisie, l’enquête et l’incinération de la contrepoison et des attributions de l’Ocrtis. On ne peut pas amener toute la quantité saisie au Tribunal. Il se posera un problème pour sa sécurisation», détaille-t-il.
«C’est pourquoi la loi nous demande d’amener un échantillon pour les besoins de preuves. Le code prévoit d’incinérer le reste. Ce qui doit se faire selon une procédure qui implique le Comité interministériel de lutte contre la drogue et l’Ocrtis. Cette incinération est précédée d’un contrôle en amont et en aval avec un procès-verbal», informe-t-il pour balayer les interrogations qui entourent cette opération.