LES EXCÈS DES WADE
NÉPOTISME AU SOMMET DE L’ÉTAT
Cette partie du livre du Colonel Ndaw apporte un éclairage de plus sur la façon de faire de l’ancien Président. Me Wade, écrit-il, a tenté de nommer Lamine Faye et trois autres calots bleus au grade de capitaine de gendarmerie.
Dans le chapitre 14 de son livre, le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw a relaté un fait qui traduit à bien des égards le népotisme qui existe jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
L’auteur affirme que le président de la République a voulu nommer “quatre calots bleus dont Lamine Faye (son neveu), capitaines de gendarmerie” et “les intégrer dans sa garde rapprochée”. M. Ndaw, qui était alors à la DIRCEL, raconte : “le ministre qui avait reçu les instructions me demanda de préparer la mesure et le projet y afférent”.
L’ancien Haut commandant adjoint de la gendarmerie déclare avoir opposé un niet catégorique au ministre ( ?), tout en lui demandant de l’enlever de la DIRCEL si jamais il devait appliquer l’instruction présidentielle.
Pour lui montrer l’illégalité de la décision, il dit lui avoir montré l’ensemble des textes s’opposant à de tels actes et qu’il avait la responsabilité d’exposer au Président. Il le fit lors d’un conseil de sécurité. “...les généraux qui ne pensaient qu’à leur survie ne pipaient mot. Seul le Général Niang, alors ministre de l’Intérieur, vint à son secours en acceptant de commissionner les calots bleus dans la Police nationale”, regrette-t-il.
Une position qui n’est pas sans conséquence sur le colonel Ndaw, puisqu’il déclare que, plus tard, ses ennemis se sont ligués avec Lamine Faye pour lui faire payer cette intransigeance. Ceci sera le premier choc connu par la DIRCEL.
Le deuxième choc, si l’on se fie à l’auteur, intervient avec la volonté de Viviane Wade de se débarrasser de la garde présidentielle. Pour arriver à ses fins, elle se met à la critiquer sur plusieurs questions. «Tantôt elle décriait la vieillesse de la garde, ce qui était en grande partie vrai, tantôt elle la trouvait avachie et sans prétention».
Un ensemble de griefs qui a convaincu le Président de la nécessité de changements. Il demande alors une étude approfondie au colonel gouverneur. “Madame Wade de son côté avait commandité, à de soi-disant sociétés de sécurité européennes, un audit pour changer la garde”.
Dès lors, la guéguerre entre corps d’armes s’installe. Le colonel Ndaw soutient que l’Armée était preneuse et avait déjà préparé un bataillon d’honneur à la place de la compagnie d’honneur. La police également, avec le GMI, voulait la place de la gendarmerie.
Le gouverneur ne comprit apparemment pas les enjeux. En tout cas, il a pris à la légère la volonté du Président d’apporter un changement, d’après colonel Ndaw. Sous la pression de Mme Wade, il déterre des archives les anciennes propositions faites à Diouf pour améliorer les conditions de la garde. “Le Président les lui jette à la figure et lui ferma pour toujours ses portes”, écrit-il à la page 140. Le travail sera alors confié au Capitaine Diallo chef de la sécurité rapprochée.
WADE, LES POLITIQUES ET LES MILITAIRES
Le tiercé manœuvrier de la présidence
Au sein du palais, il se passe bien des combines. Le commun des Sénégalais peut soupçonner les politiques. Il ignore que les Corps habillés participent aussi à la tragicomédie. Le colonel Ndaw dans la conclusion de son ouvrage livre quelques secrets au grand public.
La conclusion de l’ouvrage a servi de prétexte au colonel Abdoulaye Aziz Ndaw pour revenir sur certaines questions, notamment les relations entre Wade et Macky Sall. Si l’on en croit l’auteur, le président Wade a été travaillé par les faucons du Palais.
En fait, explique-t-il, les manœuvriers savaient très bien que Me Wade est un “pouvoiriste”. Il aime être seul maître à bord et souhaite être obéi au doigt et à l’œil. Ajoutez-y sa vieillesse et cela fait un bon cocktail chez l’homme qui le rend facilement manipulable.
Ceux que le commandant adjoint appelle le Clan se mettent alors à inventer des histoires de détournement de fonds et d’atteinte à la sureté de l’Etat, relate-t-il. Le rouleau compresseur est déroulé à l’encontre du colonel Ndaw et de Macky Sall dont il est accusé d’être à son compte.
“ Dès la fin des élections législatives en 2007, ils avaient mis en place un plan pour le déstabiliser et l’éloigner de Wade. Il ne répond pas à leurs critères de prédation et de mise à sac des biens de l’Etat. Il gênait et Wade avait confiance en lui”, révèle-t-il.
Ce plan préparé, d’après le colonel Ndaw, n’est que la suite d’un dossier “ Macky Sall “ monté en mai 2007 “par les faucons avec l’aide de prétendus Services de renseignements qui faisaient des fiches contre les premiers ministres”.
C’est dans ce contexte de relations délétères, poursuit-il, que le général Fall va entrer en scène pour sceller son sort à celui de Macky qui, par cette occasion, perdra à jamais la confiance de Wade. Les deux camarades d’infortune ne tardent pas à perdre leur poste. Deux décrets se suivent. L’un nomme Aguibou Soumaré premier ministre et l’autre fait de Dièye haut commandant en second de la gendarmerie.
Un second choix qui ne devrait pas enchanter le patron de la gendarmerie, si l’on s’en tient aux affirmations du colonel. “Général Fall n’aurait, de lui-même, jamais choisi Dièye qu’il a toujours considéré comme son plus que rival et un homme devant qui il a toujours présenté des complexes”, soutient-il. Des complexes qu’il explique par le fait que, à l’examen, Dièye avait un avantage certain sur le Général Fall.
Cependant, Wade ne demeurera pas longtemps prisonnier des manipulations. Il découvre très vite que Macky Sall n’est en rien coupable de ce dont on l’accuse. “En fin octobre 2007, le président avait toutes les cartes en main, il connaissait l’innocence de Macky sur les accusations portées contre lui, comme il savait, en âme et conscience, avoir été manipulé pour me limoger de mon commandement”, écrit le colonel.
Dans la disgrâce, Abdoulaye Aziz Ndaw écrit plusieurs fois à Abdoulaye Wade pour solliciter une audience. Mais ce dernier fait le mort. Il l’envoie en Italie. Pourtant, plus tard, en voyage au pays de Berlusconi en 2009, Wade lui avoue avoir bien reçu ses correspondances, mais qu’il n’avait pas répondu sur conseil de son entourage. “Les faucons militaires comme les civils veillaient à étouffer dans l’œuf toutes ces affaires qui n’honorent pas la République.”
Il vide son sac devant Wade
Toutefois, le général Fall ne s’en tire pas à bon compte. Wade le tient, nous dit l’auteur, et a une idée de qui est cette personne.
“Il montra à son endroit un mépris total (...). Wade avait traité le général de menteur, de voleur. Il n’hésitait jamais à le rabrouer, à l’insulter. Il lui posait souvent des questions sur certains biens acquis, notamment une villa au Canada ou sur la ferme de Niague. Wade connaissait, sur le bout des doigts, tous les crimes économiques du général, et en profitait pour user de la gendarmerie comme il entendait”, se réjouit-il.
En outre, face à Wade en Italie, le colonel tient enfin l’occasion tant rêvé pour vider son sac. Devant les ambassadeurs Cheikh Saadibou Fall et Oudiane, et en présence du ministre d’Etat Awa Ndiaye, Wade commença à le questionner sur sa vie en Italie, un pays dont il avait dit lui-même qu’il est “un bon pays où on ne s’ennuie pas”.
“Je lui répondis par la question de savoir comment un Exilé de la République pouvait se sentir dans un pays”, rétorque-t-il. Wade, d’après toujours le colonel, relève le terme exilé, exprime ses regrets et se dit prêt à reconsidérer la situation.
Mais, à lire le colonel, il en avait déjà assez. Il raconte avoir profité des regrets de Wade pour lui dire de vive voix ses sentiments.
“Je lui exprime mon désarroi de servir dans un système injuste et malfaisant, d’avoir subi à deux reprises, sous son magistère, des injustices qui n’ont pas de place dans les Forces armées”, se félicite-t-il. L’intervention d’Awa Ndiaye n’y fera rien, poursuit-il.
Il va continuer à vider son sac. Cette séance terminée, le colonel se dit soulagé, serein. Sa “fierté” retrouvée, il prend le volant de son véhicule ; heureux comme un enfant, il fredonne les prières des parachutistes. Il a enfin retrouvé son âme, semble-t-il dire.