«Nous n’avons de leçon à recevoir de personne»
EDU ONDO MBANG FRANCISCO JAXIER CONSUL HONORAIRE DE LA GUINEE EQUATORIALE

Biens mal acquis, pétrole, président Obiang Nguéma, relations Sénégal-Guinée Equatoriale, etc. Dans cet entretien qu’il nous accorde, le Consul honoraire de la Guinée Equatoriale se confie et expose les opportunités qui s’offrent au Sénégal une fois que les ambassades en gestation dans les deux pays sortiront de terre.
Le Sénégal et la Guinée-Equatoriale entretiennent des relations depuis longtemps. Quels sont les axes de cette coopération ?
Le Sénégal et la Guinée- Equatoriale entretiennent des relations de fraternité et d’amitié depuis leur accession respective à la souveraineté internationale, en 1960 et 1968. Depuis, ces relations n’ont cessé de s’élargir et de se consolider. Au plan diplomatique bilatéral, c’est en 2005 que la Guinée Equatoriale a décidé d’ouvrir un Consulat honoraire au Sénégal et par réciprocité, le Sénégal a fait la même chose en 2010 à Bata, deuxième ville située dans la partie continentale du pays. Au plan multilatéral, les grands axes de notre coopération tournent autour d’une vision partagée dans la quasi-totalité des dossiers majeurs, les deux pays ayant toujours coopéré pour résoudre les grands problèmes du continent, et même non africains.
Dans le domaine de l’éducation, la coopération se porte bien. Je vous signale que nous avons au Sénégal un contingent de 150 à 200 étudiants équato-guinéens, dans les différents instituts et écoles. Dans le domaine de la santé, nous avons aussi des étudiants qui ont fait leur stage d’imprégnation ici, nos équipes médicales venant par ailleurs partager l’expérience sénégalaise en la matière. Pour le volet commercial, sachez qu’il y a beaucoup de produits sénégalais vendus en Guinée-Equatoriale, alors que les importations sénégalaises depuis notre pays concernent essentiellement le bois.
Votre pays envisage d’ouvrir une ambassade ici. Le Sénégal va en faire de même. Quelles sont les opportunités qui peuvent s’offrir ?
C’est une excellente chose, et j’accueille l’annonce avec grand enthousiasme. Souvenons-nous que le président Obiang avait déjà souhaité en 2005 renforcer davantage la coopération entre les deux pays. Aujourd’hui, nous sommes en train de faire les approches nécessaires pour évoluer en ambassade. C’est d’ailleurs dans ce cadre que nous étudions les voies et moyens d’obtention de terrain auprès de l’Etat du Sénégal. Cette volonté commune aux Présidents Sall et Obiang d’ouvrir respectivement des ambassades témoignent d’un besoin de renforcer la coopération. La représentation diplomatique accentuera certains domaines de coopération que les deux chefs d’Etat veulent développer. Elle accroitra ainsi les échanges commerciaux entre les deux pays et sera également une belle vitrine pour ceux qui ne connaissent pas la Guinée-Equatoriale.
Votre pays est un grand producteur de pétrole. Est-ce qu’on peut envisager une coopération dans ce sens ?
Pas seulement le pétrole. Je pense que si le pétrole se trouve dans notre pays, tous les Africains peuvent en profiter à travers divers usages. Aujourd’hui, tout le monde constate la cherté de l’essence au Sénégal, alors que le litre de carburant est à 300 F Cfa chez nous. Je pense donc que quelque chose est possible dans ce domaine, dans le sens d’aider le Sénégal. Il revient aux opérateurs économiques de s’y engager. Tenez, cela fait maintenant plus de 15 ans que des hommes d’affaires sénégalais opèrent en Guinée-Equatoriale. Le cas le plus souvent cité est celui d’Atépa Goudiaby, et ce n’est pas le seul. Bien de vos compatriotes travaillent et résident dans le pays et ce, en parfaite harmonie avec le peuple équato-guinéen.
Excellence, la Guinée-Equatoriale est présentée comme un pays où il ne fait pas bon vivre, surtout pour les étrangers africains. Bon nombre d’entre eux sont expulsés manu militari. Où est l’intégration dans tout ça ?
Là, je vous invite à partager l’analyse qui s’impose. Nous avons une population d’à peu près 1 million d’habitants. A la date d’aujourd’hui, celle-ci est en train de tripler. Ce qui est démographiquement impossible et sociologiquement insoutenable. Vous conviendrez donc volontiers que ce n’est pas la population locale qui croît ainsi, mais bien la population étrangère. Situation préjudiciable pour garantir de manière adéquate la sécurité nationale, dans un pays où la population étrangère est le double de celle autochtone. Ce phénomène unique dans le monde est sans doute causé par le boom pétrolier qui fait croire à nos frères africains que la Guinée, c’est l’eldorado. Ce qui est vrai dans une certaine mesure, car c’est un pays où il fait bon vivre à condition, et c’est naturel, de respecter les lois et règlements, comme dans tout pays qui se respecte. Ce qui est loin d’être le cas, car il se trouve que sur plusieurs étrangers rares sont ceux qui sont en règle. En plus, il y a certains qui sont dans la délinquance et mènent des activités peu, voire pas du tout orthodoxes.
Croyez-moi, nos autorités font preuve d’une grande tolérance, car si on refoulait tous les ‘’sans-papiers’’, il faudrait des bateaux pour les acheminer. Vous vous intéressez, sans doute, plus à vos compatriotes ? Alors, retenez que le contingent sénégalais dans notre pays est en train de dépasser dix mille personnes.
Mais entre Africains, ne peut-on pas faire l’impasse sur certains cas d’expulsion ?
On devrait le faire. Mais je vous ai dit aussi que notre population est en train d’être triplée et ça, ce n’est pas normal. C’est une question de sécurité nationale. Les gens qui disent que la Guinée Equatoriale n’est pas une terre d’accueil n’ont pas raison. C’est un peuple très accueillant, méfiant au départ mais qui vous intègre et vous adopte quand il vous connaît bien. Je connais personnellement beaucoup de Sénégalais qui ont fondé une famille là-bas.
On dit que la Guinée est un pays riche, mais toutes les richesses ne profitent pas au peuple. C’est la famille présidentielle qui accapare tout…
C’est ridicule et même détestable de le dire. C’est comme si on disait que toutes les routes appartiennent au Président Obiang. L’opposition et les mal intentionnés disent n’importe quoi pour nuire à l’image du pays et de son Président. Est-ce la famille présidentielle qui utilise seule les routes et les aéroports pour voyager ? Est-ce la famille présidentielle qui utilise les infrastructures de santé pour se soigner ? Arrêtons les enfantillages. Tous les Equato-guinéens bénéficient des richesses du pays, jouissent d’une égale dignité et sont fiers de vivre dans un havre de paix et de prospérité.
Mais il y a le dossier encombrant des biens mal acquis, qui n’épargne pas le régime du Président Obiang ?
Je ne m’étendrai vraiment pas sur le sujet car il est sans objet. Nous avons eu le même cas aux Etats-Unis, mais finalement la justice américaine a estimé qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat, à moins que l’on veuille chercher des poux sur la tête d’un nourrisson. Tout au plus, je rappellerai le constat de Me Olivier Bardo qui défend les intérêts de notre Etat, après avoir pris connaissance du dossier. Dossier médiatique dans lequel il n’existe aucun élément matériel. En définitive, il faut penser qu’il s’agit là d’une attitude méprisable, un acharnement au goût d’une fable juridique. Il y a une chose qui m’étonne dans cette histoire. Comment un vendeur peut-il accepter l’argent d’un acheteur et, bien après, demander l’origine de ce même argent ?
Le Président Obiang dirige le pays depuis 33 ans. N’est-il pas temps qu’il passe la main ? On parle de son fils comme un successeur potentiel ?
Le peuple souhaite plus de trente ans. S’il peut faire encore plus, son peuple est preneur. C’est un homme qui a fait pour son pays ce qu’aucun autre Président n’a fait. On ne savait même pas où se trouvait la Guinée-Equatoriale sur la carte de l’Afrique, le Président Obiang l’a sortie de la pauvreté et de l’anonymat. Cela, je l’ai vu et vécu dans ma chair. Ds fois, on n’avait même pas de savon pour prendre un bain. Une voiture qui tombe en panne on peut la remplacer, mais si tout va bien pourquoi la remplacer ? Moi je ne vois pas la raison. Les gens parlent de dictature, mais le peuple équato-guinéen aime son Président. Changer un Président, ce n’est pas comme changer une armoire. Cela peut amener des conséquences incalculables. On a enlevé Kadhafi, est-ce que les Libyens vont mieux ? Je ne le crois pas.
Pour ce qui est du fils du Président, moi je ne vois pas en quoi un citoyen qui s’implique dans la résolution des problèmes de son pays peut poser problème. Etre fils de Président ne devrait pas être un obstacle. Le Président Obiang a d’autres fils qui ne s’intéressent pas à la politique, qui travaillent dans d’autres secteurs. Nous sommes un pays démocratique qui n’a de leçon à recevoir de personne. L’heure de parler de la succession n’a pas sonné. Le moment venu, n’importe qui pourra aspirer à succéder au Président selon les termes de la Constitution.