CACOPHONIE
MEETING DU PDS ET DE SES ALLIÉS
Une fois encore la communication gouvernementale aura failli pour avoir laissé perdurer une "rumeur mensongère" pendant neuf jours avant qu’un communiqué-démenti du gouverneur de Dakar ne vienne tempérer la montée des périls qui menace la sécurité publique. L’opposition de son côté a ruée dans les brancards pour dénoncer l’interdiction de leur meeting dont elle n’a pourtant reçu aucun acte administratif émanant des services compétents. Ainsi au dilettantisme du pouvoir inactif fait face la désinvolture de l’opposition réactive.
Depuis le 7 novembre où une information est sortie dans la presse pour dire que le gouverneur de Dakar interdit toute manifestation du 10 novembre au 5 décembre, c’est l’effervescence dans les chaumières politiques surtout chez les deux principales forces politiques du pays : le Pds et sa coalition (Front patriotique pour la défense de la République) et l’Apr avec ses alliées de Benno Bokk Yaakaar. Si les premiers ont tenu des réunions postérieures pour déclarer qu’ils tiendront leur meeting décidé au Comité directeur du 6 novembre, les seconds conformément au communiqué imaginaire du gouverneur ont exprimé une position dirimante.
Ambiguïté
Mais, contre toute attente, au moment où tout le pays est en ébullition, dans un communiqué rendu public le vendredi 14 novembre, le gouverneur de la région de Dakar s’est voulu très clair. Il déclare : "Depuis quelques jours, des informations émanant de la presse font état d’une décision prise par le gouverneur de la région de Dakar pour interdire toute manifestation sur la voie publique dans la période allant du 10 novembre 2014 au 5 décembre 2011." Poursuivant, Cheikh Ahmet Tidiane Ndoye "porte à la connaissance du public de l’inexistence d’un acte administratif réglementaire pris à cet effet". Enfin le gouverneur de Dakar rappelle "à toutes fins utiles que la liberté de réunion et la liberté de manifestation sont consacrées par la Constitution et prévues par la loi qui précisent les conditions de leur exercice".
Un tel communiqué à l’heur de mettre un terme aux agitations stériles entre les deux camps antagoniques. Lesquels se laissaient aller à des exactions discursives violentes.
Toutefois une telle déclaration pose problème d’un point de vue de son énonciation surtout au niveau de son circonstant temporel. Le moment de la réaction du gouverneur pose problème. Pourquoi a-t-il attendu neuf jours après la parution d’une telle information le concernant au premier chef, pour réagir ? Pourquoi a-t-il attendu que le chef de l’État "abusé" par un tel "mensonge" se soit prononcé dans le sens de la rumeur pour émettre un autre son cloche ?
Où était le ministre de l’Intérieur, supérieur hiérarchique du gouverneur ? Ne devait-il pas réagir immédiatement après la distillation de la rumeur, s’il ne détenait pas une copie ampliative de l’arrêté qui a tant fait polémique ? Est-ce une reculade masquée sous le couvert de l’inexistence d’un acte administratif interdisant tout meeting dans la période du 10 novembre au 5 décembre ? Si l’information qui a exacerbé la tension dans le milieu politique était mensongère, pourquoi ne l’avoir pas démentie dès connaissance puisqu’elle remettait en cause l’obligation du gouverneur de respecter les dispositions de l’article 8 qui autorise treize libertés politiques et civiles dont celle de se réunir et de manifester ?
Autant de questions qui doivent être démêlées de ce méli-mélo nauséabond orchestré dans les hautes sphères de l’État. Même si un acte administratif n’a été pondu que le 6 novembre par le gouverneur, il se pose soit un problème d’amateurisme dans ses services, soit il essaie d’oblitérer la vérité en prétendant sortir un arrêté rectificatif.
Dans cet embrouillamini, le gouverneur de Dakar est le principal responsable puisqu’un simple communiqué, quelques minutes après le colportage d’un tel "mensonge", aurait suffi pour nous épargner ce crêpage de chignon débile et stérile auquel se sont livrés le pouvoir et l’opposition pendant une dizaine de jours au point que des médiateurs comme le patron de presse Sidy Lamine Niass et le Grand Serigne de Dakar, Abdoulaye Makhtar Diop, sont intervenus physiquement ou médiatiquement pour demander au président de la République de céder à la demande du Pds et de ses alliés.
Méli-mélo
Maintenant quelle valeur donner à ces intercessions dès l’instant que le gouverneur, concernant le meeting du Pds, n’a jamais émis un acte administratif annulatif ? On est en droit de dire que, depuis le 6 novembre, on assiste à un véritable concert de cacophonies orchestré par le pouvoir et l’opposition. L’autorité présidentielle a été abusée et sa parole galvaudée dans la mesure où Macky Sall, en se rendant à la "Table de la presse" le 9 novembre dernier, a manifesté sa colère jupitérienne en vociférant qu’"aucune perturbation ne sera tolérée puisqu’il s’agit de créer les conditions de sécurité optimales pour les personnes et les biens et que le moment n’est pas opportun pour organiser une marche de protestation".
Et deux jours après, le Premier ministre, lors ses réponses aux députés du Pds l’interpellant sur l’État de droit et sur le meeting interdit du Pds, a déclaré sur un ton qui détonne qu’"il n’y a aucun arrêté qui suspend la liberté de manifestation à Dakar et aucune décision n’a été prise à cet égard par le gouvernement". Auparavant, le 7 novembre, le ministre de l’Intérieur a fait savoir qu’"à l’approche du Sommet de la Francophonie, les efforts de sécurité seront consentis ailleurs que dans l’encadrement d’une manifestation".
Une manière implicite de dire que le meeting ne se tiendra pas parce que les forces de police qui doivent assurer la sécurité des manifestants ou prévenir tout débordement ne seront pas disponibles à la date retenue par le Pds et ses alliés.
Dans le même ordre d’idées, l’opposition aura versé dans la désinvolture en donnant crédit à une information dont seul un acte administratif écrit peut donner une réalité. Seul le jeune politique Malick Noël Seck a eu l’intelligence de demander aux services de la gouvernance de Dakar un acte d’interdiction écrit afin de l’attaquer devant la justice. Une telle démarche a eu le mérite de montrer qu’un tel acte n’est que verbal et en cela, il ne lui confère aucune importance.
Mais, in fine, on ne comprend pas encore grand-chose aux motivations de ce concert de cacophonies caractérisé par les positions similaires du ministre de l’Intérieur et du chef de l’État aux antipodes de celles du gouverneur et du Premier ministre. Ainsi le gouverneur de Dakar, pour avoir fait preuve de dilettantisme de l’alpha à l’oméga de ce méli-mélo, doit subir une sanction (puisque c’est à la mode avec les limogeages du procureur spécial de la Crei, des Directeurs généraux des Douanes et des Impôts et Domaines) à moins qu’il ne soit que le bras d’exécution de ses supérieurs dans cette histoire qui a ravivé les tensions et exacerbé les haines entre le pouvoir et l’opposition.