LE MASSACRE PEUT CONTINUER
Un à trois mois de prison ferme et un sursis aux cinq trafiquants de dépouilles d'animaux protégés – Le Projet Salf s’insurge contre ces décisions qu’il juge "peu dissuasives"

Jugés pour trafic d’espèces fauniques protégées, vendredi dernier, cinq Nigériens ont été reconnus coupables par le tribunal départemental de Dakar. Yankhouba Cissé, présenté comme le chef de la bande, a pris trois mois de prison ferme et une amende d’un million de francs Cfa, Eliace Noma Cissé et Zacharia Yaou Kallamou ont été condamnés à deux mois ferme et 1,2 million de francs Cfa et Elia Mahmidou à un mois ferme et 100.000 francs Cfa. Ils devront aussi payer solidairement 2 millions de francs Cfa de dommages et intérêts. La seule femme de la bande, elle, s’en est sortie avec 1 mois avec sursis.
Dans le communiqué annonçant les sentences, le Projet Sénégal Application de la loi faunique (Salf) juge ces «peines peu dissuasives». «On dirait que la justice sénégalaise a raté une occasion de taper du poing sur la table pour réprimer avec force ce trafic qui a pris une ampleur incontrôlée», s’est-il insurgé dans le communiqué parvenu à SenePlus. "La peine infligée à cette bande de trafiquants est contraire à ce que l’on attendait de la Justice sénégalaise", ajouteront, selon Salf, des "amis de la nature" ayant assisté au procès.
La même source de poursuivre : "La clémence du Tribunal est d’autant plus surprenante que l’article L. 32 du Code de la chasse et de la protection de la faune prévoit des peines allant jusqu’à 1 an de prison. Un an d’emprisonnement ferme, c’est d’ailleurs la peine que le Procureur avait requise."
Les cinq Nigériens ont été arrêtés en possession de 2634 peaux et autres dépouilles d’espèces intégralement et partiellement protégées. Il s’agissait de lions, d’hyènes, de panthères, de singes, d’antilopes, de pythons et autres. "Ce qui constitue un massacre massif d’espèces protégées", tonne le Salf. Qui rapporte, dans son communiqué, le commentaire d’un défenseur de l’environnement soulignant l’ampleur du trafic : "Si une telle quantité a été saisie en une seule opération, imaginez le nombre colossal d’animaux protégés qui ont été tués et trafiqués par ces 4 dealers en l’espace de 10 ans, des centaines de milliers d’animaux certainement."
Salf informe que le "commerce illégal des espèces sauvages est le 4ème commerce illégal le plus important dans le monde après celui de la drogue, des armes et du trafic d’êtres humains. Il s’agit d’un crime organisé transnational qui amasse 19 milliards de dollars (9500 milliards de francs Cfa) de profit dans le monde chaque année. Ce commerce est aussi lié au blanchiment d’argent et à la corruption".
Selon le Projet le caractère lucratif du trafic a été reconnu devant le tribunal par deux des Nigériens condamnés. L’un aurait déclaré : "Je sais que c’est un marché risqué puisque c’est interdit et c’est pour ça que je cache ça pour transporter entre les pays. Mais je l’ai fait pour avoir de l’argent. Ça rapporte.» L’autre d’ajouter : «Nous cachons les produits dans des sacs pour traverser la frontière. Pour passer avec une peau de lion, je paye le chemineau 40 000 Cfa. La peaux de lion me rapporte entre 1 et 2 millions Cfa."
Salf invite l’État à "être à l’avant-garde en réprimant sévèrement ce type de crime organisé". Dans cette perspective, le Projet suggère une révision le Code de la chasse et de la protection de la faune "afin d’alourdir les peines".