"20 MILLIARDS, C'EST INSENSÉ"
Liberté provisoire de Bara Sady : l'avocat de l'ancien DG Port démonte l'accusation contre son client
Après un an de détention provisoire pour détournement présumé de deniers publics, l’ancien directeur général du Port, Bara Sady, a recouvré la liberté hier.
L’ancien directeur général du Port, Bara Sady est libre depuis hier. Cette fois-ci, le parquet ne s’est pas opposé à sa mise en liberté provisoire accordée pour la seconde fois par la chambre d’accusation de la Cour d’appel. La juridiction d’appel avait, le 23 octobre dernier, accordé la liberté provisoire à Bara Sady et à Adame Bâ, le seul parmi ses coïnculpés qui restait en prison. Mais le parquet général s’était pourvu en cassation contre cette décision. La Cour de cassation avait tranché en donnant raison au parquet général, maintenant ainsi Bara Sady en prison.
L’inculpé et ses avocats craignaient que cette situation se reproduise. Leurs craintes ont été dissipées, car le parquet général n’a pas contesté l’arrêt de la Chambre d’accusation. Une chose dont se réjouit Me Seydou Diagne. "Nous avons un réel motif de satisfaction", a-t-il salué au téléphone d’EnQuête. Toutefois, l’avocat conteste le montant de "48 milliards" reproché à son client. "Après Karim Wade, dit-il, c’est Bara Sady qui a la plus grosse accusation parmi toutes les personnes poursuivies, dans le cadre de la traque des biens mal acquis".
Me Diagne reste persuadé que si l’instruction avait été menée par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Bara Sady et les autres libéraux (Ndongo Diao, Alioune Aïdara Sylla, Amadou Kane Diallo...) qui sont inculpés, n’auraient jamais bénéficié de liberté provisoire. Pour lui, ceci est la preuve que la CREI n’a pas sa place dans l’arsenal juridique du Sénégal. Mieux, il estime que ces décisions obtenues en faveur de leur client montrent que les juridictions de droit commun sont "performantes, indépendantes" et respectent les droits de la défense, avec l’existence du double degré de juridiction et l’inexistence du renversement de la charge de la preuve.
"20 milliards, c’est insensé"
Sur sa lancée, la robe noire a laissé entendre qu’au regard du rapport de la Cour des comptes sur l’exercice 2004-2008, l’accusation contre Bara Sady n’aurait jamais dû avoir lieu. Car, selon ses explications, il montre que le budget de 2008 estimé à 20 milliards n’a pas été détourné. "C’est insensé d’accuser quelqu’un d’avoir détourné tout un budget de 20 milliards", a fulminé l’avocat. Il a aussi fustigé le fait que la justice se soit fondée sur un rapport de la Division des investigations criminelles pour dire que les travaux pour le Terminal à conteneur, évalués à 28 milliards, sont fictifs.
Car, selon Me Diagne, les agents de la DIC n’ont pas eu la possibilité de voir les travaux sous-marins (travaux de dragage du chenal, d’extension du terminal) effectués par le Port. Fort de tous ces arguments, Me Diagne de soutenir que la prochaine étape du combat, c’est d’obtenir le non-lieu.
Bara Sady était en prison depuis le 28 novembre 2013, suite à son inculpation pour escroquerie portant sur des deniers publics estimés à 48 milliards de francs CFA et corruption active. Il a été écroué en même temps que certains de ses collaborateurs Mouhamed Soumaré et Daouda Ndiaye, respectivement directeur administratif et financier et chef des marchés du Port, au moment des faits. Ainsi que les entrepreneurs Alioune Mboup, Abdoulaye Gningue, Oumar Diagne Thiam et Alioune Bâ. Tous avaient déjà bénéficié d’une liberté provisoire à l’exception de Bara Sady qui les a finalement rejoints depuis hier.