LES MULTIPLES FACETTES D’UN FAUX TIMIDE
ABDOULAYE BIBI BALDE, MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT

Le ministre de l’Environnement et du Développement durable Abdoulaye Bibi Baldé est un homme calme et qui affable et avance masqué. Derrière son visage innocent se cache un esprit libre, un taquin, un amoureux du football, de l’économie et des violons du Fouladou. Mais ce qui énerve le maire de Kolda, c’est l’hypocrisie. Sa colère se manifeste à travers son visage qui s’empourpre. «L’AS» vous fait découvrir les facettes du ministre et maire de Kolda.
Son physique fait de lui un piètre footballeur, mais Abdoulaye Bibi Baldé porte le ballon rond dans son coeur. A ses heures perdues à Kolda dont il est le maire ou à Dakar, Abdoulaye Bibi Baldé taquine le ballon. «Nous avons organisé un match des Conseillers municipaux de Kolda contre ceux du département », a-t-il confié dans son bureau hissé au troisième étage de l’imposant bâtiment du ministère de l’Environnement et du Développement durable. «Au moins j’ai marqué un pénalty, même si on a perdu la rencontre», dit-il le sourire en coin, avant d’avouer qu’il a raté une occasion.
Grandi sous l’aile protectrice d’un père politique, Bibi n’en est pas pour autant un passionné de la politique. Pour le tombeur de l’ancien maire Bécaye Diop, «la politique est une science extraordinaire! Et les politiques sont des acteurs atypiques». Il semble intrigué par le marigot politique où cohabitent caïmans, crocodiles et autres……vipères. L’édile de la capitale du Fouladou profite de l’accalmie politique après son âpre combat aux locales contre le cacique Bécaye Diop, le voltigeur Fabouly Gaye et le téméraire Mame Boye Diao. «Vous savez, c’est en politique seulement qu’on dit qu’on peut tout en sachant qu’on n’y parviendra pas. Même si tu sais d’avance que tu vas perdre, tu diras que tu vas gagner (rires)», dit en riant le natif du 10 décembre 1974 à Kolda.
A ceux qui disent qu’il est timide, Bibi répond : «Je ne suis pas aussi timide que les gens le croient». «Il est taquin», confie sa secrétaire, confirmée par son ancien condisciple Dr Oumar Sané qui déclare : «Bibi est même trop taquin. Il dégage un air de quelqu’un de timide, mais il est loin de l’être». C’est au village de Dabo érigé en commune depuis 2009 que le maire de Kolda a grandi. «Je suis entré à l’école en octobre 1983 à Dabo. En 1989, j’ai fait la classe de 6e à Dabo qui venait d’étrenner son nouveau collègue». Le Bfem en poche en 1992, son père l’envoie auprès de son oncle professeur de Physique et Chimie. «Mon papa m’a envoyé à Saint-Louis, peut-être à cause de l’adolescence. Même si à Dabo j’étais le premier de ma classe. De la 6e à la 3e,. Il voulait que je suive des études scientifiques. Donc, il fallait m’éloigner de Kolda pour m’éviter des va-etvient entre Kolda et Dabo. J’y ai fait la seconde et la classe de première en série D», rapporte-t-il. Coup du destin, il fera sa terminale à Kolda.
Parmi ses anciens condisciples, il cite trois médecins : Dr Oumar Sané (Vélingara), Dr Boubacar Fall (urologue à l’hôpital Le Dantec) et Dr Boubacar Kandé (Médina Yoro Foulah). «Après le bac en 1995, j’ai choisi de suivre des études en sciences économiques à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar où j’ai eu mon Diplôme d’études approfondies (Dea) en macro économie appliquée», soutient Bibi. Ce parchemin lui ouvre les portes de la Fonction publique où il est recruté comme économiste. Mais le désir d’aller encore plus haut le démange et il s’inscrit au Cesag où il décroche le Diplôme d’études supérieures spécialisées (Dess) en économie de la santé. Ce parchemin très prisé dans son cartable, Abdoulaye Bibi Baldé peut désormais frapper à la porte des Nations Unies. C’est ainsi qu’il a effectué un court passage (un an) au Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap).
«Le statut de fonctionnaire ne vous donne pas une certaine liberté. C’est pourquoi lorsqu’il y a eu un appel à candidatures pour un poste à la Faculté des sciences économiques en 2008, j’ai postulé. J’ai abandonné le statut de fonctionnaire international pour l’enseignement, parce que j’ai toujours
pensé que le fonctionnaire n’est pas autonome de pensée et d’action. Dans la Fonction publique, on vous interdit de faire par exemple de la consultance et de donner certaines informations à la presse etc. Moi, j’ai toujours voulu être libre et autonome», martèle-t-il. Quid de ses rapports avec ses subordonnés ? «Je ne suis pas directif», dit-il. «Le ministre est très facile d’accès et il écoute ses collaborateurs», révèle sa secrétaire. Son ancien conseiller en communication Bachir Fofana témoigne dans le même sens. «Il a une approche presque familiale avec ses collaborateurs. Il n'hésite pas à faire le tour des bureaux pour serrer la main à ses collaborateurs », révèle-t-il.
D’où vient Le sobriquet de bibi ?
«C’est un nom trouvé par ma grand-mère qui me chérissait beaucoup. Depuis lors, les gens m’appellent Bibi. C’est mon nom de guerre. A Kolda, si tu ne demandes pas Bibi tu ne peux pas me retrouver », révèle-t-il. Son élégance et son teint clair font qu’il ne passe pas inaperçu et il était la terreur des jeunes filles au campus universitaire. «Je suis un homme normal. Je fais les choses avec modération. Je n’étais pas un saint c’est vrai, mais je n’étais pas non plus quelqu’un qui met les pieds partout. Je savais où mettre les pieds», consent Bibi en affichant la banane. «Je partais à la Cité Claudel comme tous les étudiants», ajoute-t-il. Toutefois, Bibi n’était pas un rat des boîtes de nuit, même si de temps à autre il y allait pour décompresser en bonne compagnie, pour danser le zouk qu’il adore.
Un féru du vioLon peuLh (riiti)
Très attaché à sa culture, Bibi ne résiste pas au violon (riiti) du Fouladou. Il en raffole. Le violon l’atteint dans son for intérieur. «Le violon peulh, c’est très fort», confesse l’édile de la capitale du Fouladou. Il se souvient de son voyage d’études en 2010 à Clermont Ferrand (France) où il a craqué un jour. «J’y ai séjourné plus d’un mois. Un jour où j’écoutais les violons du Fouladou, j’ai versé des larmes (rire), alors que j’avais la possibilité de rentrer à tout moment. Ça m’avait rappelé beaucoup de choses. Parce que j’avais laissé mon papa malade. Les griots chantaient ma famille, mon père… », rapporte-t-il. Selon la clameur populaire, il est issu d’une famille maraboutique. « Non, d’une famille royale peut-être. Parce que mes grands-pères paternel et maternel étaient des chefs de canton », rectifie-t-il.
Rencontre avec MACKY SALL
«Je ne sais pas vraiment comment j’ai chopé le virus de la politique», dit-il. Car son père, alors secrétaire général de section de Salikégné du Parti socialiste, lui a toujours déconseillé de faire de la politique. Ce qui fait qu’il n’a jamais milité dans un parti, jusqu’à l’université. «Mon père m’avait demandé d’apprendre d’abord, avant de faire la politique», confie-t-il. C’est en 2010 qu’il a décidé de se jeter dans le marigot politique. «Un jour, je me suis dit : tient ! Je dois aller voir Macky Sall pour militer dans son parti. J’ai vu que c’est un homme avec qui je peux travailler. Son accueil, sa disponibilité m’ont beaucoup marqué. Je pensais que notre rencontre n’était pas évidente, mais c’est allé très vite», affirme M. Baldé. C’est Chérif Lahid Aïdara qui lui a permis de réaliser son rêve de rencontrer Macky Sall et de militer à l’Alliance pour la république (Apr). «Le Président m’a dit qu’il y a une équipe qui a déjà commencé à réfléchir sur notre programme économique Yoonu Yokkuté et aussitôt il m’a mis en rapport avec Thierno Alassane Sall. J’ai été l’un des rédacteurs du Yoonu Yokkuté avec Thierno Alassane Sall, Aladji Ly. Plus tard en 2011, Mimi Touré nous a rejoints», rappelle le ministre de l’Environnement. «C’est ainsi qu’un week-end, je suis allé à Kolda et j’ai réuni ma famille pour l’informer de mon engagement politique. Aussitôt j’ai monté deux comités au quartier Bantaguel», dit-il. . «Le Président m’a appelé un jour, alors que j’étais à l’université, pour m’annoncer son souhait de me voir rejoindre l’équipe gouvernementale. J’ai eu une grosse émotion vraiment. Je pensais que le Président m’a oublié, mais je me suis dit que s’il m’avait oublié, il ne m’aurait pas appelé. Il pensait à moi, même si on ne se voyait pas», révèle-t-il. «J’ai fait la meilleure campagne de commercialisation d’arachide», dit-il fièrement. Puis le voici nommé ministre du Plan. Aujourd’hui, Abdoulaye Bibi Baldé s’occupe de l’environnement qui est «horizontal et qui regorge de beaucoup d’enjeux», notamment les changements climatiques et la désertification.
Ses amis dans Le gouvernement
«Moi je refuse d’être dans un clan. Je considère tous les ministres comme des collègues. Mais, j’ai des relations particulières avec Thierno Alassane Sall, parce que le Président Macky Sall m’avait confié à lui pour militer au sein de la structures des cadres». Comme tout bon enseignant, Baldé serait très radin même s’il s’en défend. «Je ne suis pas de cet avis. Je ne suis pas radin, peut-être rationnel. Je dépense utile. Il se trouve aussi que la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a !», rectifie Bibi. Un de ses collaborateurs considère cette rationalité comme de l’avarice. Bibi n’est pas un passionné, un fougueux. Il est un homme mesuré. «J’ai mon rythme à moi. Pour faire les choses on n’a pas besoin de se précipiter. Parce qu’il y a deux issues : victoire ou échec. J’ai intégré les deux possibilités ». Son défaut se situe à ce niveau, selon certains de ses collaborateurs. «L'un de ses défauts, c'est sa nature à prendre tout son temps quand il doit se décider», nous souffle-t-on. «Il est difficile de savoir s’il est content ou pas. Il est très nuancé», soutient Dr Sané.
Si bibi s’énerve, son visage s’empourpre
Qu’est ce qui peut énerver Bibi ? Son ancien conseiller en communication répond : «c'est l'hypocrisie. Lors d'une réunion avec le Premier ministre Abdoul Mbaye, un des conseillers techniques, pour se mettre en valeur, avait raconté des choses qui n'existent pas. A la fin de la réunion, Bibi est allé directement dire au conseiller technique : «lingua def yéfou naafèkh la » (Ce que tu as fait, c’est de la fumisterie) ». S’il est énervé, son visage s’empourpre. En plus, ajoute Bachir, «il ferme le poing gauche et se mord les lèvres». Ne lui parlez pas de choses mystiques, il n’en a pas peur. Est-il blindé mystiquement ? «On disait que la mairie de Kolda est mystique et dangereuse. Mais je dis que si l’on meurt dans le champ de son père, on n’a pas à avoir honte. Ceux qui craignent les choses mystiques, peut-être, qu’ils ne sont pas originaires de Kolda. Parce que nous autres Koldois, nous partageons les mêmes réalités, les mêmes personnes (Ndlr, marabouts)», dit-il.
Ses anciens maîtres qui ont façonné son caractère
M. Ndiaye, c’est son maître qui l’a beaucoup marqué. Il aimait parler des différentes cultures du Sénégal et suivait ses potaches jusqu’à la maison pour voir s’ils apprenaient leurs leçons. «On s’est parlé au téléphone il n’y a pas longtemps, c’est un homme qui connaît le Sénégal. J’ai rencontré aussi un ancien maître, M. Thiam, à l’hôpital. Mon Prof de Physique chimie en classe de 4e, Monsieur Kébé aussi m’a marqué», soutient Bibi qui affirme que ses références en politique sont Macky Sall et Barack Obama. «Ma seule ambition politique c’est d’accompagner le Président Macky Sall (rire) pour qu’il ait un second mandat. Je ne peux pas avoir plus que ça. Parce qu’il y a un temps pour la politique», précise Bibi qui trouve infernale la cadence des politiques. «A ce rythme je prendrai la retraite à 55 ans. Je veux retourner à l’Université», affirme le maire de Kolda, marié et père de 3 enfants.