NIGERIA : BUHARI, EX-GÉNÉRAL EN GUERRE "CONTRE L'INDISCIPLINE"
PRÉSIDENTIELLE AU NIGERIA
Lagos, 7 fév 2015 (AFP) - L'ex-général Muhammadu Buhari, principal adversaire du sortant Goodluck Jonathan à la présidentielle au Nigeria, avait déclaré une "guerre contre l'indiscipline" dans les années 1980, mais ses adversaires se souviennent surtout de la chape de plomb de son régime militaire.
Il s'agira de sa quatrième candidature à la magistrature suprême depuis le retour de la démocratie au Nigeria, en 1999. Mais cette fois-ci, il est le candidat d'une opposition unie au sein du Congrès progressiste (APC), et le scrutin du 14 février face à M. Jonathan s'annonce très serré, selon les experts.
Âgé de 72 ans, ce général à la retraite s'est forgé au fil des années une réputation d'incorruptible, atout important dans cette grande puissance pétrolière gangrenée par la corruption. Cet homme élancé toujours coiffé d'un petit chapeau bleu, qui a les dents du bonheur, a promis de rétablir l'ordre s'il est élu à la tête de la nation la plus peuplée d'Afrique.
"La protection de la vie et de la propriété" des citoyens est au coeur des préoccupations de l'APC, les islamistes de Boko Haram, les gangs criminels et les kidnappeurs ayant installé un climat de peur dans le pays, avait-il déclaré il y a quelques semaines en dévoilant son programme.
Ce musulman de l'ethnie fulani, originaire de Katsina dans le Nord, était déjà le principal rival de M. Jonathan, un chrétien du Sud, en 2011. Sa défaite avait provoqué des violences postélectorales qui avaient fait près d'un millier de morts. Arrivé à la tête du Nigeria le 31 décembre 1983 à la faveur d'un coup d'Etat, il avait à son tour été renversé lors d'un putsch en août 1985.
- 'Etat policier' -
La "guerre contre l'indiscipline" qu'il avait menée pendant ses 20 mois au pouvoir visait à restaurer l'ordre public dans un pays souvent décrit comme chaotique. Son régime a notamment été marqué par l'exécution publique de trois Nigérians condamnés pour trafic de drogue sur une plage en plein centre de Lagos, la capitale économique.
M. Buhari avait aussi fait arrêter Fela Kuti, le célèbre chanteur "afrobeat" et militant des droits civiques, mort en 1997, ainsi que des hommes politiques influents soupçonnés de corruption.
Le souvenir de son règne reste marqué par le cas d'un ancien ministre qui s'était évadé en Grande-Bretagne: le général l'avait fait droguer puis mettre dans un conteneur, embarqué ensuite sur un navire à destination de Lagos.
Les douanes britanniques avaient finalement empêché ce voyage. L'écrivain nigérian Wole Soyinka, lauréat du prix Nobel de littérature, a dénoncé la "terreur" imposée par M. Buhari durant son régime, d'autres ont parlé d'un "Etat policier".
Pour le commentateur politique Ayo Banjoko, M. Buhari est "imprégné d'une sorte de zèle messianique. Il est rigide et intransigeant et il est convaincu que ce pays doit être purgé de ses maux, surtout la corruption".
M. Buhari, qui a perdu contre Olusegun Obasanjo, Umaru Musa Yar'Adua et Goodluck Jonathan, s'est plaint d'irrégularités lors de chacune de ses défaites. Il a remporté les primaires de l'APC, une coalition de quatre partis d'oppositions, loin devant les autres candidats.
Pendant la campagne, il a été dépeint comme un dangereux islamiste par le Parti Démocratique Populaire (PDP) du président Jonathan, qui lui a aussi reproché de ne pas avoir obtenu son diplôme de fin d'études secondaires - une cause d'inégibilité. Autant de critiques vouées à écarter les électeurs des vraies préoccupations des Nigérians, a rétorqué l'APC à plusieurs reprises.
En juillet 2014, M. Buhari a échappé à un attentat-suicide le visant à Kaduna (nord), qui avait fait 42 morts. L'attaque n'avait pas été revendiquée, mais M. Buhari avait critiqué publiquement les islamistes de Boko Haram deux mois plus tôt, les traitant de "bigots sans cervelle se faisant passer pour des musulmans". Certains experts ont toutefois soutenu que cet attentat avait pu être motivé par des querelles politiques.