KHALIFA SALL VS AMADOU BÂ
Guerre des correspondances autour de l'emprunt obligataire de la ville de Dakar

Missive contre missive. Plutôt missile contre missile. Le ministre de l’Economie, Amadou Bâ, et le maire de Dakar, Khalifa Sall, se livrent à une vraie bataille d’argumentaires par correspondances.
Entre le maire de Dakar Khalifa Sall et le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Ba, c’est un dialogue de sourds permanent tant les deux hommes ont des positions contraires. La raison de la discorde ? L’emprunt obligataire lancé par l’édile de la capitale.
Dans une réponse envoyée à Amadou Ba en réaction d’une correspondance de celui-ci datée du 27 février 2015, Khalifa Sall a adopté un ton offensif. Dès la première ligne, il lance en direction du ministre: "Je note une évolution constante de votre argumentaire au gré de nos échanges". Parmi les différents points qui divisent les deux interlocuteurs, il y a les aspects juridiques et la société de patrimoine.
Dans sa lettre du 27 février 2015, Amadou Ba a fait comprendre à Khalifa Sall qu’il ne peut pas se prévaloir d’une continuité institutionnelle étant entendu que la configuration institutionnelle de l’actuelle mairie a été instituée par le décret 2014-830 du 30 juin 2014 qui, à la même occasion, a créé les villes de Guédiawaye, Pikine, Rufisque et Thiès.
C’est donc en application des dispositions de l’article 167 de la loi 2013-10 que la loi 2014-830 a créé la ville de Dakar tout en abrogeant les dispositions contraires par son article 5. Le ministre en conclut : "L’argument relatif à la continuité institutionnelle de la ville de Dakar doit être écarté car non conforme à l’Etat de droit."
Par conséquent, poursuit-il, la municipalité ne peut en aucune manière prétendre se prévaloir d’actes de procédures antérieures à sa (nouvelle) création. Il se veut clair dans les lignes qui suivent. "Il demeure constant que la procédure entamée par l’ex-ville de Dakar ne saurait être analysée en un actif dont la nouvelle ville devrait hériter dans le cadre d’actes de dévolution de patrimoine."
Pour lui donc, seuls les droits et obligations peuvent être hérités et non les "procédures entamées et pas encore dénouées". Ce qui, à son avis, est le cas pour l’emprunt obligataire.
Un argumentaire qui est loin de convaincre le socialiste Khalifa Sall. Le maire de Dakar est d’accord qu’une nouvelle ville a été instituée. "Cependant, cette nouvelle ville de Dakar n’existe pas ex nihilo, mais a été créée sur les cendres de l’ancienne ville de Dakar", réplique-t-il.
En guise de contre-arguments, il invite le ministre Amadou Ba à compléter son analyse par le décret 2014926 du 23 juin 2014 fixant les conditions de dévolution du patrimoine et de redéploiement du personnel des régions et anciennes villes et ses effets sur les relations entre l’ancienne et la nouvelle ville.
Notification tardive
Poursuivant son argumentaire, Khalifa Sall affirme que c’est cette loi qui a permis d’éviter les risques d’insécurité juridique qu’aurait entraînés une discontinuité institutionnelle. Etant donné que le ministre a ajouté que l’article 5 de la loi 2014-830 a abrogé les dispositions contraires de celle de 2013, l’édile de Dakar lui demande d’indiquer les dispositions dont il est question, considérant que l’emprunt obligataire n’est pas concerné.
Khalifa Sall a également fait savoir au ministre de l’Economie, des Finances et du Plan qu’il ne peut pas donner un avis de non objection pour ensuite se rétracter, surtout que cet avis de non objection est intervenu après l’entrée en vigueur de l’acte III de la décentralisation.
Réponse du ministre : "Je reconnais avec vous que cet argument de la notification tardive de la rétraction ne manque pas de pertinence. C’est l’occasion pour moi de noter les limites, dans ce cas précis, dans la coordination des services du ministère chargé des Finances et j’en tirerai les conséquences, en toute responsabilité", avoue-t-il.
Ce qui n’a pas empêché Amadou Ba de contester l’existence d’un quelconque texte imposant à l’Etat un délai de reconsidération de position. Réplique de Khalifa Sall : "Ce serait méconnaître que dans un Etat de droit comme le nôtre, l’Etat est soumis au droit et doit respecter le principe de l’intangibilité des effets des actes administratifs".
Il en est de même sur la société de patrimoine. Là aussi, les positions sont divergentes. Ce qui est à relever, c’est qu’au-delà des arguments pour se défendre, il y a des expressions qui renseignent sur le degré d’adversité des correspondances. Un exemple : "Sauf à faire dire à la loi ce qu’elle ne dit pas", dixit le maire de Dakar à l’endroit de Amadou Ba.