DES AMBITIONS DE 7.50M DE LARGEUR À DÉPASSER
CORRIDOR DAKAR-BAMAKO
Pour booster les exportations, la libre circulation des biens et des personnes est nécessaire, puisque commerce rime avec mobilité. Quand vous avez des difficultés à commercer avec les autres pays, vous ne pourrez pas avancer. Et vu la position géographique du Sénégal, il n'y a qu'une route principale qui va vers le marché de l'Uemoa et de la Cedeao. Il s'agit du corridor Dakar-Bamako.
"En voyant ce corridor, je me suis posé la question de savoir si l'ambition du Sénégal en matière économique vis-à-vis du Mali ou vis-à-vis des autres pays de l'intérieur se résume ou peut être supportée par une route qui fait 7.50m de largeur", s'interroge Mor Talla Kane.
En effet, si le Mali est notre principal client, le Sénégal devait à son avis avoir le "plus grand axe routier". Si l'ambition est d'exporter vers les autres pays également, M. Kane pense qu'il ne faut pas se contenter d'avoir juste une route aussi étroite. Ce qui d'ailleurs pousse à se demander où le Sénégal place véritablement ses ambitions en matière d'exportations ?
Surtout que sa principale rivale, à savoir la Côte d'Ivoire, est en train de faire des corridors qui font 4 fois le corridor Dakar-Bamako alors qu'on a regardé le chemin de fer, qui venait en appoint, mourir de sa belle mort. "Je pense que cette route est un indicateur, car à chaque fois que je regarde cette route Dakar-Bamako, je vois l'étroitesse de nos ambitions", martèle avec amertume M. Kane. Il est en fait convaincu qu'il y a un grand écart entre la volonté affichée et la volonté réelle.
Mais cette situation est à amputer au Sénégal et au Mali, car le corridor doit être un instrument stratégique "extrêmement important". Il est inadmissible, selon le directeur exécutif de la Cnes, de laisser une route qui est comme un filet de goudron entre deux Etats. Suffisant pour qu'il soutienne que notre pays ne peut pas s'attendre à ce que le commerce et les exportations en particulier soient à un niveau un peu plus élevé que celui d'aujourd'hui. Et de se demander de nouveau si le Sénégal reste dans ce corridor par contrainte alors que le Mali a la possibilité de trouver d'autres voies de contournement que le Sénégal n'a pas.
Mais toujours est-il que des efforts sont en train d'être consentis pour pallier la situation. Sauf que les choses semblent ne pas bouger du côté malien où on note un certain dilatoire. Mor Talla Kane qui est également le Président du conseil de ce groupe de travail informe avoir organisé en 2010, avec les deux premiers ministres du Sénégal et du Mali, une grande conférence à Kayes avec des résolutions qui avaient pour ambitions de fluidifier les affaires à travers le corridor Dakar-Bamako.
"Je suis désolé, mais je constate que les choses n'ont pas bougé. Alors, nous avons repris le dossier", renseigne-t-il. Il confie qu'il ne désespère pas, puisqu'il continue d'y travailler avec les partenaires internationaux, en espérant qu'un jour, le Sénégal ait les moyens de faire de l'axe DakarBamako une route qui assure toute la fluidité et permettre aux deux pays de pouvoir atteindre leurs ambitions en termes commerciales.
Des progrès notés malgré les écueils
En dépit de la situation peu reluisante des exportations sénégalaises, résultat de beaucoup de manquements, une progression dans l'espace Cedeao est à signaler. Si l'on se réfère à la note d'analyse du commerce extérieur produit en 2012 par l'Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), les exportations du Sénégal ont crû de 10,6% contre 16,4% en 2011.
L'augmentation des exportations vers l'Afrique est tirée par celle des expéditions de phosphates +35,3%, de la farine de froment +66,5% et des poissons frais +20,7%.
Pourtant, la crise malienne a atténué les exportations globales du Sénégal vers l'Afrique avec le recul des ventes vers le premier client du Sénégal, des produits pétroliers 39,9%, du ciment -7,5% et des engrais -45,3%). Dans la zone Cedeao, les expéditions du Sénégal ont progressé de 9,8%.
En 2013, les expéditions du Sénégal vers l'Afrique sont arrêtées à 565,5 milliards F CFA contre 536,4 milliards F CFA en 2012, soit une hausse de 5,4%. Cette évolution est imputable au relèvement des exportations des produits pétroliers (+40,4%), des poissons frais de mer (+44,7%), des cigarettes (+6,2%) et du sel (+2,8%). En revanche, le fléchissement des exportations du ciment (-25,1%) consécutif à la crise malienne, premier pays client du Sénégal, a atténué la tendance haussière.
Les expéditions du Sénégal vers la Cedeao qui ont progressé de 5,4% ont atteint 459,4 milliards F CFA en 2013 contre 435,9 milliards F CFA en 2012. Il faut par ailleurs reconnaître que 81,2% des exportations du Sénégal vers l'Afrique sont destinées aux pays de cette zone d'intégration.
Selon le Dg de l'Asepex, la balance commerciale du Sénégal vis-à-vis des pays de la zone Cedeao est excédentaire de 26,0 milliards F CFA en 2013 après un déficit de 50,6 milliards F CFA en 2012. Un résultat qui relèverait, d'après Docteur Malick Diop, essentiellement de "la réduction du déficit commercial vis-à-vis du Nigeria (343,8 milliards F CFA en 2013 contre -381,7 milliards F CFA en 2012) et de la Côte d'Ivoire (-23,0 milliards F CFA contre -53,5 milliards FCFA en 2012)".
Par ailleurs, l'excédent du solde commercial s'est renforcé vis à-vis de la Guinée Bissau (40,0 milliards F CFA contre 28,6 milliards F CFA l'année précédente), de la Gambie (+45,0 milliards F CFA contre +40,4 milliards F CFA en 2012) et du Mali, principal client (+180,0 milliards F CFA à la période sous revue contre +173,6 milliards F CFA en 2012).
Néanmoins, vu le potentiel de l'offre de produits du Sénégal et le marché de plus de 300 000 000 de consommateurs de la Cedeao, d'une part, et l'opportunité du Tarif Extérieur Commun (TEC) mise en vigueur depuis le 1er janvier 2015, d'autre part, il y a réellement des parts de marché conséquents que le secteur privé national devrait saisir.
Au chapitre des produits exportés par le Sénégal, il faut noter que les produits les plus exportés par le Sénégal dans l'espace Cedeao sont : autres huiles de pétrole et préparations, huiles de pétrole légères et préparations, plates-formes de forage ou d'exploitation, flottantes ou submersibles, autres cargos et cargos mixtes. Y figurent également, les huiles brutes de pétrole ou de minéraux bitumineux, les bateaux-citernes, autres médicaments en doses (prod. des 3002, 3005, 3006 exclus), les véhicules à essence de + 1500 a 3000 cm3, riz semi-blanchi ou blanchi, même poli ou glace riz en brisures.
A titre d'information, Docteur Malick Diop révèle qu'à travers le programme national d'autosuffisance en riz, l'Asepex envisage de promouvoir le riz en brisures et semi blanchi. Ce qui, selon lui, pourrait contribuer davantage au “développement des exportations sénégalaises dans cette zone".