CE QUI CHOQUE LES ENSEIGNANTS

Le Grand cadre de l’enseignement a déterré la hache de guerre et s’engage en ordre de bataille pour le respect de sa plateforme revendicative à travers des séries de débrayages et de grèves.
Il est regrettable de voir ces perturbations s’ériger en tradition. En effet, il est devenu rare de vivre une année scolaire sans crise dans ce pays. Cela est d’autant plus vrai que les autorités s’entêtent à faire la sourde oreille en privilégiant d’autres agendas au détriment des syndicats dont les préavis de grève ne sont plus synonymes d’ouverture de négociations sérieuses.
En conséquence, les organisations syndicales sont contraintes, pour se faire entendre, de recourir à leur ultime arme : les débrayages et les mouvements de grève qui, sans aucun doute, ne plaisent pas au Peuple. Malheureusement, nos concitoyens ne prennent pas le soin de s’informer sur les revendications avant de condamner ou de culpabiliser les enseignants.
Or, Dieu sait qu’ils n’ont pas toujours tort face à des autorités qui, délibérément, préfèrent le pourrissement à la place du respect des accords dûment signés entre responsables.
Une telle attitude des autorités amène les enseignants à comprendre qu’ils n’auront gain de cause qu’au prix d’une lutte hardie dans la cohésion et la détermination, quelles qu’en soient les conséquences.
A la sempiternelle revendication du respect des accords, l’Etat semble avoir trouvé une parade qui consiste en des lenteurs administratives excessives et inadmissibles qui retardent les traitements des dossiers relatifs à la carrière des enseignants sur plusieurs années. Personne n’est épargné.
C’est ce qui explique la forte mobilisation jamais réussie derrière les mots d’ordre déclenchés par le Grand cadre des syndicats de l’enseignement. Ainsi, dans un élan fédérateur et mobilisateur, il compte combattre cette anomalie et cette injustice jusqu’à ce que l’Etat remette les uns et les autres dans leur droit.
On peut ne pas être d’accord sur la pertinence d’une grève. On peut aussi polémiquer et ne pas s’entendre sur le niveau de réalisation des points d’accord d’une plateforme revendicative, mais on peut tout de même comprendre que les enseignants soient à bout lorsqu’on joue avec leur carrière jusqu’à hypothéquer leur avenir. Car c’est de cela qu’il s’agit.
A titre d’exemples, on a une pensée pieuse pour tous ces maîtres ou professeurs contractuels décédés, laissant derrière eux une famille sans aucun dédommagement de l’Etat. On peut ajouter le préjudice moral, financier et statutaire causés à l’enseignant pour avoir retardé, des années durant, sa promotion qu’il risque de perdre, si jamais il décède avant la régularisation. Que dire du brave retraité sevré de salaire et sans pension pendant plusieurs mois après de loyaux services rendus à la Nation ?
Ce qu’il faut malheureusement constater pour le déplorer, c’est qu’en dehors des lenteurs occasionnées par les remaniements ou réaménagements ministériels et les éventuels rejets devant nécessiter la reconstitution d’un nouveau dossier, la plupart des dysfonctionnements supposés relevant de lenteurs administratives sont volontairement créés.
Madame le ministre de la Fonction publique, de la rationalisation des effectifs et du renouveau du service public a laissé entendre, lors d’une rencontre entre le gouvernement et le Grand cadre des syndicats de l’enseignement, son impuissance face aux lenteurs administratives malgré le temps qu’elle consacre à signer des actes. C’est parce qu’elle ne se rend pas compte que les dossiers qui sont soumis à sa signature n’auraient pas dû être sur sa table.
Autrement dit, par des pratiques peu orthodoxes de certains agents, on met de côté ou on fait traîner d’anciens dossiers au profit d’autres, plus récents, mais considérés comme des «cas» et devant faire l’objet de traitement spécial pour diverses raisons : clientélisme, laxisme, propagande syndicale ou pour des raisons pécuniaires.
Pourtant, certaines autorités sont régulièrement informées de ces goulots qui étranglent notre Administration à l’occasion des audiences qui sont accordées aux responsables syndicaux et par le biais de correspondances. Des coupables sont même identifiés, mais rien n’y fait. Le mal persiste.
Le mal de notre Administration, c’est l’absence de contrôle sérieux des agents dans l’exercice de leurs fonctions. Les chefs de service ne se préoccupent guère de la régularité et de la ponctualité de leurs agents, encore moins de l’exécution des tâches. Les directeurs ne reçoivent pas de compte-rendu fidèle et exhaustif de la marche du service. C’est pourquoi il n’est pas étonnant d’entendre un ministre dire qu’il n’est pas au courant d’une situation décriée dans son ministère.
Nonobstant tous ces sabotages de l’Administration, il est heureux de constater qu’en réaction aux plans d’actions du Grand cadre des syndicats de l’enseignement, le ministère de la Fonction publique ait sorti un calendrier «d’opération coup de poing» pour le traitement des dossiers et la sortie des actes.
Que cela se réalise et perdure. La même réaction est attendue des autres ministères, principalement du côté du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan en attendant l’effectivité de la dématérialisation des actes administratifs tant annoncée pour définitivement mettre fin aux lenteurs et aux lourdeurs administratives.